Clash of Civilizations or psychological and educational conflicts ?
Ce vain combat que tu livres au monde de [**Fouad Laroui*] est un roman qui, le moins que l’on puisse dire, est particulièrement d’actualité : le passage à l’extrémisme religieux, musulman pour être plus précis.
Ali, d’origine marocaine, vit et travaille à Paris, il s’occupe du développement de logiciels dans une « start-up » travaillant pour la défense nationale et plus précisément pour l’entreprise Dassault. Il vient de s’installer chez Malika, institutrice, française d’origine, par ses parents, maghrébine. C’est un couple jeune, totalement « intégré », même si ce terme dans ce cas ne veut rien dire car il porte en lui un relent de racisme : ils ne sont pas plus intégrés dans notre société que des Français dits de « souche », ils vivent exactement de la même façon que n’importe quel couple dans cette France du début du XXI siècle. Ils vont voir la vie du couple se transformer en enfer, Malika refusant, à juste titre, de devenir la chose, la moins qu’humaine qu’une lecture dévoyée des textes religieux lui impose.
Elle est aidée par sa meilleure amie Claire qui n’est pas la dernière à démontrer l’hypocrisie totale des pseudo-valeurs que « défendent » les deux cousins : il faut lire la scène dans laquelle elle fait un strip-tease, c’est drôle en soit et surtout particulièrement cruel pour les deux hommes qui n’arrivent pas à surmonter leurs contradictions et doivent fuir. [**Fouad Laroui*] a un vrai talent pour dénoncer l’absurdité de cette lecture dévoyée du Coran et de la mauvaise foi totale de ceux qui la prônent.
Quoiqu’il soit, le couple finit par exploser, Ali se rend compte, trop tard, qu’il s’est fait embrigader et que sa vie, la vraie vie est dans cette France tant décriée, auprès de Malika. Elle ayant opté pour la vie, malgré les horreurs du terrorisme causé au nom de valeurs dans lesquelles elle ne se reconnaît pas, ne pense qu’à l’avenir et à son bonheur.
Fouad Laroui nous offre dans ce roman une importante contribution pour comprendre un phénomène qui par bien des égards nous est difficile à appréhender. Il décrypte les ressorts psychologiques de personnes en quête d’identité déchirés par plusieurs cultures qui, pleins de rancœurs, ne trouvant pas de réponses à toutes les questions qu’ils se posent, au lieu de réfléchir, de se remettre en cause, de trouver par eux mêmes des réponses, préfèrent épouser les plus simplistes, partisanes et tronquées.
Il faut lire Ce vain combat que tu livres au monde, surtout par ceux qui connaissent mal le monde, l’univers musulman, car l’auteur sait mêler dans sa fiction, les grandes périodes de l’histoire de l’Islam, de l’Hégire à la création d’Israël, ces moments qui ont façonné et qui façonne toujours la pensée la doctrine de certains courants de cette religion. Bien sûr, leur interprétation des faits historiques est loin d’être celle des pays occidentaux, il y a la même dose de très mauvaise foi chez les deux. La lecture de excellent livre d'[**Amin Maalouf*] (de l’Académie Française), Les Croisades vues par les Arabes nous avait déjà démontré que les lectures de l’histoire, des faits historiques sont multiples et jamais uniques. Mais les lectures partisanes de cette Histoire sont des armes idéologiques d’une grande puissance, car elles finissent par aboutir à une pensée à un état de fait propice au basculement de certains (les plus faibles psychologiquement) vers la violence. Fouad Laroui en peu de mot résume ce malaise : « Qu’est-ce qui conduit un être humain à se faire exploser, c’est-à-dire à se suicider ? Et si le kamikaze était tout simplement un mélancolique, traversé parfois par des épisodes maniaques. Et s’il était le symptôme du monde arabe actuel ? Le mal pernicieux dont souffre cette grande famille humaine ne réside pas dans la théologie mais dans une mélancolie latente, masquée ? »
Je pense que tout est dit. La démonstration par la fiction que nous livre Fouad Laroui est certainement 100 fois plus troublante, percutante que bien de savants livres de sociologues ou autres « experts ». Elle nous donne de vraies clés pour comprendre l’incompréhensible que nous ressentons face aux actes terroristes.
Il y a quelques années, [**Yasmina Khadra*] avait commis une extraordinaire livre sur ce thème : L’attentat. Il est nécessaire de le lire ou de le relire après celui de [**Fouad Laroui,*] en espérant que Ce vain combat que tu livres au monde connaisse le même sucés que celui de l’auteur algérien.
[** Émile Cougut*]
Ce vain combat que tu livres au monde
Fouad Laroui
éditions Julliard 19€
[**Biographie/*]
Marocain de naissance, ingénieur et économiste de formation, professeur de littérature à l’université d’Amsterdam, romancier de langue française, poète de langue néerlandaise, éditorialiste, critique littéraire, Fouad Laroui a publié, entre autres, chez Julliard, Une année chez les Français (2010), L’Étrange Affaire du pantalon de Dassoukine (2012), prix Goncourt de la nouvelle, Les Tribulations du dernier Sijilmassi (2014), Grand Prix Jean-Giono et Les Noces fabuleuses du Polonais (2015). Son essai De l’islamisme, une réfutation personnelle du totalitarisme religieux vient d’être réédité chez Robert Laffont.
WUKALI 26/08/2016
*Courrier des lecteurs *] : [redaction@wukali.com