An unexpected nomination at the Ministry of culture in France
Çà déménage rue de Valois ! Et de une, et de deux, et de trois, après Aurélie Filippetti, puis Fleur Pellerin voici maintenant Audrey Azoulay, la troisième femme nommée au poste de ministre de la culture en quatre ans. Le moins que l’on puisse dire c’est que si la question du remaniement ministériel était à l’ordre du jour depuis plusieurs semaines, personne ne s’attendait à un changement à la tête du ministère de la culture et de la communication. Exit Fleur Pellerin, lui succède une autre femme et pas des moindres, Audrey Azoulay. Pour Fleur Pellerin le désaveu est cinglant, il est vrai que ce qu’on a appelé à l’époque l’affaire Modiano faisait un peu désordre… !
Audrey Azoulay est bien loin d’être une inconnue dans le monde de la culture, en effet elle avait été choisie en 2014 par François Hollande pour devenir sa conseillère en communication à l‘Élysée, elle était par ailleurs numéro deux du Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC). Depuis sa nomination comme conseillère du Président, elle s’était notamment attelée à travailler sur le statut des intermittents du spectacle et la dérégulation du marché de l’audiovisuel et du cinéma.
Côté bagage culturel et curriculum vitae, elle est la fille d’André Azoulay, conseiller du roi du Maroc, elle est âgée de 43 ans, énarque et de la promotion Averroès, la même au demeurant que Fleur Pellerin à qui elle succède, elle débutera aussi comme elle sa carrière comme magistrate à la Cour des comptes. Sa réputation dans le monde du cinéma et des médias qu’elle connait bien est avérée.
Pour ses proches, Audrey Azoulay est une bûcheuse, une femme de caractère et de volonté, on la dit sensible mais très exigeante, intelligente et volontaire, passionnée et chaleureuse.
Quelles particularités, quelles singularités faut-il donc réunir pour occuper ce poste ministériel que Malraux a créé et que Jacques Lang a rendu étincelant ? Et pourquoi depuis bien longtemps maintenant n’avons nous point eu, quels que fussent les occupants de l’Elysée au demeurant, des personnalités capables de rayonner au niveau de leurs illustres devanciers ? Quels ingrédients, quelle alchimie sont-ils donc indispensables ?
Une certaine idée de la France d’abord.
C »est à dire mettre l’art, la culture, la démocratie et la République et nos valeurs au coeur de la société et dans le dispositif politique gouvernemental se battre pour que cette exigence de tous les instants ne soit jamais ostracisée ou mise provisoirement de côté, c’est bien là le rôle du ou de la ministre de la culture. C’est donc aussi une responsabilité éminemment politique, une capacité à défendre et faire valoir ses budgets.
Plus que jamais, c ‘est aussi considérer la culture et l’art comme des facteurs de stimulation économique, créateurs d’emplois.
Il s’agit tout à la fois de moderniser des secteurs de la production artistique qui ont perdu pied économiquement dans le maëlstrom mondial de la compétition, de fédérer, soutenir les artistes et les productions artistiques bien plus nombreuses que l’on ne l’estime jusqu’à ce jour et savoir accorder des priorités budgétaires stratégiques. Il s’agit aussi politiquement de faire de ce ministère une institution modernisée, désenclavée, compétitive et non point un palais de la Belle au bois dormant ou du Roi Pétaud. Je serais presque tenté de dire d’ubériser le dispositif si le terme n’était pas de la plus pure provocation et pourtant …
C’est bien évidemment être solidaire de tous les créateurs, de tous les artistes et oeuvrer à leur libre expression et leur rayonnement en France et dans le monde. C’est avoir de la France une vision large, ouverte et généreuse, facteur d’entropie et d’identité. C’est tout sauf une sinécure. Il s ‘agit tout à la fois de maîtriser les dossiers, d ‘apporter des arbitrages bien entendu, mais c’est avant toute chose, posséder une vision du destin de la France, réconcilier de façon pérenne la centralité parisienne avec la province, mais aussi les générations et stimuler la jeunesse vers des valeurs de liberté, de création artistique et aussi bien sûr de beauté. Donner à cette même jeunesse, via l’enseignement artistique notamment le goût des arts et stimuler écoles et conservatoires, C’est un rapport solidaire et constructif à mettre en place avec le ministère de l’enseignement. Que la patine du temps, et qu’elle est riche et belle en France, que la puissance de notre civilisation, de notre culture et de notre histoire qui font rêver le monde, rejaillissent sur les aspérités de notre quotidien et donnent du plaisir et de la joie. C’est une certaine idée, un certain besoin de l’art à donner en partage collectif à l’ensemble de la société, c’est offrir un marketing de la culture.
Pour tout cela il faut bien davantage qu’une ambition politique et des dents longues.
Il faut que le verbe, les paroles et les discours, que vos actes, Madame la ministre, résonnent fort, vous avez notamment dans votre fonction à votre ministère un rôle tribunicien et l’on attend de vous bien autre chose qu’une gestion éclairée, vous n’êtes pas le plus haut fonctionnaire de votre département ministériel, vous devez en effet incarner le rêve de la république !
Non seulement il vous faudra convaincre, mais il vous faudra séduire et ré-enchanter le réel, c ‘est ce que l’on attend d’un homme, d’une femme politique. Vous devrez inventer votre style. Certes, et c ‘est la règle dans notre société de communication, il faut se faire reconnaître et se faire voir, se faire valoir, mais il faut surtout imaginer et se faire le porte-parole des inventeurs de l’avenir. L’art et la culture ne sont point des planètes à part, ils forment tout à la fois dans notre société une galaxie qui attire, magnétise et féconde à elle seule les planètes sciences, enseignement, diplomatie, commerce, recherche, commerce et industrie etc… Le ou la ministre de la culture c’est celui ou celle qui sait pousser sa curiosité et fouiner dans les autres cabinets ministériels pour y trouver de nouveaux gisements de créativité, c’est le lieu éponyme de la germination du sens et de l’avenir.
Pour tout cela il faut être aussi un peu magicien, aujourd’hui magicienne, et posséder le charme et la compétence, la beauté, que vous avez Madame, mais aussi la finesse et la conviction, la parole, l’autorité et le faire-savoir. C’est vous Madame Audrey Azoulay, qui prenez désormais le relai, soyez la bienvenue, donnez nous à rêver, donnez nous de l’espoir, stimulez toute la chaîne de nos créateurs et de nos artistes, de nos institutions culturelles aussi, ce sont eux les inventeurs de l’avenir comme ils sont aussi bien sûr ceux qui entretiennent les lumières étincelantes de notre passé. Portez l’esprit de la France. Nous comptons réellement sur vous !
« Le grand combat intellectuel de notre siècle a commencé, […] la Culture est devenue l’autodéfense de la collectivité, la base de la création et l’héritage de la noblesse du monde ». C’est André Malraux qui prononçait ces mots lors de l’inauguration de la Maison de la Culture de Grenoble le 13 mai 1968.
Face aux discours de haine qui aujourd’hui défigurent la planète et tuent, face à la menace de cette extrême-droite qui sous des aspects cosmétiques en France tisse tout doucement sa toile, il appartient à vous seule, oui Madame, d’incarner tout particulièrement ce souffle français, vous possédez la force du verbe qui rassemble, vous incarnez à merveille dans vos attributions cette civilisation du livre dont nous sommes tous les héritiers, honneur à vous et courage !
Pierre-Alain Lévy
WUKALI 12/02/2016
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