Voici un poème de [**Francis Ponge*], écrit en 1925. Trituration des mots et du sens, insupportable et amère constat de l’incommunicabilité, repli du poète sur lui-même, tentation de l’ego ou adresse au temps qui exaspère. Poète plus que jamais vivant, l’ombre passe et s’étend. Il ne reste plus que le verbe. Retour ! Actualité du poète.
P-A L
– La Dérive du Sage
Parce qu’on est tout seul dans son île (seul avec l’ombre de son sage), acteur maniaque de signaux que personne ne remarque, — c’est toujours par : « Pitié t Voyez ma maladresse » qu’il faudrait s’essayer à se faire comprendre?
Non! (la dérive de mon sage est prête). Cest ma dernière provision d’orgueil que je flambe, — au heu de m’en nourrir quelques heures de plusl
Je mettrai le feu à mon île! Non seulement aux végétations! Je me chaufferai à blanc jusqu’au roc! Jusqu’à l’inhabitable! J’allumerai peut-être un soleil
« Le Verbe est Dieu! Je suis le Verbe! Il n’y a que le Verbe! »
(La dérive de l’ombre, dans la barque, est toujours prête, prête à ruer du bord.)
[**Francis Ponge *] (1899-1988)