Russian so-called heirs looking for recovering a statue created by Brancusi, Le Baiser, and remaining in Paris in Montparnasse cemetery


Par Jacques Tcharny / [**Constantin Brancusi*]* ( 1876-1957) a créé une série de 40 œuvres de ce modèle qui montre deux amants enlacés. En règle générale, l’artiste pratique la taille directe : il n’y a quasiment jamais de modèle préparatoire. Chaque version est travaillée en fonction du matériau qui la compose.La première dès 1905 : il s’agit d’un marbre rose. Au fur et à mesure, l’artiste simplifie les formes, qui deviennent de pures géométries sculptées formant un bloc compact.

L’exemplaire auquel nous nous attacherons appartient à la tombe de [**Tatiana Rachewskaïa*], une jeune russe qui se suicida à Paris, en 1909, et qui fut enterrée au cimetière du Montparnasse.

Pourquoi celui-ci? Parce qu’une violente controverse, juridique et judiciaire, a éclaté à son sujet. Il oppose, depuis une bonne dizaine d’années, les ayants-droits de la jeune femme à l’état français.

Olécio partenaire de Wukali

Les premiers voudraient vendre « leur baiser »,en pierre, estimé 30/40 millions d’euros sur le marché international de l’art, alors que le second s’y oppose fermement, considérant que l’exemplaire fait partie intégrante de la tombe. Le premier jugement a débouté les ayants-droits : tous des Russes, qui n’avaient jamais entendu parler de la jeune suicidée, mais qui veulent « se faire du fric ». Ils furent retrouvés par un spécialiste français, de l’art et de la chasse aux héritiers. Lequel a prévenu : il ira jusqu’au bout ; c’est-à-dire en appel, en cassation et, si nécessaire, devant la commission européenne. Ce qui peut durer des années…

L’œuvre est solidaire de son socle, l’ensemble constituant la tombe. Elle fut inscrite à l’inventaire des monuments historiques en 2010. Elle ne peut donc pas sortir de France et, quel que soit le résultat final de cette embrouille, son prix de vente, malgré tout important, serait très inférieur à sa « cote » officielle. Au fond, l’idée secrète et sous-jacente des plaignants, c’est que la statue soit rachetée par l’état français. Que ce soit à la suite d’un marchandage honteux et sordide leur importe peu.

Les autorités, craignant le pire, ont recouvert la sculpture par une caisse en bois, pour la protéger des intempéries, et ont installé un système de vidéo-surveillance (composé de trois caméras) qui la contrôle en permanence.

Au départ de la série, un homme et une femme s’embrassent. Composés d’un seul bloc, ils sont enlacés mais les deux figures ne fusionnent pas encore. Les variantes sont nombreuses mais une évidence s’impose : la simplification des formes transforme la vision de l’artiste. En effet, si les bras et les jambes sont apparents dans la version « Rachewskaïa », seul le haut du corps, jusqu’à la poitrine et aux bras, subsiste dans les suivantes. Puis les bras diminuent jusqu’à ne plus être que des fragments gravés dans la pierre, tandis que les profils se rapprochent, jusqu’à l’union des yeux en un seul œil. Les modèles deviennent alors des formes parfaitement refermées, soient des couples-colonnes comme sur l’exemplaire « Montparnasse », soient ils se situent dans la mouvance cubiste comme celui du musée national d’art moderne (centre Pompidou). Mais tous tendent à devenir de simples figures géométriques pleines.

Le ressenti du spectateur, c’est qu’une force intérieure puissante en émane, irradiant l’espace environnant : ce que l’on qualifie de « force spirituelle », inhérente à Brancusi et à ses pairs, les génies supérieurs de l’art tridimensionnel : [**Michel-Ange, Donatello, Ghiberti, Verrocchio, Bernin, Rodin, Bourdelle*] et [**Maillol*].

L’exemplaire « Montparnasse », une sculpture en pied, est un des premiers (1909). Il est constitué de pierre grise. Les deux amants ne sont pas sur un rocher : ils SONT le rocher. Leurs jambes se touchent. Leurs pieds s’entrecroisent. Les seins de la figure féminine débordent sur le torse masculin, paraissant le compléter dans cette union psychique autant que physique. Les bras des protagonistes saisissent la nuque de l’autre, dans une communion charnelle s’achevant par un baiser langoureux entre des lèvres scellées les unes aux autres. Les paupières se touchent mais sans fusionner. Les chevelures sont encore marquées, décrivant, à peu près, le même angle frontal et ayant la même profondeur. Celle de la femme est orientée vers l’arrière, celle de l’homme perpendiculaire à son visage.

Une harmonie intense s’en dégage mais l’œuvre est érodée, surtout au niveau du genou féminin visible et, à un degré moindre, sur l’ensemble des corps. De ce fait il est compréhensible, à n’importe qui, que la sculpture n’avait jamais été protégée avant la procédure.

L’auteur de ces lignes se souvient d’un temps où tout un chacun, se promenant dans ce cimetière, pouvait la regarder avec intérêt, curiosité et admiration… Sans imaginer qu’un jour les marchands du temple viendraient perturber le sommeil de cette jeune femme romantique, qui se suicida suite à un chagrin d’amour.

On reste effaré et atterré par cet appât du gain abject. On souhaite que la raison, la décence et le respect, dus à cette jeune femme morte, l’emporteront sur les basses manœuvres mercantiles. Malheureusement, à ce jour, nul ne le sait.

[**Jacques Tcharny*]|right>

* Voir l’article consacré à ce sculpteur de génie sur Wukali


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WUKALI Article mis en ligne de 05/08/2019, initialement publié le 07/02/2019)]

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