He stands apart among impressionist painters, a work all dedicated to landscape paintings
C’est une très riche exposition consacrée à Sisley qui vient juste d’ouvrir ses portes à [**Aix-en-Provence*].
Plus qu’aucun autre impressionniste, [**Alfred Sisley*] (1839-1899) s’est voué corps et âme à la peinture de paysage, demeurant toujours fidèle aux principes fondateurs du mouvement.
« Au centre du mouvement impressionniste, présent dans toutes les expositions impressionnistes, Sisley n’a jamais eu tous les honneurs qu’on lui devait. Cette présentation de son œuvre permet de comprendre comment ce peintre reste le plus impressionniste des impressionnistes. Je dirais même, « le seul vrai impressionniste », car c’est bien le seul qui n’a jamais dérogé à la règle », explique [**Sophie Hovanessian*], directrice de la programmation culturelle et des expositions de Culturespaces.
Cette rétrospective présente une sélection d’oeuvres majeures qui nous livrent un panorama complet et original du travail de l’artiste. Bien accueillie par le public et la presse, l’exposition de Greenwich, qui s’est terminée le 2 mai dernier, était un peu différente, précise [**MaryAnne Stevens*], Commissaire de l’exposition, qui avait déjà participé au commissariat de l’exposition Sisley au musée d’Orsay en 1993. À l’hôtel de Caumont, nous aurons une dizaine de tableaux supplémentaires.
En effet, 26 tableaux exposés proviennent de collections particulières. «L’exposition est aussi basée sur un critère d’importance : la haute qualité de chaque œuvre», précise MarieAnne Stevens. «Et j’insiste là-dessus. Car pour un peintre comme Sisley, contrairement à d’autres, la qualité n’était pas toujours au rendez-vous. Il a réalisé des œuvres magistrales, très importantes, et d’autres qui le sont beaucoup moins. Pour cette exposition, nous passons d’un chef-d’œuvre à l’autre.»
L’affiche et la couverture du catalogue en témoignent : tableau année 1876, Sisley est alors au cœur même de l’impressionnisme dans un thème qu’il affectionne le plus, le paysage.
Toutes les règles de l’impressionnisme sont présentes. Peinture en extérieur, en direct avec la nature, et non pas dans l’atelier. Sans doute il est l’un des seuls à ne pas terminer ses œuvres dans le confort de son atelier. « Cela lui a posé quelques problèmes. S’il ne pouvait pas travailler à causes des intempéries, il ne pouvait pas vendre » Et on n’oublie pas que Sisley a souffert du manque d’argent tout au long de sa vie. Il s’agissait encore pour lui de peindre la « vérité », ce qu’il voyait, et il fallait le faire rapidement car en extérieur, tout bouge et se déplace. Les ombres, les nuages, le soleil… En même temps, il était soucieux de restituer ses sentiments, confie encore MaryAnne Stevens. Une conversation s’installe entre l’objectivité et la sensibilité. Dans chaque paysage, on ressent cette vision personnelle. Pas d’ombre avec le noir, couleur bannie, les ombres se font plus douces, colorées, dans les bleus ou couleur lilas. Des coups de brosses « en virgules », rapides et assurés sont encore sa marque de fabrique et, fait unique encore chez Sisley, l’idée d’approcher le paysage de façon systématique, dans une méthode de repérage spécifique et méthodique. En déplaçant son angle de vision de 180°, il peint une suite de tableaux qui se répondent.
L’exposition débute par les tous premiers paysages de Sisley. L’école de Babizon a défini des règles et le peintre les suit à la lettre. Nous sommes dans les années 1866/70. On découvrira encore quelques superbes vues de Paris. Sa touche se fera peu à peu légère et souple dans un souci de restituer l’atmosphère d’un lieu. La fraîcheur d’un matin, ou encore la transparence des eaux d’un canal aux reflets magiques.
