A famous Belgian cartoonist and illustrator
Dans les hebdomadaires célèbres des années 60 consacrés à la bande dessinée ( Spirou, Tintin, Pilote), on remarquait certaines pages où ne figurait qu’un grand dessin en couleurs en face d’un texte : une illustration en somme. Beaucoup de ces illustrateurs ayant un fameux coup de crayon, certains furent reconnus par leurs confrères dessinateurs comme leurs égaux. Les éditions Dupuis, propriétaires du journal Spirou, éditèrent les plus doués de ces intrus dans le monde de la bande dessinée, dans une collection prestigieuse par ses qualités d’impression et les dimensions des albums. Elle eut son heure de gloire. Elle s’appelait : « Terre entière ». Le plus talentueux de ces baladins était le regretté [**René Hausman*](1936-2016), natif de [**Verviers*] en Belgique, disparu l’an dernier.
Rappelons ce qu’est cet animal bizarre nommé « illustrateur » : un artiste chargé de l’illustration d’un ouvrage. Le terme apparaît au 19 ème siècle pour désigner la personne contribuant à l’ornementation d’une page imprimée, dans le domaine de la presse ou de l’édition.
A 18 ans, René alla frapper à la porte de Raymond Macherot, originaire de la même région. L’inventeur des séries « Chlorophylle » et « Sybilline » le reçut et, voyant le talent évident du jeune homme, il l’introduisit chez [**Dupuis*] en 1959 où René s’enracina. Il publia tous ses travaux chez cet éditeur jusqu’en 2008, date à laquelle il fonda, avec sa seconde épouse [**Nathalie Tronquette*], sa propre maison d’éditions : Luzabelle.
Il débuta dans Spirou avec une bande dessinée didactique « Saki et Zunie » mais se consacra surtout, pendant vingt ans, à l’illustration, en général animalière. Chaque semaine, il racontait une bestiole, quelquefois une fable, un conte voire une histoire qu’il inventait et illustrait. On imagine la faculté de renouvellement nécessaire pour ne pas lasser le lecteur….
Il existe donc deux facettes du travail de René Hausman : l’illustration et la bande dessinée. Cet article s’occupera uniquement de la première : l’illustration.
De 1959 à 1973, sous le générique un peu large de bestiaire, il présentera des centaines
S’il n’a jamais roulé sur l’or, il a toujours vécu correctement de son travail. Malheureusement, de nombreux dessins originaux disparurent au hasard d’expositions lointaines ( Canada notamment) ou plus proches ( Belgique, France) voire chez l’éditeur…Par négligence peut-être, par volonté de vivre en paix certainement, par son tempérament d’artiste toujours à la recherche de quelques inventions nouvelles c’est sûr, ses réclamations ne furent pas assez fortes pour provoquer le retour au bercail des œuvres perdues, sans doute pas pour tout le monde …
Et pourtant…Le cri de l’âme blessée de René va transcender sa capacité à dessiner, l’amener en des rivages lointains où la couleur devient manipulation du spectateur, où des formes imprécises perdues dans des brumes d’outre-tombe créent des passages vers cet univers parallèle qu’il n’arrivait pas à extérioriser. Le talentueux René Hausman accouche enfin de cet autre qui sommeillait en lui : un génie nommé René Hausman.
Mais il allait à contre-courant des amateurs qui le soutenaient, et qui ne comprirent pas l’évolution de l’illustrateur. Cette redoutable incompréhension, équivoque inévitable, fut la cause du malaise existentiel vécu alors par l’artiste. Il lâcha le domaine de l’illustration pour se lancer, au-travers d’un voyage sans retour, dans la bande dessinée classique. Je dois admettre qu’il me fallut quelques années pour accepter et comprendre le nouveau René Hausman…
Son deuxième mariage le remit sur les rails mais l’homme avait vieilli…. Malgré sa charpente impressionnante et son apparence d’ogre bien nourri. Il parvint cependant à redresser cette situation mais demeura dans un état intermédiaire qui ne devait jamais plus évoluer. Cette tristesse aigre-douce transparut dans ses créations.
Revenons à l’œuvre de l’artiste. On peut en situer le sommet avec « Bestiaire insolite ». Là, le moindre trait de crayon, le moindre coup de pinceau, a un spectre si large qu’il emporte tout, conférant une vie puissante à cet atome de couleur, à ce point de crayon noir. La fascination, étincelante, qui s’empare du lecteur-spectateur, consentant, transmute cet or dessiné, issu d’une authentique alchimie mentale, en poussière d’une voie lactée éternelle : la magie du baladin a pénétré l’inconscient de ses lecteurs, pour leur vie durant.
Même dans ce domaine technique, René Hausman change d’époque et de style. Le renouvellement qui apparaît ainsi aura des conséquences sur le dessinateur de BD qu’il devient alors. Ses bandes dessinées sont amples, larges, très travaillées, aux couleurs directes incroyables de diversité, de variété et de force. Mais il regrettera toujours l’illustration. Ce qui ne l’empêchera pas d’être d’une honnêteté parfaite dans la construction de ses BD, qu’il mettait une longue période à peaufiner.
Au cours de sa longue carrière il a tâté de la peinture, de la musique, de la bande dessinée bien sûr, mais sa véritable vocation, c’est l’illustration. Pour terminer cette courte analyse, laissons-lui expliquer le phénomène dans un entretien avec un journaliste de « La Nouvelle République du Centre-Ouest » en 1999 : « Ma vocation première c’est l’illustration. Je peins mes planches plus que je ne les dessine. Je n’ai pas tout à fait acquis le langage de la bande dessinée. Je crois que pour faire de la bande dessinée, il faut considérer le dessin comme une écriture. Je préfère l’illustration. C’est un bonheur de réaliser des images en couleurs, d’apprécier leur valeur, leur vie propre, leur complémentarité, les vibrations qu’elles peuvent engendrer. Le camaïeu, le ton sur ton et les intensités m’intéressent plus que le trait lui-même. Les illustrations me rapprochent un peu de la peinture mais je ne suis pas un peintre pour autant ».
L’enchanteur a rejoint l’autre monde. Son aventure créatrice est finie. Il nous a laissé un univers de dessins magnifiques qui vivront encore longtemps par les rééditions de ses albums. Alors salut l’artiste et merci à toi, un admirateur de toujours !
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WUKALI 25/08/2017. (Précédemment publié le 09/03/2017)