One of the most famous king in English History
Voilà une intéressante biographie de Philippe Erlanger sur Henri VIII d’Angleterre qui est plus factuelle qu’analytique. Elle est avant tout chronologique ce qui n’empêche pas l’auteur de resituer la vie de ce roi dan son contexte politique, religieux, économique. Les « puristes » de l’école des annales trouveront qu’il est assez « léger » en ces domaines, mais les amateurs d’histoire qui veulent sortir des lieux communs, sans pour autant se perdre dans de longues digressions statistiques ou philosophiques, trouveront un vrai plaisir à cette lecture.
Philippe Erlanger essaie, tant faire ce peu, d’entrer dans la psychologie de ce monarque, car son caractère explique en grande partie ses décisions. Il montre parfaitement l’évolution du jeune homme vaniteux, orgueilleux assez dilettante, qui n’aime pas particulièrement le travail, qui avait horreur des rapports qui délègue le pouvoir à l’ambitieux cardinal Wosley. Ce dernier était ambitieux pour lui-même (il espérait devenir pape) mais aussi pour son pays. Henri à son contact apprend les arcanes de la ruse et de la diplomatie. Et puis il y a eu Thomas Cromwell, que le souverain méprisait mais qui fut son fidèle exécutant au moment du schisme avec la papauté. A la fin de sa vie, le roi est devenu un politique de haut niveau, rusé, presqu’une caricature du« Prince» de Machiavel, mais un roi bouffi (dans tous les sens du terme tant il est obèse) d’orgueil, de suffisance, quelque peu paranoïaque et mégalomane. Un grand roi ? Sûrement pas ! Mais un roi de son époque qui n’est pas particulièrement sûr de la légitimité de sa présence sur le trône : son père Henri VII a peut-être mis fin à la Guerre des Deux-Roses en faisant triompher la rouge des Lancastre, mais bien d’autres avaient des « droits » plus « évidents » au trône, ce qui explique en grande partie les exécutions de ces derniers après des procès où la justice, le moins que l’on puisse dire, n’avait pas droit d’entrée. Un roi peureux, craignant la maladie, le retour de la guerre civile, un roi envieux vis-à-vis des deux autres grands monarques de l’époque François Ier et Charles Quint. Un roi aimant le luxe, ayant su user et abuser des richesses amassées par son père, dépensant sans compter, toujours à court d’argent et il sut parfaitement profiter du schisme pour faire main basse sur les très grandes richesses de l’église catholique. Surtout Henri VIII fut le seul monarque absolu qu’ait connu l’Angleterre, ses filles elles aussi furent des souveraines « dures » voire cruelle (Marie ne fut pas surnommée la sanglante pour rien), mais déjà en ce début du XVIème siècle le parlement voit son pouvoir s’accroître. Il est certain que sous Henri VIII, le parlement, brillamment manipulée par Thomas Cromwell, malgré quelques réticences, était plus une chambre d’enregistrement sous la coupe du souverain qu’une vraie force de proposition démocratique.
Mais Henri VIII fut aussi un homme de son époque, un théologien de très haut niveau, un vrai dévot qui se posait de vraies et de profondes questions de conscience, et toute sa politique religieuse a eu aussi pour but qu’il soit toujours en accord avec sa conscience et sa foi, quitte à imposer son point de vue à tous ses sujets avec l’aide des bourreaux. Pour y arriver, il n’hésite pas à sacrifier ses amis dont le plus célèbre est Thomas Moore, sa première femme et à faire exécuter sa seconde. (la cinquième eut le col tranché pour cause d’adultère). L’hérésie était un chef d’accusation amenant presqu’automatiquement à l’échafaud (avec confiscation des biens au profit de la couronne). Comme les dogmes théologiques du souverain variaient fortement avec le temps au vu de sa vie privée et de la politique anglaise, il était assez difficile d’être continuellement en harmonie avec la pensée royale.
Philippe Erlanger résume parfaitement cette personnalité : « le dévot étalait ingénument un égoïsme prodigieux, l’humaniste manquait d’humanité, le fanfaron de courage, le despote d’application aux affaires. En revanche, il s’est prodigieusement diverti. Mais il fut l’inventeur de la politique dite de l’équilibre des puissances et la création d’une marine de guerre moderne. »
Le bel Apollon qu’il fut dans son enfance et son adolescence devint obèse, avec des ulcères purulents aux jambes qui le faisaient souffrir. Plein de rêves de grandeurs, rêvant d’être un nouvel Henri V, il ne connut que des victoires sans lendemain, L’Angleterre sous son règne fut parfois la gardienne de l’équilibre européen, mais redevient très vite la puissance de « seconde zone » qu’elle était depuis la guerre civile.
Bien sur, il y a le schisme avec l’Église catholique, schisme qui n’aurait jamais eu lieu si le pape Clément VII avait accepté son divorce avec Catherine d’Aragon, bien sûr il y eu les six femmes qui firent d’Henri VIII un modèle pour Barbe Bleue.
Avec ce livre, Philippe Erlanger signe une biographie qui nous montre Henri VIII avant tout comme un homme, un homme de son époque, de la culture de son époque, un homme vaniteux, orgueilleux, envieux, mégalomane mais qui introduisit la Renaissance dans son royaume.
Félix Delmas
Henri VIII
Philippe Erlanger
éditions Perrin. 19€90
WUKALI 02/05/2016
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