En scène la Seine, qui devient le théâtre de l’impressionnisme. En 1872, Sisley s’installe à Louveciennes, sur les bords de la Seine, entre Bougival et Port-Marly. Sisley excelle dans le rendu de motifs chers à l’impressionnisme : la gelée blanche, la brume, le brouillard d’automne, la rosée du matin, les hauts nuages de juillet, le ciel menaçant en hiver, les averses en été.
La promenade avec Sisley se poursuit : Argenteuil, Villeneuve la Garenne et Louveciennes. On se souvient de[** Turner*], qui avait choqué ses pairs à l’époque, en préparant sa toile avec un fond blanc pour peindre à l’huile. C’était audacieux en 1805/1806 ! Sisley prépare également le fond de tons clairs. La palette est lumineuse et les masses sont décrites par des empâtements appliqués à l’aide d’une large brosse. Les ombres sont encore marquées en noir, par opposition avec les tons bleus ou violets que les impressionnistes vont progressivement introduire au début des années 1870. Il les suivra avec bonheur, comme on le verra dans ces tableaux de neiges à Louveciennes qui offrent de jolis contrastes.
– [**Au fil des saisons. Bougival*]
Le peintre connaît bien le village de Bougival et ses environs. Il travaille en plein air sur le motif et saisit les changements de saisons comme nul autre pareil : la lumière hivernale qui baigne la Seine, la brise fraîche d’une lumineuse journée de printemps, ou la chaleur orageuse d’été.
Nous suivons une route, un sentier, une fleuve… Ces éléments de la composition conduisent notre regard, entrainent l’œil dans la profondeur de la scène. Le paysage se fait plus majestueux encore.
– [**On flotte, entre le ciel et l’eau : Marly-le-Roi et Pont-Marly*]
– [**« Sisley, l’Impressionniste »*]. Dans une interview filmée avec MaryAnne Stevens, commissaire de l’exposition autour de Sisley : sa vie, son œuvre et sa place dans le mouvement impressionniste.
– [**Les voyages en Angleterre *]
De nationalité anglaise, Sisley a vécu toute sa vie en[** France*]. Il se rendra en [**Angleterre*] à quatre reprises. Entre 1857 et 1859, son père l’envoie à [**Londres*] pour se préparer à une carrière dans le commerce. Il découvre dans les galeries et les musées londoniens la grande tradition anglaise de peinture de paysages. En juillet 1874, Sisley accompagne Jean-Baptiste Faure, célèbre baryton de l’Opéra-Comique, pour un nouveau séjour à Londres. « Faure était un grand collectionneur de l’impressionniste et surtout de Sisley », précisera MaryAnne Stevens. Son ami était invité, mais il devait en échange lui offrir six tableaux. Le peintre remontera le cours de la Tamise jusqu’à Hampton Court, localité connue par son palais royal, son pont en fonte et ses écluses et barrages. Il réalisera une série de quatorze tableaux. Il fera la même chose qu’à Marly Le Roy. Il nous promène, pas à pas, sur différents sites. Sous le pont de Hampton Court correspond, selon l’historien de l’art [**Kenneth Clark*], au « moment parfait de l’impressionnisme ».
Un des tableaux les plus surprenants de l’exposition, cette magnifique vue « sous le pont », une composition novatrice. On songe à [**Caillebotte*], qui fera un tableau dans cet esprit, mais bien plus tard.
Durant son quatrième séjour en Angleterre et au Pays de Galles, au cours de l’été 1897, Sisley aborde des sujets qui donnent une nouvelle orientation à son œuvre. Dans le sud du Pays de Galles, il peint la vue des falaises en direction de la rade de Cardiff. De nouveaux points de vue sont adoptés par l’impressionniste, comme à Penarth, sa falaise et sa plage de galets composent le thème d’un magnifique tableau.
