The so-called omniscience of experts
[**Utagawa Yoshitsuya*] (1822-1866). Publicité médicale japonaise pour améliorer l’écriture et les aptitudes à la lecture (1862). Collection: University of California, San Francisco (UCSF)
– Sous la plume vive, espiègle et malicieuse de[** Marc Gaudet Blavignac*]*, une trilogie ( ou plus) sur le métier d’expert.
– Vous avez dit : «expert»… ?
Celui dont auquel on vous cause n’a rien de commun avec les héros de la fameuse
série qui sanglés de costards en aluminium et bardés de haute technologie, résolvaient crimes, délits et méfaits en trois coups de cuiller à éprouvette.
Les miens sont bien moins fameux, pas trop sanglés. Et parfois bien peu bardés. De diplômes, s’entend.
Car avant de passer à la loupe cette congrégation de binoclards-seul point commun : ils portent tous des lunettes! – je dois me poser cet axiome : à l’instar d’une commode Louis XVI achetée aux puces, l’Expert n’est pas estampillé. Ou alors faussement. Comme ladite commode, sa cousine.
Il y a des syndicats d’experts, des associations, des cabinets – au fond du couloir à gauche- des comités, des collèges, des congrégations, des clubs de voile, des club-sandwich, des clubs de que sais-je… On s’y parraine, on s’y coopte, on s’y conspue, on s’y concasse. On s’y distribue cartes, badges, plaques et bristols pour pallier le manque -quasi existentiel – de reconnaissance par diplôme officiel.
Bémol mais pas si mol : cette foire au titre n’empêche pas le sérieux et le professionnalisme. Certains font de vraies recherches sur« leur» artiste; ils ont une connaissance intime de son oeuvre – et de sa veuve, parfois. Ils publient des monographies, des catalogues raisonnés-vastes opuscules censés contenir toute l’oeuvre du tâcheron. La dimension de l’ouvrage, souvent posthume, restant proportionnelle à la ponte de la défunte poule aux oeufs d’or.
En résumé, si l’Expert se lance sur Picasso (déjà fait et refait): nuits blanches et abattage de forêts à prévoir pour l’édition en 38 volumes. Lorsque plus précautionneusement – ou vétilleusement- l’érudit se forge pour mission d’explorer la« Période Abstentéiste» d’Alphonse Eude Maximilien de Tolochenaz (1810-1819), la déforestation devrait être réduite.
Dans les deux cas – Picasso et De Tolochenaz – l’Expert, une fois publié, se pose comme tel et s’impose. Dès ce jour, plus rien au monde ne peut, ne doit, ne va se passer sans son avis éminent, prépondérant, inestimable mais tarifé, incontournable-puisqu’on-vous-le-dit.
Et si par hasard… Vous êtes possesseur d’une oeuvre de Pablo (ou d’Alphonse Eude Maximilien) qui n’aurait pas passé sous les fourches caudines de ce Grand Timonier de la peinturlure… Et que vous souhaitiez au surplus en publiciser la vente… Gare! Notre Mao des grands et petits maîtres s’en va reprendre la plume.
Et vous découvrirez que si ses connaissances artistiques sont parfois laconiques, sa maîtrise du jargon juridique est sans faille pour vous promettre l’exil et le bagne, dans le cas ou votre tableautin se verrait publié, sans son aval, en amont d’un catalogue de ventes aux enchères.
Voici un petit déboisement de cette profession qui, à elle seule, mérite plusieurs saillies.
Afin de demeurer champêtre, nous étudierons la prochaine fois une antinomie. A l’instar de Monsieur De La Fontaine raillant les rongeurs, nous tâcherons de faire la distinction entre « L’Expert des Villes » et « L’Expert des Champs ».
(à suivre : L’expert des villes, mise en ligne : samedi 7octobre)
[(Marc Gaudet Blavignac est commissaire-priseur et exerce en Suisse à Genève et dans le canton de Vaud. C’est un passionné d’art moderne, il a aussi pour violon d’Ingres le dessin et la caricature. Nous sommes heureux de l’accueillir au sein de notre équipe de chroniqueurs de Wukali)]
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WUKALI 04/10/2017
