Cyrano, our hero !
[**Le panache*], c ‘est l’ultime mot de cette pièce de théâtre d'[**Edmond Rostand*], son chef d’oeuvre, [**Cyrano de Bergerac*], présentée pour la première fois au public sur la scène du théâtre de la Porte St Martin le 28 décembre 1897. Nul mot ne définit mieux le caractère et la personnalité de Cyrano, panache! Qu’il est bel et bon de la relire aujourd’hui plus que jamais et d’écouter les envolées lyriques de ce Gascon !
Pour illustrer nos articles, nous avons cru intéressant de présenter différentes interprétations qui ont bénéficié de diffusions télévisées ou au cinéma. Bien sûr celle avec** Daniel Sorano*] réalisée par [**Claude Barma*] et offerte aux téléspectateurs français par l’ORTF pour la soirée de Noël 1960, une référence [(La tirade du nez) ; puis tout naturellement celle du film mis en scène par **Jean-Paul Rappeneau*] et [**Jean-Claude Carrière*] (1990) avec [**Gérard Depardieu*] dans le rôle et qui n’est rien moins que sublime. ([Monologue des Cadets de Gascogne). Nous poursuivrons avec la mise en ligne le 17 septembre prochain avec le dernier extrait et la mort de Cyrano.
Nous espérons que vous aurez autant de plaisir que nous nous en avons eu, à savourer cette pièce et à lire et relire ce grand texte.
Scène 2.VIII. Non merci!
[** Cyrano, Le Bret, les cadets, qui se sont attablés à droite et à gauche et auxquels on sert à boire et à manger.
*]
[**Cyrano *] (saluant d’un air goguenard ceux qui sortent sans oser le saluer):
Messieurs. . .Messieurs. . .Messieurs. . .
[**Le Bret *] (désolé, redescendant, les bras au ciel):
Ah! dans quels jolis draps.
[**Cyrano*]:
Oh! toi! tu vas grogner!
[**Le Bret:*]
Enfin, tu conviendras
Qu’assassiner toujours la chance passagère,
Devient exagéré.
[**Cyrano:*]
Hé bien oui, j’exagère!
[**Le Bret*] (triomphant):
Ah!
[**Cyrano*]:
Mais pour le principe, et pour l’exemple aussi,
Je trouve qu’il est bon d’exagérer ainsi.
[**Le Bret:*]
Si tu laissais un peu ton âme mousquetaire,
La fortune et la gloire. . .
[**Cyrano*]:
Et que faudrait-il faire?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force?
Non, merci. Dédier, comme tous il le font,
Des vers aux financiers? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud?
Avoir un ventre usé par la marche? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale?
Exécuter des tours de souplesse dorsale?. . .
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et, donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir son encensoir, toujours, dans quelque barbe?
Non, merci! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames?
Non, merci! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant? Non, merci!
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans des cabarets tiennent des imbéciles?
Non, merci! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres? Non,
Merci! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse: ‘Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François?’. . .
Non, merci! Calculer, avoir peur, être blême,
Aimer mieux faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter?
Non, merci! non, merci! non, merci! Mais. . .chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’oeil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre,–ou faire un vers!
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
A tel voyage, auquel on pense, dans la lune!
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire: mon petit,
Soit satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles!
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul!
…
Edmond Rostand
Le 17 septembre prochain, suite et fin de cette série consacrée au chef d’oeuvre d'[**Edmond Rostand*], [**Cyrano de Bergerac *] , la mort de Cyrano.
ou celle des[** Cadets de Gascogne*]
WUKALI 30/08/2016
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Illustration de l’entête: Gérard Depardieu dans le rôle de Cyrano de Bergerac. Film de Jean-Paul Rappeneau et Jean-Claude Carrière (1990)