No words, just this extraordinary feeling of pure beauty and serene glee under the pianist’s fingers
Par Pétra Wauters, envoyée spéciale au festival / C’était à la[** Roque d’Anthéron*], ce lundi 12 Août. On s’approche de la fin du festival, les journées raccourcissent, la fraicheur s’installe sur les gradins du Parc de Florans. On se sent bien. La scène sur pilotis, dressée au centre d’un bassin, accueille le piano de [**Christian Zacharias*].
[**Denys de Winter*] [****], le maestro accordeur de la Roque d’Anthéron est à ses côtés avant l’arrivée du pianiste. Toujours à l’écoute des pianos et des virtuoses. Il lustre le bel instrument, dans cette dernière étape, avant le récital. Il nous le confiera à l’issue du concert, qu’en plus de la partie technique, « il faut vérifier que le piano soit à la bonne place, bien éclairé, la banquette à la bonne hauteur. Des petits détails qui ont leur importance et qui font le bonheur des pianistes ».[** Christian Zacharias*] sait parfaitement ce qu’il veut. « Il est très clair dans le choix de l’instrument. On a travaillé ensemble surtout dans l’intonation, l’harmonisation, sans grands réglages. On a fait en sorte que le piano convienne exactement au programme, qu’il se rapproche le plus à l’image qu’on attend de lui, au son, au toucher du pianiste, qui est le grand Maître de ce type de répertoire », précise encore Denys de Winter. Pour l’heure le piano à queue brille, et la plupart des spectateurs pourront admirer les mains virtuoses se dédoubler sur le couvercle du clavier.
On attend un peu. Cela fait partie du plaisir. Et on s’émerveille toujours ; comment une telle scène peut-elle restituer si joliment le son d’une salle de concert fermée ? Montée sur pilotis, elle a été conçue au dessus d’un plan d’eau et des experts en acoustique ont travaillé sur le son. Déployer un espace de résonnance supplémentaire, entre la surface de l’eau et les planches, pas si facile, il en a fallu des conques « à l’essai » pour arriver à ce résultat, « parfaitement parfait » ! Optimiser l’acoustique, aussi bien pour le public que pour les artistes. De plus, la conque est superbe.
[**Haydn*], Bach : il faut entrer dans leur « grande musique » . Peut-être est-ce pour cette raison que le concert n’était pas complet. Pas facile d’approche, ou pas assez « spectaculaire ? » Mais nous, nous étions là, pour nous émerveiller et nous régaler de ce dialogue entre le baroque et l’âge classique. En effet, le ton est donné avec la première œuvre. Haydn : Sonate n°32 en sol mineur Hob.XVI.44. Une sonate au climat intimiste et grave. On savoure jusqu’aux silences, aux soupirs, qui sont très poignants dans le modérato initial. Rien n’est figé dans l’interprétation de Christian Zacharias ; il est merveilleux de spontanéité, libre et profond tout à la fois.
Bach : Suite française n°5 en sol majeur BWV 816, offre des tableaux très variés. Entre le sérieux et la régularité dans les rythmes pour l’un, la rapidité et l’allant rythmique de l’autre, ici encore une ligne mélodique riche d’ornementations, et bien d’autres choses encore sont à vivre dans ses danses. On appréciera tout particulièrement la dernière, la Gigue, la plus majestueuse entre toutes, et Christian Zacharias d’offrir beaucoup d’émotion dans son interprétation rapide et virtuose. Le contraste de ces notes qui fusent et s’emballent, avec l’attitude du pianiste, détendu et paisible, est incroyable ! Parfois, on dirait même qu’il improvise.
Haydn : Sonate n°31 en la bémol majeur Hob.XVI.46. Quelle est belle cette sonate, sans doute l’une des plus abouties de Haydn. Dès le début, on est admiratif de ces motifs, de ces figures empreintes de lyrisme. Beaucoup de profondeur de sentiment restituée dans le jeu du pianiste. On ne peut détacher notre regard de ses mains qui dialoguent, qui se rejoignent, pour nous offrir un chant des plus mélodieux. Notre esprit s’envole, et on part si loin qu’il nous sera difficile de revenir.
Pour Christian Zacharias, il semblerait que ce soit tout pareil ! Est-il encore dans sa musique lui qui, une fois le morceau terminé, se lève, et comme encore étourdi, s’éloigne vers les coulisses, d’une démarche chaloupée, les bras comme suspendus dans les airs, orphelins de leur clavier.
Entracte.
Vous reprendrez bien encore un peu de [**Bach*] ? Bach : Partita n°3 en la mineur BWV 827. C’est assurément un sacré exercice pour les doigts, mais aussi pour le psychique et l’imaginaire ! Que de complexité au cœur de cette œuvre. Dans les figures rythmiques déjà. Si on aime tout de ces partitas, on retiendra tout particulièrement la courante, qui resplendit avec générosité sous les doigts de Christian Zacharias, ou encore dans une toute autre ambiance, la paisible sarabande, et plus loin, une gigue quant à elle endiablée, viendra parachever en beauté ces pages.
[**Haydn*] : Sonate n°62 en mi bémol majeur Hob.XVI.52.
Jouer cette sonate en fin de concert, c’était une belle façon de conclure le récital… Encore que le bis (beethovénien) viendra pour nous enchanter encore et prolonger le plaisir. On aime l’intensité de cette sonate pleine d’émotions et le style de Christian Zacharias de se montrer plus que jamais puissant, massif, majestueux !
Lui si clair, si limpide, se fait par moment plus noir. Il introduit dans son jeu des zones obscures, des zones d’ombres, ce qui n’enlève rien à la richesse de cette partition débordant d’esprit.
Cette soirée offrait de jolis moments et des surprises, comme ce rappel : 12 variations sur une danse russe du ballet « Das Waldmädchen » (la fille de la forêt) – [**Beethoven*]. Le pianiste allemand nous présente ce bis sur un ton badin, et dans notre langue, qu’il maîtrise parfaitement. Ces variations de Beethoven sous ses doigts de magiciens sont sublimes. Elles sont généreuses, divines, amples, dignes des plus grands chefs-d’oeuvre du compositeur. Pourtant, que de difficultés dans ces pages !
Au risque de nous répéter, là, on touche au divin, et dans les allées du parc les avis sont unanimes
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Illustrations : photos © Christophe Gremiot
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WUKALI Article mis en ligne le 15/08/2019
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