A good choice !
Non, la vie n’est pas un long fleuve tranquille et les personnages du dernier roman d’Agnès Ledig en sont la preuve. Tous, à l’exception de la petite Anna Nina, sont des écorchés de la vie et ont su entrer dans une sorte de routine qui les protège. Ils ne sont pas malheureux, loin de là, mais il suffit d’un grain de sable pour que leurs défenses tombent tant elles sont fragiles, tant elles étaient bâties sur une routine sans cesse répéter qu’elles n’étaient que des barrières de papier. Seul, avec l’âge, Gustave a su trouver une vraie sérénité et accepter ses choix, mais lui a véritablement choisi, tandis que Valentine et Eric ont subit, lui le décès de sa femme passionement aimée, elle un passé qu’elle a du mal à formuler.
Le grain de sable c’est cet orage d’une grande violence qui arrache un arbre s’écroulant sur la caravane dans laquelle Eric vit avec sa fille Anna Nina depuis sa naissance, depuis que son épouse et mère est morte en couche. Le hasard fait que là, il s’était arrêté près de la ferme de Valentine, une institutrice en mal d’affection qui n’a jamais su malgré, son désir bâtir, une vie de couple, car elle « étouffe » vite en présence d’un homme à ses côtés. Alors elle compense par une grande suractivité, aidé par son voisin, le sage Gustave.
En arrière plan il y a Gaël, le collègue, l’ami d’enfance de Valentine, amoureux de sa femme et d’une autre, tiraillé entre les deux, malheureux à chaque signe d’indifférence de la seconde.
L’amour, l’amitié, la fidélité à un passé, à un idéal, voilà tous les thèmes qu’Agnès Ledig aborde dans ce roman.
N’allez surtout pas croire que c’est un « roman à l’eau de rose », loin de là, tout n’est pas bien qui finit bien, c’est beaucoup plus, non point complexe mais réaliste : on ne tourne pas si facilement une page, on ne remet pas en cause ses choix par simple coup de baguette magique, on ne triomphe pas de ses craintes du jour au lendemain, on n’accepte pas en se levant que le passé et que le présent ne correspondent pas à ce que l’on voudrait qu’ils soient ; et puis le futur de quoi sera-t-il fait ? Ne faisons pas une erreur en sortant du chemin sur lequel on a décidé de progresser.
Et quel est l’avenir d’une petite fille totalement « désocialisée » à cause du choix de son père ? Ne fait-il pas preuve d’égoïsme en ne lui permettant pas d’avoir la vie « normale » d’une petite fille de son âge ?
Tout est résumé à la fin par Gustave : « Il ne faut pas attendre. Il faut profiter des choses qu’on a. Pas celles qu’on espère… Je regrette tout. Mais on ne maîtrise pas grand-chose dans la vie. Et c’est notre grand tord de croire que c’est possible. Vouloir tout maîtriser, parce que c’est rassurant. Mais il suffit d’un événement particulier et tout est chamboulé. »
Et que dire de l’avant très court dernier chapitre : « Se retourner sur la vie, c’est prendre le risque de voir les traces du passé dans le sable de nos souvenirs. Vivre, vivre vraiment, regarder loin devant, avancer pas à pas, et laisser le temps, le vent, effacer les empreintes derrière soi. »
Agnès Ledig développe une vraie philosophie de vie d’un grand humanisme qui passe par le respect de soi-même afin de mieux respecter les autres.
Émile Cougut
On regrettera plus tard
Agnès Ledig
éditions Albin Michel. 19€50
WUKALI 21/03/2016
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