Death of Leonard, an astonishing genius, in the arms of François Ist, King of France. A famous painting just restored


L’oeuvre de[** Léonard de Vinci*] serait-il une métadonnée, une fraction structurante de l’histoire de l’art, un temps parmi d’autres, fondateur et révolutionnaire, celui d’où émerge un nouveau monde, un commencement ? Il est de ces moments lumineux où le matin a des airs de nouveau monde, qu’il s’agisse des bouleversements artistiques où l’on passe d’une façon de voir ou de faire à une autre (et les exemples sont nombreux), comme de ces secousses telluriques qui d’un coup régénèrent les modes de penser de la société et en renouvellent les règles, le fonctionnement, pour un nouvel élan, une nouvelle dynamique, une jeunesse retrouvée et conquérante.

Ce qui vient de se passer en France avec l’élection présidentielle est de cet ordre. Ne voyez point dans cette introduction au sujet même de cet article à savoir l’original du tableau « La mort de Léonard de Vinci dans les bras de François Ier » dévoilé au Château Royal d’Amboise, une digression farfelue hors sujet, considérez plutôt la société humaine dans son long terme, dans sa dimension historique, son «historicité» et observez ( ce qui est notoire pour la France et la société française) les évolutions, les temps de passage d’un mode à un autre, d’un monde à un autre, en d’autres termes le cheminement du temps, cette roue dentelée qui tourne sans que quiconque n’y prenne garde et d’un coup bouleverse par sa révolution dans tous les sens du terme, ses taquets, l’humanité comme la société dans son ensemble.

Léonard de Vinci, est-il opportun de le souligner à ce moment même de cette digression est sans nul doute l’artiste qui a suscité dans [**Wukali*] le plus grand nombre d ‘articles ( voir en bas de page une rétrospective des articles qui lui furent consacrés). Artiste de génie, qui marque son temps, imprime sa marque, ingénieur imaginatif et inventeur, personnalité d’exception, roturier qui fut l’ami de François Ier et qui selon sa légende dorée mourut sans ses bras ! Tel est en effet le sujet du tableau de François-Guillaume Ménageot faisant actuellement l’objet d’une exposition au château royal d’Ambroise, et qui servira plus tard de modèle iconographique à[** Dominique Ingres*].

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Bien souvent l’art a servi à établir la renommée des puissants quand il n’était pas lui même hagiographique. Et à distance plus de deux siècles après la mort de Léonard, le tableau peint par François-Guillaume Ménageot ( 1744-1816) s’il est devenu l’mage d’Épinal reprise par Ingres est loin de servir à la vérité et c’est ce que nous allons voir!

[**Mais qui donc était François-Guillaume Ménageot ?*]

Un artiste aujourd’hui largement tombé dans l’oubli, et pourtant! A observer la période où il a vécu il s’inscrit directement dans une filiation néo-classique, il était célèbre comme peintre d’histoire et fut directeur de l’Académie de France à Rome et membre de l’Académie des beaux-arts. Sa vie ainsi que son oeuvre sont notamment connus grâce à la biographie écrite par [**Nicole Wilk-Brocard*] et publiée en 1979 aux éditions Arthéna. On y apprend qu’en 1787, «[**d’Angiviller *] (Surintendant des bâtiments du roi) lui confie la direction de l’Académie de France à Rome pour y redresser la discipline des études. Monarchiste, il doit démissionner en 1792 et passe une dizaine d’années à Florence et à Vicenze (…). Sous l’Empire, il est professeur, puis élu à l’Institut où il joue un rôle actif. L’étude de l’oeuvre consiste essentiellement dans la catalogue des tableaux (une quarantaine répertoriés) et des dessins (…) Quant à la place de Ménageot dans l’histoire de la peinture française, elle s’est jouée (selon[** Jean-Pierre Mouilleseaux*] qui a analysé la biographie), entre les débuts au Salon de 1777 et le semi-échec au Salon de 1785. Pourtant la critique avait beaucoup aimé sa Mort de Léonard de Vinci dans les bras de François Ier à l’hôtel de ville d’Amboise exposée en 1781.»

Rappelons que François-Guillaume Ménageot fut initié à la peinture par son père de nationalité française résidant à Londres et reconverti en marchand d’art. François-Guillaume Ménageot deviendra successivement l’élève de[** Jean-Baptiste Deshays*], de[** François Boucher*] et de [**Joseph-Marie Vien*] avant de remporter le prix de Rome en 1766. S’il est un peintre d’histoire, il est aussi une peintre de scènes religieuses, voir à cet égard deux tableaux dans les églises parisiennes de St Nicolas du Chardonnet, «La Peste» et l’église Ste Eustache «La Peste à Milan». Peintre de style néoclassique, il sera aussi le précurseur du courant « troubadour » qui mêle scènes d’histoire et scènes de genre.

