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« L’argent ne fait pas le bonheur » dit un dicton, et on rajoute souvent : « mais il y contribue bien », c’est ce que nous montre pas exactement le roman de[** François Hauter*], [**Les enfants perdus*]. Soit l’argent aide bien, aplanit bien des problèmes, mais ne les résout pas en dernière instance. Il est certain que tout le monde n’a pas trois cent mille dollars à dépenser en une journée, voire quelque millions à déposer sur un compte off shore pour se payer une poignée de mercenaires.
Mais c’est le cas des deux personnages principaux, Rose et Stanislas, des enfants perdus. Tout les deux sont dans des situations similaires : Rose, directrice d’une des premières compagnies mondiales d’assurance n’a qu’un but : grossir les profits de l’entreprise mémé au détriment du personnel. Elle, la petite provinciale d’Angoulême, qui a fait des strip-tease pour payer des études, fait maintenant partie du cercle très fermé des plus grands chefs d’entreprise. Elle a consacré sa vie à sa réussite et à l’argent qui s’accumule sur son compte. Mais Rose à une fille, Jade, conçue un peu par hasard entre deux avions qui a bénéficié de la meilleure éducation dans des institutions privées mais sûrement pas de l’amour maternel. Et Jade risque la peine de mort en Thaïlande car elle a introduit quelques kilos de drogue.
Stanislas, lui a développé l’entreprise familiale et est devenu un notable strasbourgeois. Il est la caricature du patron du MEDEF, bien ancré dans ses certitudes, ne pouvant imaginer avoir des rapports autres que de patron à employé avec les tiers. C’est cette relation qu’il a tissé avec son fils Alexandre depuis le décès de son épouse et mère. Et voilà qu’il apprend qu’une prime est mise sur la tête d’Alexandre en Australie.
Ces deux parents, quelque peu en déroute, se retrouvent par hasard, lors d’un transit, à Hong Kong. Une rencontre d’une soirée (et d’une nuit) et chacun de leur coté part suivre son chemin. Rose, entre deux coups de bourse et quelques milliers de licenciements arrive à faire libérer Jade. De fait, elle l’a fait parce que c’est sa fille, mais pour Rose ce n’était qu’un problème annexe, bien moins important que ceux qu’elle doit traiter dans son travail, une écharde que l’on ôte et on peut passer à autre chose. Mais ce que Rose n’a pas compris c’est que tous ses millions ne lui achéteront jamais l’amour de sa fille. Elle n’arrive pas à parler à Jade, lui expliquer son chemin, sa vision de la vie, du monde, sa culture qui fait qu’elle est devenue ce monstre froid, inhumain. Il lui manque les clés, les mots à mettre sur ses sentiments. Elle les a perdus et par voie de conséquence, elle ne peut que perdre Jade.
Arrivé en Australie, Stanislas se trouve plongé dans un univers qu’il ne connaissait pas, celui de la compassion, de l’empathie et de l’humanité. Il commence par apprendre qu’il est grand-père d’une petite fille et surtout que son fils est recherché par la police avant de le sauver des éleveurs qui veulent sa peau et l’expulser. Alexandre a réussi plusieurs fois à réunir sous sa bannière les « sans grade » », les plus pauvres ouvriers agricoles et à obliger les éleveurs et les propriétaires à leur donner un juste salaire. Ils ont perdu des millions de bénéfices et, recherché par tous, Alexandre s’est réfugié dans le Bush protégé par cette armée de soldats perdus du capitalisme dont il est devenu le porte parole. En plus, Stanislas rencontre dans la prison de l’aéroport, Bienvenu, un jeune haïtien qui s’était engagé chez des négriers pour aller travailler au Qatar et qui se retrouve à Sydney. Bienvenu est le pauvre parmi les pauvres, mais le seul homme que n’ai jamais rencontré Stanislas qui ne comprend pas que l’autre ne veut pas de son argent car s’il veut bien l’aider dans sa quête pour retrouver son fils c’est par fraternité, et la fraternité ne demande jamais rien en échange.
Pour revoir Alexandre, Stanislas va devoir tout d’abord comprendre sa démarche et se transformer, suivre un vrai chemin initiatique dans le bush pour ouvrir son cœur et son âme. Lui, il retrouvera son fils, bien plus que le corps physique de son fils, mais un vrai homme avec qui il peut partager.
A l’inverse de Rose, c’est parce qu’il a su sortir de son univers, s’ouvrir aux autres qu’Alexandre a pu remplir totalement, parfaitement sa quête. L’une finira seule, l’autre riche de ses rencontres.
Deux chemins qui s’entrecroisent, un qui n’arrive pas à évoluer, l’autre qui devient un être humain. Un magnifique conte du XXI siècle.
Les Enfants perdus est un livre dont le lecteur se souviendra longtemps.
[**Émile Cougut*]
[**Les enfants perdus
François Hauter*]
éditions du Rocher.19€90