A tiny and wonderful painting


Nous venons de consacrer un article à deux tableaux autrefois attribués à Vermeer(1632-1675) : « La jeune femme à la flûte » et « La dame au chapeau rouge ». Nous renvoyons donc le lecteur à ce texte pour tout ce qui est élément biographique du peintre.

Pourquoi traiter ce sujet dans la foulée? Parce que c’est le seul tableau authentique de Vermeer dans lequel la lumière vienne de la droite, et qu’au cours d’une conversation, mon ami [**Daniel Chartre*] m’a fait remarquer que la jeune fille était gauchère. Ce qui impliquait, vu la position choisie par l’artiste, que la lumière vienne de droite. Cette découverte étant la sienne, dont acte.

[**« La dentellière »*] est le plus petit tableau de [**Vermeer*] : 24,5x21cm. Il date des années 1668/1672, vers la fin de la vie de son créateur. C’est une huile sur toile conservée au musée du Louvre. Elle est signée sur le mur du fond. Le tapis de table est similaire à celui d’un tableau des débuts : « Le Christ chez Marthe et Marie » de 1655.
Une jeune femme, se détachant sur un fond uni, est assise devant une table. Sur la gauche, un « coussin à couture » de l’époque, dont des fils, à l’extérieur, sont visibles. Un livre est au premier plan, fermé par des rubans bleus. S’agit-il d’une bible ? C’est possible mais rien ne permet de l’affirmer.

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Le centrage évident sur la figure féminine, au détriment du fond attenant, prouve que le peintre avait une vision très précise de l’organisation de sa toile bien avant de passer à l’acte. Le réalisme poussé de la description physique de « l’art de la dentelle » est impeccable : les doigts repliés, nécessaires à régler le jeu des fuseaux de fils dessinant le motif, sont une véritable démonstration de savoir-faire et de métier, que « l’Encyclopédie » de Diderot et d’Alembert aurait pu reprendre. La précision du geste de la jeune femme est si nette que l’observateur en prend, sur l’instant, conscience. Ce merveilleux travail manuel crée une empathie immédiate avec le spectateur. L’alchimie mentale conséquente, inventée en toute connaissance de cause par le peintre, implique, visuellement, l’observateur dans cette action créative. C’est l’insertion du témoin passif dans le monde pictural ! Sans être une invention( elle est de [**Léonard de Vinci*]), c’est un renouvellement de l’idée.

Le peintre a-t-il utilisé la chambre noire ? Si l’on en juge par l’aspect flouté des éléments divers posés sur la table, c’est probable, sans plus de certitudes.

Regardons maintenant la jeune femme : la dolichocéphalie appuyée du crâne est la conséquence de la présence du chignon tressé. Ce dernier est prolongé par des nattes, surmontant un front dégagé. Une sorte de « T », constitué des yeux, des sourcils et du nez régulier domine le visage. La bouche aux lèvres roses, réduites, génère un menton plutôt pointu tandis que le teint crème des joues rejoint celui du front.

La toile semble vibrer sous la force de la lumière car une couche préparatoire blanchâtre accentue la réfraction. Une sérénité, une harmonie chaste, inattendues, en sont induites, encore renforcées par les jaunes et les bleus, les teintes majeures de cette œuvre. Les couleurs de la dentelle, le rouge et le blanc, s’exaltent l’une l’autre, jusqu’à créer une fusion visuelle sirupeuse. Le rendu du soyeux des tissus est une réussite totale : d’une telle qualité, d’une telle intensité, qu’il s’agit peut-être de la plus belle réalisation bi-dimensionnelle jamais créée sur ce point. Les nuances expressives des couleurs sont d’une délicatesse typiques de Vermeer : bleu du coussin et jaune du corsage, fils rouges traînant sur le vert de la table. Tous sont constitués de fines gouttelettes de peinture : d’infimes corpuscules bleus, jaunes et blancs d’où naît l’irisation de la lumière. Dépassant le coussin, des passementeries apparentes, qui sont en réalité les rubans fermant le livre créent une paréidolie stupéfiante : celle d’un insecte dont les cornes s’accrocheraient à la table !

Les parties ombrées se voient sur l’hémisphère gauche de la face, impliquant que la lumière vient, naturellement, de droite. Le fait que la figure féminine est située sur un axe légèrement penché, issu de la volonté de l’artiste de bien mettre en valeur la main qui travaille le plus en tenant la bobine de fil et le canevas, démontre indiscutablement que la dentellière est gauchère. Ce que, visiblement, Vermeer a voulu rendre à la perfection. Sans doute connaissait-il la personne en question : un membre de sa famille, une de ses filles peut-être.

Comme toujours dans une création artistique exceptionnelle la réalité, qui est l’aspect extérieur de l’ouvrage, cède le pas à sa vérité intrinsèque, qui est la nature profonde de l’œuvre.

[** Jacques Tcharny*] |right>


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WUKALI Article mis en ligne le 08/12/2018)]

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