A testimony : a young woman who left Belgium to go living with her husband and her child among Daesh fighters in Syria
[**Laura Passoni*] est une jeune femme belge d’origine italienne. Laura Passoni a été condamnée le 23 mars 2016 (le lendemain des attentats de Bruxelles) à trois ans de prison avec sursis probatoire pour « participation aux activités d’un groupe terroriste ». C’est son histoire qu’elle nous compte avec l’aide et le soutien de[** Catherine Lorsignol,*] une des journalistes d’investigation les plus célèbre en [**Belgique*].
Une histoire d’une banalité totale, à faire peur, une histoire qui peut arriver à n’importe quelle jeune femme de notre entourage. Bien sûr, Laura Passoni peut passer pour vieille par rapport aux filles de 15 ans qu’elle croise avec leurs maris en [**Syrie*], mais c’est quand même l’histoire d’une jeune fille en proie aux tourments de l’adolescence qui fait non un mauvais choix (qui serions nous pour la critiquer quand elle se converti à l’Islam, c’est tout de même une religion pratiquée par plus d’un milliards d’hommes et de femmes qui vivent pacifiquement leur foi). Car tout commence par une conversion, une conversion sincère, sans aucune manipulation par des tiers : les parents de Laura travaillent et s’occupent énormément de leur autre fille malade, les études ne sont pas son fort. Sa meilleure amie depuis l’enfance est d’origine marocaine. Laura la questionne sur sa religion et par appétence, empathie, amitié, étudie seule le Coran et se convertit. Ses parents sont étonnés mais comme leur fille semble heureuse, ils ne se posent aucune question. Et puis, elle rencontre Mohamed, tombe amoureuse de lui et pense sincèrement que son rêve va se réaliser. Un rêve on ne peut plus simple : se marier, vivre en couple, avoir des enfants, être femme au foyer pour s’occuper de sa famille. Mais quand elle tombe enceinte, son amant la quitte car il a une relation avec une autre. C’est un vrai déchirement pour elle, elle refuse d’avorter et cherche éperdument un homme fidèle qui lui permettra de vivre comme elle le souhaite.
Et c’est là que tout bascule, elle s’inscrit sur Facebook et tombe sur un homme qui cherche une femme pour partir dans le paradis syrien. Ils se voient peu (deux fois), mais il a su mettre la graine de la curiosité dans son âme. Elle passe son temps à regarder des vidéos de l’état islamique sur internet, mais exclusivement des sites faisant le panégyrique de l’état islamique. Même si le lecteur comme les juges a parfois du mal à croire qu’elle n’est pas au courant des exactions, force est de constater que Laura est persuadée que son avenir ne peut être qu’en [**Syrie*], dans ce pays où les gens vivent suivant la loi de Dieu, où les femmes sont respectées, où les enfants jouent et reçoivent des bonbons de la part des combattants, où enfin les sbires de [**Bachar*] qui ont torturé et massacré les « bons musulmans » sont chassés. Alors qu’en Belgique, les hommes trompent leurs femmes, ne les respectent pas, et la religion musulmane est combattue, méprisée. Un vrai paradis…
Toujours par le biais des réseaux sociaux, elle rencontre Oussama, ils se rencontrent deux fois et se marient religieusement. Elle reconnaît qu’elle ne l’aime pas, mais elle partage avec lui le même rêve : partir en Syrie, et puis, il semble fidèle et responsable et l’amour viendra après. Au moins, au niveau d’Oussama, elle ne s’est pas trompée.
Ils préparent rapidement leur départ. Elle informe ses parents qu’ils vont partir en croisière avec son fils Nassim (4 ans). Et ils prennent bien un bateau de croisière à Venise mais en [**Turquie*], ils ne regagnent pas le bord, et s’enfuit vers la frontière. Des passeurs viennent les chercher et très vite Laura déchante. Elle est séparée de son mari obligé de partir dans un camps d’entraînement et se retrouve dans une maison ou il n’y a que des femmes. Bien sûr certaines ont la même démarche qu’elle : vivre en paix suivant les règles de l’islam avec leurs maris, mais la majorité sont là pour mourir en martyr en tuant le plus de mécréants possible. Elle comprend très vite qu’ici les femmes sont dans de vraies prisons : elles ne peuvent sortir sans l’autorisation de leurs maris, ne doivent jamais parler à un homme, le regarder dans les yeux malgré le grillage qu’elle revêt, ne peuvent travailler car elles n’ont qu’un rôle faire des enfants, des futurs combattants de « l’État islamique ». Elle prend vite conscience que dés qu’il aura 8 ans son fils partira combattre. Or, Laura est une mère dans le sens le plus fort du terme, une vraie lionne : il ne faut pas toucher à sa progéniture, elle veut le préserver, le choyer et ce n’est pas facile car même si à son grand étonnement on trouve du Nuttela à [**Raqa*], il faut éviter de lui montrer des corps décapités, et il y a ces bombardements continus.
