A philosophical approach of Zola’s main works


La philosophie d'[**Emile Zola*] est un livre qui permet d’appréhender l’œuvre de Zola par le prisme de l’analyse philosophique. L’auteur, [**Arnaud François*], professeur de philosophie à l’université de Poitiers, a cherché à montrer l’importance du thème de la vie à travers la lecture des grands textes de Zola. L’expression de Zola « faire la vie » parcourt ainsi l’ensemble de cette lecture passionnante et finalement très Nietzschéenne.

On arpente avec plaisir à travers six grands thèmes et autour des œuvres de Zola le concept de « vie  ».

– Tout d’abord, la vie qui dans une première partie s’incarne dans le désir tel qu’il est notamment décrit dans Le Ventre de Paris. Il s’incarne tant dans les Halles du Second Empire que dans le « bas-ventre » des hommes, sièges tant des désirs inférieurs (concupiscence) qu’alimentaires et sexuels. Le bas-ventre de Paris, c’est donc le lieu collectif du désir, c’est le Second Empire avec le luxe et ses femmes.

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Le désir n’est pas ici simple assouvissement de la chose désirable mais bien énergie qui transporte l’homme. La vraie question n’est pas de connaître la nature du désir (alimentaire, sexuel…) mais de savoir où l’homme place ce désir : est-ce dans la politique, dans l’art, dans la jalousie, dans le sexe, dans l’avarice, dans la parole… Le personnage principal du Ventre de Paris, Florent, est au centre de cette vision du désir : son désir est avant tout orientation dans la vie tant dans son souhait primaire de se nourrir bien que de posséder une place sociale au sein de la Cité.

Après une analyse très pertinente du personnage de Lisa, l’auteur s’intéresse à celui de Mlle Saget qu’il considère comme le plus intéressant. Le désir qui l’anime s’appelle « curiosité  ». Ce plaisir de tout savoir sur tout et tout le monde : c’est la personne dont dit l’auteur, qui lors de sa promenade au square des Innocents va faire « sa provision quotidienne de cancans ». Elle inscrit son désir dans une pluralité d’autres relations humaines : par sa fréquentation de Mme Lecoeur et de la Sarriette, Mlle Saget renouvelle le trio féminin et met ses pas sur le chemin qui relie les Erinyes antiques aux sorcières de Macbeth. L’auteur nous montre en quoi [**Le Ventre de Paris*] est en réalité le récit d’une indigestion. Ventre collectif, siège des désirs et jouissances qui à la fin du livre finit par un mouvement d’espoir de guérison collective (« le quartier doit redevenir tranquille  »).

– La vie devient ensuite dans le second chapitre faute morale, comme dans [**La Faute de l’abbé Mouret*] . C’est le récit de la chute et du rachat de l’homme à travers la transcription moderne du mystère médiéval. L’auteur retrouve la structuration ternaire, voire trinitaire dans cette œuvre.

– Une troisième partie amène l’auteur à faire un parallèle éclairant entre [**L’Assommoir *] et[** La Divine Comédie*] de Dante autour de la déchéance de l’homme soumis aux péchés capitaux : la paresse, la gourmandise, la débauche, l’argent, la colère…

– Cette descente aux enfers est alors décrite dans une quatrième partie consacrée à [**Germinal*], œuvre dans laquelle la quotidien du mineur, l’enfer de la mine est pensé comme un monde totalement plat, privé de toute transcendance et donc de Dieu : mineurs et damnés sont les mêmes dans un enfer quotidien privé de rédemption. L’auteur met en perspective Germinal au regard de la conception de l’enfer dans l’antiquité grecque et y trouve des liens révélateurs du génie de [**Zola*].

