A major composer of our time


Ce n ‘est pas tous les jours qu’un grand musicien et compositeur,[** Philip Glass*] en l’occurence, se voit décerner un prix littéraire, c’est pourtant ce qui vient d’arriver à ce compositeur américain qui vient tout juste de recevoir le Prix littéraire décerné chaque année par le [**Chicago Tribune*], une des références de la presse américaine s’il en est. Déjà, voilà quelques jours à peine, c’était [**Bob Dylan*] qui avait obtenu le Prix Nobel de littérature. Ce bouleversement dans l’organisation des structures de penser et le conformisme avaient de quoi en bouleverser plus que quelques-uns.

Immense compositeur Philip Glass, cela ne fait pas l’ombre d’un doute et ses oeuvres sont jouées aujourd’hui par les plus grands orchestres dans le monde entier, c’est dire qu’il est un classique dans l’acceptation la plus élargie du terme.

Dire qu’il est un musicien est certes juste, mais il ne faut pas davantage oublier pour ce qui le concerne ses connaissances approfondies tant en mathématiques qu’en philosophie. C’est dire qu’il est pleinement un homme de son temps, un humaniste et le terme n’est en rien galvaudé. Faut-il ajouter pour satisfaire notre vanité française qu’il a choisi dans ses années de formation de venir étudier à Paris et qu’il eut pour maîtres [**Darius Milhaud*] (« le roi Darius», comme l’appelaient ses amis du groupe des 6), et [**Nadia Boulanger*] ! Plus tard il s’intéressera particulièrement à d’autres cultures musicales et on le verra découvrir les musiques et les rythmes d’Afrique du nord comme les traditions musicales de l’Himalaya. C’est dire que son oeuvre est non seulement prolifique, elle est aussi nourrie de ces transgressions, de ces immersions dans d’autres mondes, d’autres paysages sonores, l’Inde par exemple. [**Ravi Shankar*] n’eut pas pour seul admirateur que [**Yehudi Menuhin*], Philip Glass le rencontra également.

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Philip Glass est un musicien contemporain. Oh excusez-moi, le gros mot est lâché, qualificatif si j’ose disqualifiant et imbécile, tout du moins (excusez mon humeur), vicieusement employé et ne servant hélas qu’à enfermer et à cloisonner dans de petites boîtes des styles artistiques ( il en va de même pour la peinture par exemple) comme si chaque artiste (personne) de son vivant, n’était pas contemporain de son temps, on nage dans le pléonastique ! Terme devenu dans les propos de certains, ostracisant, disqualifiant, en un mot, méprisant ! Mais dans quelle époque de tarés vivons-nous!

La musique contemporaine (et comme dit précédemment cela est pareillement valable pour toutes les autres sortes d’arts), est prolifique, variée, inventive, foisonnante, intéressante, souvent belle, elle se cache parfois au détour d’un film. Elle se nourrit de notre société même, (cette remarque a de mon point de vue quelque chose de superflu !), c’est à dire qu’elle prend non seulement en compte les lignes de force de ce qui fait notre monde, notre univers mental, mais ne se circonscrit pas seulement à notre culture d’occidentaux et va s’intéresser aux musiques du monde. Rappelons que le phénomène avait déjà commencé bien en amont quand [**Debussy*] découvrit lors de l’exposition universelle de 1889 le gamelan, incroyable instrument venu d’Indonésie.

La musique de Philip Glass se nourrit bien souvent de la répétitivité des formes, doit on y voir une influence subliminale avec des formes populaires de la musique de variété d’aujourd’hui qui s’en inspirent ? C’est bien probable, et on pourrait dire la même chose avec celle de[** Pierre Henry*] ! C’est un compositeur formé à la musique classique, c’est aussi un musicien sensible au «sérialisme» de [**Webern*], et les émotions initiées par sa passion tant pour les mathématiques et la philosophie ne sont pas pour rien dans ses choix. Il est au coeur de ce que l’on appellera le mouvement «minimaliste».

On ne peut évoquer son oeuvre sans parler de ses compositions lyriques, de ses opéras bien sûr, de ses oeuvres symphoniques, de sa musique de chambre et du piano qu’il aime tout particulièrement. Sa musique nous est devenue familière, et nous ressentons comme une espèce de nostalgie, j’oserais de «romantisme»! De contemporain il est donc devenu classique, la transcendance a opéré, la greffe a pris !

Qu’ajouter ? Les critiques du Chicago Tribune ont été fins, inspirés. En effet en désignant le livre de mémoires que Philip Glass a écrit, comme objet littéraire, ils ouvrent ainsi son oeuvre au plus grand nombre et la capacité d’influence du livre et donc des mots, n’en sont que plus forts.

Déjà en 2011, ils avaient par leurs choix désigné [**Patti Smith*] comme lauréate de ce Prix.

Notre temps peut sembler inquiétant et mystérieux, et il l’est, seuls les artistes, c’est à dire ces inventeurs, ces alchimistes qui nous entourent et sont capables d’exprimer ces synthèses d’émotions et de beauté, nous donnent cette force d’exister, de vivre et d’être au monde. Philip Glass est de ceux là et ses adoubements avec nombre d’autres artistes de courants différents constituent une force.

Son livre, Words without music, n’est pour l’heure encore point traduit en français, gageons que cela se fasse en tous cas rapidement. A le feuilleter dans sa version d’origine on suit ainsi son itinéraire personnel, culturel et intellectuel. C ‘est une illustration de l’ «American dream», ce fameux rêve américain, c’est à dire cette capacité d’intégration et de réussite. Philip Glass est né dans une famille juive émigrée originaire de[** Lithuanie*], son chemin fut long et dur avant le succès, de ses années comme étudiant à l'[**université de Chicago*], puis ensuite à la [**Juilliard School*] à New-York avec [**Steve Reich*] . En le lisant, on comprend mieux les influences musicales qu’il a reçues telles celles de la musique dodécaphonique d'[**Arnold Schönberg*] ou plus tard celle de [**Charles Yves*]. On le découvre avec l’écrivain [**Saul Bellow*] ou ses autres amis du monde du jazz comme[** Billie Holiday*] ou [**Charlie Parker*].

On vit au coeur de ces cercles artistiques informels les plus souvent new-yorkais qui vont du cinéma avec [**Martin Scorsese*], ou de la musique populaire auprès de [**Leonard Cohen*] lui aussi grand artiste inspiré et [**David Bowie*]. Le cinéma est au demeurant une forme artistique pour laquelle il a beaucoup travaillé on ne s’étonnera donc point de le voir au générique du film de [**Woody Allen*], Le rêve de Cassandre, dont il a composé l’illustration musicale.

Philip Glass confie le lecteur à ses côtés dans le travail d’élaboration de son oeuvre musicale foisonnante, son livre est vivant, inspiré, sensible, dans le chaudron de la vie et de la création, les critiques pour le prix littéraire du Chicago Tribune ont manifestement fait là un bon choix et notre curiosité intellectuelle est ainsi satisfaite !

[**Pierre-Alain Lévy*]


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WUKALI 05/11/2016

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