La belle villa avec piscine qu’on avait plus ou moins promis au couple se révèle devenir un studio pouilleux remplis d’insectes. Soit, Oussama est un bon mari, tendre, et fait un parfait père de substitution pour Nassim, il a du travail et pense sincèrement que ces mauvais moments n’auront qu’un temps, que bientôt ils seront heureux et pourront vivre vraiment en harmonie avec les dogmes de la religion.
Laura tombe enceinte. Mais sa grossesse se passe mal, victime de la malnutrition, le fétus ne grossit pas, sa vie est en danger. Et les services médicaux sont quasi inexistants, les moyens sont soit obsolètes soit manquants : elle sait qu’elle ne pourra accoucher que par césarienne, mais aussi qu’elle ne bénéficiera pas d’anti-douleur car il n’y en a plus. Laura veut retourner en Belgique, bien sûr elle est prise entre son rêve et sa vie d’avant. Surtout que l’on vit en plein paradoxe : dans ce territoire, on a internet et le téléphone portable, aussi est elle en contact constant avec ses parents qui font tout leur possible pour la faire partir de cet enfer.
Elle tente une fois de les rejoindre avec son fils, mais elle est vite arrêtée dans sa tentative, devient suspecte, fait l’objet d’une surveillance quasi quotidienne. Elle comprend qu’elle n’est pas au paradis mais dans une prison, que [**Daesh*] manipule le Coran pour asseoir son pouvoir et que ce qu’il promeut n’a rien à voir avec l’Islam.
Oussama petit à petit se rend aux arguments de sa femme. Bien sûr, il doute de plus en plus de Daesh quand il voit quotidiennement le décalage entre les mots et la réalité, mais surtout il a peur que le bébé ne puisse survivre.
Le couple avec Nassim arrive à fuir. De retour en [**Belgique*], Laura est mise en examen et laissée libre alors qu’Oussama est écroué. Son retour dans son pays natal n’est pas facile au début, elle en arrive même à regretter d’être partie, elle trouve injuste de ne pas avoir le droit de voir son mari, que ses deux fils soient placés (chez ses parents toutefois), mais petit à petit, elle prend conscience de ce qu’elle a fait et que la société, de fait, ne peut la croire sans preuve, qu’elle ne fait que se défendre.
Maintenant, elle essaie de se reconstruire et souhaite en quelque sorte porter « la bonne parole » auprès des jeunes pour qu’ils ne tombent pas dans le même piège qu’elle.
Laura Passoni semble sincère. On n’a que son témoignage, on comprend qu’elle a vécu un vrai enfer, on espère sincèrement pour elle et ses enfants que sa prise de conscience est totale et que quand elle dit que maintenant elle a compris qu’en Belgique elle est une femme libre qui peut vivre sereinement son engagement religieux, elle dit vrai. Et, sauf preuve du contraire, nous la croyons.
Ce qui l’a sauvé c’est cet amour maternel sur-developpé ce refus de n’être qu’un ventre, une fabrique de chair à canon, que l’avenir de ses enfants ce n’est pas d’aller mourir en « martyr » au nom non d’une religion mais d’une idéologie sectaire. Car même si elle ne le conceptualise pas, elle nous décrit vraiment Daesh dans son fonctionnement comme une secte : il suffit de lire les témoignages des personnes ayant réussi à sortir d’une secte, pour faire des rapprochements : mêmes mots, mêmes démarches, même déshumanisation. Et puis, elle a eu la chance de se marier avec Oussama qui a voulu la protéger, l’a comprise et lui a permis de sortir de ce cachot.
Au cœur de Daesh avec mon fils nous montre aussi comme il est facile d’embrigader des jeunes gens « mal dans leur peau» grâce à internet. On ne dénoncera jamais la responsabilité des réseaux sociaux dans la progression du terrorisme, Facebook et autres sont leurs complices objectifs. Et puis, ce livre nous montre de façon éclairante les ravages que peuvent faire les images. Oui les images mentent, manipulent et dans notre société de l’immédiateté dans laquelle les images par principe distillent la vérité, elles sont un parfait moyen de manipulation.
Au cœur de Daesh avec mon fils est un témoignage qui doit être lu par tous ceux qui souhaitent comprendre comment on peut avoir l’idée de partir en Syrie, et appréhender le quotidien sur les territoires encore contrôlés par « l’état islamique ».
[**Pierre de Restigné*]
[**Au cœur de Daesh avec mon fils
Laura Passoni*]
éditions La Boîte à Pandore. 17€90
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WUKALI 27/05/2017