Focus on Iranian diplomacy


Le Ministère de la culture iranien a interdit l’accès à son territoire à Daniel Barenboim qui souhaitait venir jouer à Téhéran. Le prestigieux chef d ‘orchestre de nationalité argentine et israélienne est ainsi empêché de faire le concert qu’il souhaitait donner dans la capitale perse à la tête du Berlin Staatskapelle qu’il dirige.

Daniel Barenboim est considérée comme persona non grata aux motifs «qu’il a un lien national et identitaitre avec Israel, que ses parents vivent là bas et qu’Israel est un état illégitime». L’information a parcouru les salles de presse sans que l’on n’y s’attarde outre mesure, et pourtant!

Les autorités iraniennes font preuve et c ‘est sans commentaire, d’une mauvaise foi évidente. Elles oublient de dire que le grand chef argentino-israélien ( il est né à Buenos-Aires) s’est aussi vu remettre un passeport palestinien pour avoir monté le Diwan orchestra ainsi qu’un passeport espagnol!

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Le communiqué rendu public par un porte-parole du ministère iranien de la culture et empêchant Daniel Barenboim, est emprunt de cette tonalité redondante de l’Iran de Ali Khamenei علی حسینی خامنه‌ای, le Guide suprême, de cet antisémitisme qui ne dit pas son nom qui se masque sous des manipulations verbales. Une idéologie tout à la fois belliqueuse, impérialiste, nimbée d’un sectarisme religieux et intolérant, tout à la fois antisémite, anti judaïque, anti chrétien et anti-américain dans le droit fil de ce que prônait Khomeinii qui ferma son pays aux occidentaux bien avant que ne s’exerçât en représailles le blocus à la suite de la tentative de développement d’une industrie d’armement nucléaire, car c ‘est bien de cela qu’il s’agit !


Il convient de regarder tout cela de plus près

L’interdiction faite par le ministre de la culture d’Iran à Daniel Barenboim de venir jouer et diriger le Berlin Staatskapelle à Téhéran, ressort de ces tensions diplomatiques, en l’occurence la diplomatie culturelle, mais aussi, et il convient de le souligner, des tensions politiques internes au sein de l’appareil d’état en Iran.

Ce n’est pas non plus par hasard que la ministre israélienne la culture cette fois du gouvernement Nethanyaou, Miri Regev, a tonné contre la décision de Daniel Barenboim.

La diplomatie est un art difficile et quiconque s’intéresse à ce type particulier de relations inter étatiques, à ces stratégies d’influence, de puissance ou de force est habitué à ses contradictions apparentes au sein d’un même camp entre partisans et opposants à une ligne politique, entre faucons et colombes, entre conservateurs et progressistes, les mots ne reflétant que maladroitement les différences souvent fondamentales et irréductibles qui peuvent se combattre au sein d’un même état, voire au sein d’une même équipe gouvernementale ou ministérielle. L’opinion publique nationale ou étrangère n’en apercevant que les soubresauts, l’épiphénomène, l’expression médiatisée donc instrumentalisée au service d’un clan ou d’un autre.

Régulièrement paraissent des études ou des commentaires sur telle ou telle actualité diplomatique, et le plus souvent au sujet des conflits qui opposent un état à un autre, ou plus simplement des intérêts nationaux à ceux d’autres pays.

Rien de ce qui permet l’expression entre deux pays ennemis de retrouver le chemin de la négociation donc de la paix ne doit ainsi être ignoré. Qu’on se rappelle la diplomatie du ping-pong quand une équipe américaine de ce sport était venue jouer à Pékin du temps de la diplomatie Kissinger alors que dans le même temps les bombardiers B52 américains déversaient des tapis de bombes sur la piste Ho Chi Minh au Vietnam alors soutenu, armé et aidé par la Chine!

Bien entendu la diplomatie culturelle est un levier puissant que savent utiliser las chancelleries, qu’elle soit directement initiée par celles ci ou que ces dernières soient suffisamment subtiles pour récupérer des bonnes volontés qui s’expriment ci et là selon leurs intérêts ou en faveur du dialogue et de l’apaisement des conflits. Il est en tous cas intéressant d’observer que c’est dans le champ artistique musical (et quels que soient les styles) que se manifestent le plus d’actions solidaires, la musique par définition se constituant comme une médiation bien au-delà du langage formel et diversifié et des intérêts nationaux;

Il est bien difficile pour les spécialistes des questions d’Orient et en l’occurrence de l’Iran de mesurer l’équilibre des pouvoirs entre d’une part Ali Khamenei, le Guide suprême et le Président Hassan Rohani, il ne convient pas davantage de faire des comparaisons égalitaires en termes électoraux entre le régime iranien et les pays démocratiques, b a ba de la sémantique diplomatique ou politique au demeurant.

En réalité le président élu Hassan Rohani ( les dernières élections iraniennes ont eu lieu en juin 2013), ne dispose que de peu de pouvoirs.

Les inquiétants Gardiens de la révolution islamique سپاه پاسداران انقلاب اسلامى, les Pasdarans, ne sont pas sous son autorité mais sous celle du du Guide suprême رهبر معظم. Non seulement constituent -ils une garde prétorienne redoutable, une armée dans l’armée comme un état dans l’état. Il faut savoir qu’ils sont aussi à la tête de secteurs industriels et bancaires puissants notamment tout le secteur pétrolier). Leur force spéciale ( Brigade ’Al-Qods نیروی قدس‎ ) combat notamment aujourd’hui en Syrie au côté de l’armée d’Assad et du Hezbollah libanais. Vladimir Poutine vient quant à lui de faire livrer 3 batteries de missiles anti-aérien S 300 à l’Iran, un système destiné à protéger les sites stratégiques contre des bombardements aériens.

Si l’opinion publique iranienne se réjouit pour ce qui la concerne à juste titre de l’ouverture de son pays à l’occident, les représentants d’affaires occidentaux après la signature de l’accord sur le nucléaire, se pressent désormais dans la capitale perse. Il n’en demeure pas moins que la fraction dure, et c’est un euphémisme, de l’exécutif iranien, n a pas changé un iota à sa logorrhée impérialiste et militariste. L’Iran se constitue en puissance régionale. Les autres grands pays musulmans rivaux de la région, (Turquie ou Arabie Saoudite) observent avec appréhension cette montée en puissance de l’Iran comme épicentre politique, les évolutions de la politique américaine et s’inquiètent quant à la mise en oeuvre des accords signés et des contrôles à venir concernant le nucléaire iranien.

L’épisode Daniel Barenboim, le refus qui lui a été notifié de venir diriger le Berlin Staatskapelle à Téhéran, n’est pas un épiphénomène. C’est tout au contraire un marqueur du champ diplomatique et de la politique étrangère de l’Iran, c’est une manière de faire savoir aux chancelleries qui est bel et bien le maitre de l’Iran et qui commande, et plus précisément où se trouve la réalité du pouvoir à Téhéran et quel est l’interlocuteur principal. C’est une façon de saper les influences fébriles pro occidentales qui se manifestent dans certaines parties encore discrètes de la classe politique iranienne, de renvoyer dans les cordes (pour le mieux) tous ceux qui prôneraient une certaine ouverture et, faut-il le préciser, de faire obstacle à la popularité grandissante de Hassan Rohani, le Président.

Pierre-Alain Lévy


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WUKALI 04/09/2015
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Illustration de l’entête: le Guide suprême : Ali Khamenei


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