-[**Sisley, gardien de l’impressionnisme*]
Contrairement à [**Monet, Renoir*] et [**Pissarro*], qui, chacun à sa façon, se retirent dans leur atelier pour produire des œuvres inspirées à la fois par l’art japonais, par la peinture classique et par une réflexion approfondie sur les implications de la théorie des couleurs, Sisley demeure fidèle au programme impressionniste. Toute sa vie, il continuera à peindre directement sur le motif afin de saisir les effets particuliers de la lumière et des conditions météorologiques sur ce qui reste son sujet principal : le paysage. Néanmoins, il commence à s’interroger aussi sur son approche de la composition et sur sa technique, et à repenser sa manière de traduire la lumière en couleurs. Il renforce sa palette et radicalise le principe de juxtaposition de couleurs complémentaires : des violets intenses se heurtent à des jaunes, les verts à des rouges, les oranges à des bleus, créant une profusion de tonalités qui expriment toute l’intensité et les variations de la lumière naturelle.
– [**A l’apogée de son art : Moret-sur-Loing*]
A cette période encore, on voit toute l’importance du ciel dans les paysages de Sisley. On a souvent l’impression que le ciel « fait l’architecture » du paysage », commente MaryAnne Stevens.
Certains tableaux de Moret-sur-Loing datent de 1881, mais c’est quand il s’installe définitivement dans la ville, en 1889 (et jusqu’à la fin de ses jours) que Sisley exploite tout le potentiel de cette localité pittoresque. Pour saisir la ville et ses rives plantées de peupliers, Sisley adopte une approche quasi cinématographique, choisissant des emplacements qui lui permettent de couvrir 360 degrés et d’interpréter son sujet dans une succession de points de vue. Par cette exploration d’un lieu à partir de multiples points de vue, Sisley se révèle aussi novateur que Monet. Plutôt que d’imiter le principe des séries adopté par d’autres peintres impressionnistes comme Monet et Pissarro à partir de la fin des années 1880, Sisley trouve sa propre réponse à la nécessité de donner une stabilité à ses compositions en abordant son motif dans une optique séquentielle. À Moret, Sisley a toutefois aussi recours au principe de la série pour donner la stabilité nécessaire à des compositions nées de moments fugitifs. Entre 1893 et 1894, il se concentre tout particulièrement sur les façades de l’église gothique Notre-Dame, exécutant quatorze toiles à différentes heures du jour et dans différentes conditions météorologiques (quatre œuvres de cette série sont réunies dans l’exposition).
– [**La Symphonie des ciels. Saint-Mammès*]
A partir de 1880, Sisley est installé au confluent du Loing et de la Seine, dans une région bordée à l’ouest par la forêt de Fontainebleau. Les bourgades, petites et tranquilles, lui permettent de vivre comme il l’entend, travaillant sans cesse et vivant dans la discrétion. Sisley refuse désormais régulièrement des invitations à se rendre à Paris, même s’il reçoit toujours la visite de ses amis, comme [**Berthe Morisot*] et [**Stéphane Mallarmé*]. La touche de Sisley, déjà plus fracturée dans les toiles de la fin des années 1870, subit une nouvelle transformation. La pâte est appliquée de façon beaucoup plus gestuelle, dans une sorte de tissage de couleurs riches.
Plus que jamais, les toiles peintes à Saint-Mammès confirment l’importance accordée au ciel en tant qu’élément central de la composition, à travers le choix de quelques perspectives spectaculaires capables de bouleverser les conventions traditionnelles de la peinture de paysage.
Dans un de ses brillants articles [**Élie Faure*] (1873-1937) écrivait : «Monet, Sisley, Pissarro devinrent très vite mes dieux», ( Équivalence-Confession d’un autodidacte), eh bien avec Sisley ce dieu et dans cette exposition, accédons au Parnasse !
[**Sisley, L’impressionniste
D’un chef d’œuvre à l’autre*]
Jusqu’au 8 octobre au Centre d’Art Caumont à Aix en Provence.
Contact : redaction@wukali.com
WUKALI 13/06/2017
Illustration de l’entête: Bougival. Alfred Sisley (1839-1899) 1876, huile sur toile, 62,2 x 73,7 cm Cincinnati Art Museum ©Cincinnati Art Museum, John J. Emery Fund.