Ce tableau de grand format exposé actuellement à Amboise (280 cm x 357 cm) a été réalisé en 1781 à la demande du roi de France [**Louis XVI*]. L’oeuvre a été commandée par Louis XVI pour servir de modèle à une tenture de l’histoire de France tissée aux Gobelins, dont il existe un exemplaire au palais du Quirinal à Rome et un autre offert par Charles X à l’ambassadeur d’Autriche en 1824.

Il inspirera[** Diderot*] qui écrira à son sujet: « Très beau tableau, surtout d’une magie d’effet et de couleur étonnante. On ne regarde pas la tête du moribond sans être touché. Le François Ier est fin, noble, spirituel ; le médecin est très beau ; j’en dis autant de la garde qui porte un bouillon. Mais n’y a-t’il rien à reprendre ? Proportion ? Ces jambes blanches des pages et du roi ne font-elles pas mauvais effet ? Les carnations, quoique locales, sont-elles assez riches de ton ? Et ces personnages accessoires de la suite du roi, que signifient-ils ? Que disent-ils ? Rien. Etait-il donc si difficile de leur donner de l’expression ? Et ce lit est-il en perspective ? Et cette couverture dans le bas n’exige-t-elle pas quelques plis ? »

Ce tableau conduira plus tard Dominique Ingres à s’inspirer du sujet qui trouve racine notamment dans un texte des «Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes.» de [**Giorgio Vasari*] (1511 – 1574), peintre, architecte et historien contemporain de Léonard de Vinci, auteur de la première biographie de Léonard en 1551. Ainsi peut-on lire:« Finalement devenu vieux, il resta de longs mois malade et, se voyant près de la mort, il a voulu s’informer avec soin des choses de notre bonne et sainte religion chrétienne et catholique ; s’étant confessé et repenti avec force larmes, quoiqu’il ne put plus tenir debout, soutenu dans les bras de ses amis et serviteurs, il voulut dévotement recevoir le Très Saint-Sacrement hors de son lit. Le roi qui le
visitait souvent de la façon la plus amicale, survint sur ces entrefaites ; par respect, Léonard se dressa sur son lit, lui exposant la nature et les vicissitudes de sa maladie, et montrant en outre combien il avait offensé Dieu et les hommes en n’ayant pas fait de son art l’usage qu’il convenait. Il lui prit à ce moment un spasme douloureux avant-coureur de la mort ; le roi se leva et lui prit la tête pour lui témoigner sa faveur, afi n de soulager ses souffrances ; mais ce devin esprit, reconnaissant ne jamais pouvoir recevoir d’honneur plus grand, expira dans les bras du roi».
Outre J-A-D Ingres, nombre d’autres peintres à la même période traiteront du même sujet qui sera très à la mode.

[**Et la vérité historique dans tout cela ?*]

François-Guillaume Ménageot situe la scène au Château de Fontainebleau (résidence du roi à partir de 1528) or Léonard de Vinci s’est éteint au Château du Clos Lucé où il séjournait. François Ier ne se trouvait pas à Amboise le jour où Léonard de Vinci y est mort en 1519, retenu à Saint-Germain-en-Laye aux côtés de la reine en train d’accoucher. Les deux hommes entretenaient cependant de très bonnes relations, ce qui peut expliquer la raison pour laquelle le peintre François-Guillaume Ménageot a décidé de représenter le génie agonisant dans les bras du roi de France.

[**La restauration minutieuse d’une œuvre imposante*]

Décrochée mi-novembre 2016 des murs du musée d’Amboise, l’œuvre a été restaurée dans les ateliers de [**Pauline Hélou de la Grandière*] dans le XIe arrondissement de Paris. Le travail très minutieux de restauration aura duré près de 5 mois. [**Sylvie Sauvagnargues*] et [**Frédéric Pellas*], ainsi que [**Jean-François Hulot*], experts en support et en couches picturales ont soutenu la restauratrice dans ce projet, pour redonner vie à une toile qui n’avait pas été restaurée depuis les années 50.

Cette restauration a bénéficié du soutien de la DRAC de la région Centre-Val de Loire et de la Fondation Saint-Louis, propriétaire du Château Royal d’Amboise. L’œuvre sera mise en dépôt au Château Royal d’Amboise jusqu’en 2019.

[**Pierre-Alain Lévy*]


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Monographie Léonard de Vinci, différents articles parus dans Wukali

Dernier article de notre série consacrée aux peintures de Léonard de Vinci
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La Madone à la grenade et la petite Annonciation de Léonard de Vinci ?
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WUKALI 13/05/2017
Illustration de l’entête: Photo ©Pauline Hélou de la Grandière/Ville d’Amboise

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