Les Tragiques est une longue suite poétique d’**Agrippa d’Aubigné*] (1552-1630). Parue en 1615, elle raconte les horreurs des Guerres de religion en France. Cette oeuvre immense est divisée en sept sections. Théodore Agrippa d’Aubigné né dans une famille protestante était un humaniste, il parlait outre le français bien sûr, le latin, l’hébreu et le grec. Les Tragiques constituent un immense poème où d’Aubigné raconte par le détail les événements des guerres de religion, ces suites de massacres et d’horreurs, parfois il raconte tel un historien ces faits qui ont ensanglanté telle ou telle ville et cite les personnages qui y furent impliqués. Il défend avec courage la cause protestante, la langue est superbe et riche. Nous avons extrait un très court extrait (36). Nous nous invitons à prendre connaissance et lire l’ensemble de cette oeuvre érudite et bouleversante, vous en trouverez l’intégralité écrite en français de l’époque sur le lien de [ archive.org.

P-A L


36 LES TRAGIQUES

Le propos de ma bouche. Il est temps que je treuve
En ce corps bien-heureux la praticque et l’espreuve. »
Il vouloit dire plus ; l’huissier le pressa tant
Qu’il courut tout dispos vers la mort en sautant.

Olécio partenaire de Wukali

Mais dès le seuil de l’huis le pauvre enfant advise
L’honorable regard et la vieillesse grise
De son père et son oncle à un posteau liez.
Alors premièrement les sens furent ploiez :
L’œil si gaj laisse en bas tomber sa triste veiie,
L’ame tendre s’esmeut, encore non esmeùe :
Le sang sentit le sang, le cœur fut transporté,
Quand le père, rempli de mesme gravité
Qu’il eut en un conseil, d’une voix grosse et grave
Fit à son fîlz pleurant cette harangue brave :

« C’est donc en pleurs amers que j’yray au tombeau ,
Mon filz, mon cher espoir, mais plus cruel bourreau
De ton père affligé : car la mort pasle et blesme
Ne brise point mon cœur, comme tu fais toy-mesme :
Regretteray-je donc le soing de te nourrir?
N’as-tu peu;|bien vivant apprendre à bien mourir? »

L’enfant rompt ces propos : « Seulement mes entrailles
Vous ont senti, dit-il, et les rudes batailles
De la prochaine mort n’ont point espouvanté
L’esprit instruit de vous, le cœur par vous planté.
Mon amour est esmeu, l’ame n’est pas esmeùe;
Le sang, non pas le sens, se trouble à vostre veùe :
Vostre blanche vieillesse a tiré de mes yeux
De l’eau, mais mon esprit est un fourneau de feux …

[**Théodore Agrippa d’Aubigné*] (1552-1630)

——–
*Contact *] : [redaction@wukali.com
WUKALI 22/12/2016

Ces articles peuvent aussi vous intéresser