– La cinquième partie de ce livre qui porte sur l’analyse du [**Docteur Pascal *] permet d’aborder la conception biologique de la vie telle que Zola pouvait l’appréhender au regard des connaissances scientifiques de son temps. La problématique de l’hérédité est alors abordée. Question essentielle à l’époque de Zola et qui consistait à mieux comprendre le déterminisme social. Pour Zola, il s’agissait d’examiner si la science biologique pouvait aider à mieux comprendre l’homme et notamment eu égard à son héritage moral et physique vis à vis de ses parents. L’individu est-il l’agrégation du caractère de ses parents ? ; est-il une dissémination, une juxtaposition ? A travers l’analyse du Docteur Pascal c’est bien la question de l’acquis et de l’innée qui est posée et notamment ce qui « fait la vie » par delà les singularités de chaque individu.

– La dernière et sixième partie aborde la vie sous l’angle nouveau du « travail » à travers notamment [**Les Trois Villes *] et[** Les Quatre Evangiles*]. Vie et travail sont indissociablement liés pour Zola jusqu’à identifier la vie au travail. Ce dernier chapitre amène le lecteur à mieux comprendre l’étendu de la pensée de Zola vis-à-vis du concept de travail tant au niveau de son lien avec la religion catholique, que de son aspect juridique relatif au droit du travail et politique en rapport aux doctrines socialistes de l’époque, à la révolution, à l’anarchie et au collectivisme. On plonge alors au cœur du XIXème siècle et de toutes les problématiques de cette époque qui ont tant influencé notre modernité.

[**La philosophie d’Emile Zola*] est donc une œuvre à tiroirs qui permet d’affirmer qu’il existe bien une philosophie chez ce grand auteur qui parle non pas tant de la vie que de la vivacité, du mouvement, du vivant en expansion. C’est certes la vie matérielle mais aussi la vie biologique (cf [**Les Rougon-Maquart*] et [**La faute de l’abbé Mouret*]) pour laquelle Zola prend le parti d’une vie qui est conçue comme effort inventif et poussée commune aux vivants, contre les théories de son époque sur la dégénérescence et la transmission héréditaire des caractères acquis. L’auteur y voit également une esquisse de bioéthique, voire d’une éthique générale. Tout cela sans exclure la pensée de la mort ou plutôt les pulsions de mort des héros zoliens (Gervaise qui aspire à un bonheur trop tranquille ; Etienne qui veut la justice à tout prix, même violente ; Serge Mouret qui désire coupablement…).

Enfin, la « vie » zolienne se comprend encore mieux lorsqu’elle se fait « travail ». Zola appelle notre vigilance sur plusieurs questions fondamentales : les conditions du travail ; le temps de travail ; le travail comme valeur ; le chômage ; les droits sociaux ; la répartition du travail qui ne doit pas être un frein aux potentialités individuelles… Zola interroge également la question du salariat et son avenir, encore tant d’actualité aujourd’hui.|left>

Pour ceux qui aiment les œuvres de [**Zola*], on ne peut que les inviter à lire rapidement [**La philosophie d’Emile Zola*] d'[**Arnaud Francois*]. Ils y retrouveront le génial auteur de Germinal mais surtout la confirmation d’une réelle pensée philosophique de Zola. Pensée conceptuelle qui irrigue toute son œuvre et qu’Arnaud François met habilement en lumière autour de l’expression « [**Faire de la vie*] » .

[**Laurent Chrétien*]|right>


[**Arnaud François*] est professeur de philosophie à l’université de Poitiers. Spécialiste de [**Bergson, Schopenhauer*] et [**Nietzsche*], ses recherches portent sur la question de la vie, notamment dans ses relations avec celles de la santé et du travail.


[**La philosophie d’Emile Zola*]
[**Arnaud Francois*]
éditions Hermann. 35€


– Bienvenue à[** Laurent Chrétien*] qui signe par cette brillante contribution son entrée dans l’équipe rédactionnelle de[** Wukali*]. Son goût de l’introspection et de la recherche philosophique y seront pleinement appréciés. P-A L


Illustration de l’entête: Émile Zola photographié par Nadar en 1895

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WUKALI 16/01/2018)]

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