Mangas in a Shinto and Zen Temple in Japan, fantastic and great !


Ouvrir le hublot, voir l’océan, et laisser entrer les grands vents du large dans sa tête, c’est que je fais de temps à autre en allant à la recherche de la presse internationale pour y trouver de quoi rafraichir l’esprit. Un article qui vient juste de paraître dans le quotidien japonais [**Asahi Shimbum 朝日新聞*] a suscité ma curiosité. La décoration d’un temple bouddhiste du XVI ème siècle par des artistes contemporains spécialistes des mangas. Un peu comme si les fresques de la Chapelle Sixtine étaient remplacées par des oeuvres du Street Art peintes par des graffeurs renommés.

Ah là là, quelle lampée d’air frais, quelle fraîcheur, le vent s’engouffre et me requinque ! Déjà, d’un coup, par la force stimulante du souffle venu du plus lointain des horizons, la lumière jaillit renforcée dans ma tête embrumée par le temps, je renais, je souris à la vie et tout alentour me parait dans la merveille de son essence magnifiée par la fantaisie de la création.

Nous sommes à [**Kyoto*] dans le complexe architectural et spirituel du temple [**Daitokuji 大徳寺*], un ensemble de temples bouddhistes disséminés sur plus de 23 hectares au milieu d’un nature sublime de beauté entre jardins zens et frondaisons d’arbustes dont les feuilles chantent avec le vent. Un lieu propice pour l’écoute de la musique[** gagaku (雅楽)*] ou un air au piano de [**Debussy*] quand l’ Orient et l’Occident se retrouvent pour des noces de printemps.

Olécio partenaire de Wukali

Le temple qui a été choisi est celui de [**Shinjuan*], il a été fondé au 15ème siècle et associé au moine zen[** Ikkyu Sojun*] (1394-1481), plus connu sous le nom de [**Ikkyu-san, 一休さん)*] , ( «san» dans la langue japonaise étant un suffixe qui marque l’affection, la tendresse et que l’on apostille à la suite d’un prénom par exemple : Kenzo-san, 健三さん , Tekkaman-san, c’est aussi le nom d’un héros de mangas ).

[**Sôshô Yamada*] est un moine, 27e révérend supérieur du temple Shinju-an, grand maître du bouddhiste Zen Rinzai, il est âgé de 63 ans et c’est lui qui a pris la décision de remplacer 40 portes coulissantes ([**襖*]) par des créations d’aujourd’hui pour un temple datant de plus de 400 ans. Une telle audace pourrait être comparée au choix de [**Malraux*] décidant de confier à [**Chagall*] la décoration du plafond de l’Opéra de Paris.

Sôshô Yamada est d’ailleurs connu en France et fut en 2013 l’invité du [**musée Guimet*] à l’occasion d’une conférence à Paris où il présenta son livre : Ikkyû, l’impertinence au service de la foi (édition: Golden Nihon Collection ). Tout était déjà inscrit dans le titre, bon sang ne saurait mentir !

Les peintures d’origine étaient celle de **Hasegawa Tōhaku 長谷川 等伯*] (1539 – 1610), elles seront remplacées par des mangas à l’échelle architecturale adaptée des plus grands maîtres actuels de la discipline. Il est vrai que l’art du manga est au [**Japon*] ce que l’illustration, la bande dessinée et la caricature par exemple seraient en France. Un art populaire très largement apprécié par un vaste public et qui fait les délices de la jeunesse. Un art aussi parfaitement médiatisé et qui depuis bien longtemps déjà, et au delà des limites maritimes du pays du Soleil-Levant [**日本*], a conquis le monde entier. Un art, et il convient ici de le souligner, qui a été initié depuis les 18è et le 19è siècle par les peintres de l'[**ukiyo-e 浮世絵*], le plus fameux d’entre eux étant bien entendu [**Katsushika Hokusai (葛飾 北斎)*] ( voir l'[article dans Wukali sur l’exposition Hokusai à Paris, cliquer.)

Les artistes qui ont été sélectionnés pour cette entreprise l’ont tous fait gratuitement et avec passion, c’est ce que nous révèle le Asaï Shimbum.

– [**Kenichi Kitami 北見けんいち*] est l’un d’entre eux, un jeune peintre de 77 ans, auteur de la série de mangas Tsuribaka Nisshi 釣りバカ日誌 (Journal d’un fou qui pêche).

– [**Isamu Kamikokuryo 上国料勇*] qui fut le directeur artistique pour la série de jeux video Final Fantasy a été sollicité pour dessiner [**Kannon*], le bodhisattva du futur. Il a représenté sur huit panneaux-écrans fusuma ([**襖*]) des déités shintô [**神道*] et bouddhistes. Pour son travail il a demandé à des vedettes du groupe pop de musique Exile (エグザイル・ジャパン・バンド) de lui servir de modèles pour représenter Fujin 風 et Raijin 雷電 ( dieux du vent et du tonnerre)

– [**Hiroyuki Yamaga 山賀 博之*], 56 ans, un réalisateur de films d’animation fait aussi partie de la sélections d’artistes. Il a fondé la société Gainax Co ( 株式会社ガイナックス). Il a passé six mois à travailler sur les panneaux restant bien souvent la nuit dans le temple . «Si Tohaku au 16 ème siècle a passé du temps ici dans le temple à travailler, à créer, il convient que je sois aussi là pour retrouver avec lui le sens de son inspiration» a t il souligné auprès du journaliste qui l’interrogeait.

La restauration des fusuma anciens va prendre des années, certains de ces panneaux-écrans ont été classés par le gouvernement japonais comme trésors nationaux. Pour [**Sosho Yamada*], la confrontation entre les maîtres anciens et leurs héritiers d’aujourd’hui est une aubaine. Avec lui nous le croyons, et nous aimerions déjà être parmi les premiers visiteurs à venir pour les admirer. Ce que l’on en connait, ce qui en est dores et déjà montré et transpire dans la presse nous en convainc.

Emporte-moi wagon, enlève-moi frégate ( …)
Comme vous êtes loin, paradis parfumé,
Où sous un clair azur tout n’est qu’amour et joie,
Où tout ce que l’on aime est digne d’être aimé,
Où dans la volupté pure le coeur se noie!
Comme vous êtes loin, paradis parfumé!
.

Charles Baudelaire. Moesta et errabunda. Les Fleurs du Mal

[**Pierre-Alain Lévy*]


Illustration l’entête: Panneaux-écrans de Kenichi Kitami. Temple de Shinjuan, Daitokuji. @Asahi Shinbun

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WUKALI Article mis en ligne le 11/06/2018)]

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