Famous Japanese artists, great masters of ukiyo-e 浮世絵
Par Pétra Wauters. / L[**’Hôtel de Caumont-Centre d’art d’Aix en Provence*] présente une exposition sur les estampes ainsi que les coutumes et la culture japonaises de l’époque Edo (1600-1867)[***]. 8 nov 2019-22mars 2020
150 estampes ukiyo-e et autres objets remarquables sont dévoilés au public français pour la toute première fois. Ils sont pour la plupart issus de la [**collection Georges Leskowicz*], l’une des plus importantes collections d’estampes japonaises dans le monde. Cet amoureux des estampes, passion héritée de son père, connaît chacune de ses œuvres, leur histoire propre, ainsi que les effets esthétiques issus des différentes techniques. « Il nous invite à « entrer dans l’œuvre », à observer les détails. On ne doit pas juste les regarder. » et c’est effectivement la clef pour les apprécier à leur juste valeur.
Plein feu sur le[** Japon*], sans éclairage… ou si peu ! « Les œuvres doivent rester à l’abri de la lumière du fait de leur extrême sensibilité. Il faut protéger le papier et les couleurs ». explique la commissaire de l’exposition, [**Anna Katarzyna Maleszko*] qui est également la conservatrice de la collection d’art japonais au Musée National à Varsovie et spécialiste de l’art japonais des périodes d’Edo et de Meiji. On apprend par ses proches qu’elle a reçu une récompense rare : la médaille de l’Ordre du soleil levant, attribuée par l’[**Empereur du Japon*].
Peut-être connaissez-vous la série des [** Trente-Six Vues du Mont Fuji 富嶽三十六景 *] (1832–1833) d’[**Hokusai*], parmi lesquelles « l’envers de la grande vague de Kanagawa 神奈川沖浪裏 », cette fameuse vague qui a déferlé dans les bouquins d’école et qui déferle depuis quelques mois sur les murs des Carrières de Lumières ? Ce court métrage « Japon Rêvé, images du monde flottant » enrichit l’exposition numérique immersive « Van Gogh, La nuit étoilée ».
Vous connaissez sûrement aussi d’Hokusai, « Pluie fine au sommet du mont Fuji », de la série, [**trente-six vues du Fuji*] vers 1831. Des estampes admirables, extrêmement rares, toujours aussi fragiles et qui, pour des raison de conservation préventive, sont présentées en alternance au cours de cette exposition. Cinq semaines chacune. C’est la Vague qui débute le cycle, et vous aimerez surement terminer par cette section de l’exposition à la scénographie surprenante, envahissante, rafraichissante, tonique !
Une foule d’objets et manuscrits anciens complètent l’exposition.
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« Un ensemble unique en France de surimono est au cœur de l’exposition » se réjouit la commissaire d’exposition. « Ce sont des estampes rares et raffinées . Phénomène de mode, de nombreuses images ont été reproduites à outrance, et il est difficile de trouver une édition première de surimono » ajoute Anna Katarzyna Maleszko.
Des motifs naturels et des scènes de la vie quotidienne, comme celles de [**Ryūryūkyo Shinsai*], aux compositions subtiles. On s’intéresse encore aux représentations d’acteurs du théâtre kabuki. On s’étonne de la fulgurante carrière de [**Tōshūsai Sharaku 東洲斎 写楽;*] qui a créé, en moins d’un an, entre les années 1794 et 1795, cent cinquante-neuf estampes représentant des portraits d’acteurs célèbres. « Le mystère de sa carrière est entier » nous dit-on. Un jour, peut-être saurons-nous ce qui est arrivé à ce « Météorite Sharaku ! »
– Voici ce qu’a écrit sur cet exceptionnel artiste, [**Nelly Delay*] dans l’impressionnant livre qu’elle a consacré à [** L’estampe japonaise*] et publié chez [**Hazan*], (nouvelle édition, 2018):
«Pour mieux exprimer le rythme inhérent au kabuki, il eut l’idée d’utiliser le hosoban (細判 ( un format de ukiyo-e. NDLR) en triptyques ou en diptyques, ce qui permettait la composition de scènes, et de placer les personnages en mouvement. Ses estampes sont ainsi des instantanés de telle ou telle pièce; plus qu’aucun autre, il nous informe sur le jeu des acteurs à la fin du siècle. Shunshô comprenait leur art comme s’il avait été des leurs. Ses portraits de Danjurô dont parmi les plus fascinantes évocations de cet acteur génial qui transportait les spectateurs avec son interprétation du shibaraku («attention, j’arrive!»), lancé d’une voix tonnante depuis le hanamashi 花街 (quartier des maisons closes) aux traîtres et aux méchants qu’il pétrifie.
L’expressionisme du visage, chez Sunshô, la puissance des couleurs, quand il représente ce personnage, font de ses estampes des chefs-d’oeuvre inoubliables, qui devaient servir de référence à de nombreux artistes. Les plus grands acteurs de son temps souhaitaient être peints par lui pour distribuer à la foule de leurs admirateurs : Otani Hiroji III dans La Vengeance des frères Soga, les onnagata Iwai Hanshirô IV et Segawa Kikunojô III, et tant d’autres… Sans se porter aux excès de Sharaku, il savait déceler la sensibilité propre à chacun dans les regards les plus farouches ou les distorsions les plus effrayantes de la bouche. Il va au bout de l’expressionnisme, comme les acteurs eux-mêmes, sans jamais verser dans la caricature hors des normes, un sens puissant de la beauté imprègne toute son oeuvre. Il travaille également sous format ôban pour des groupes de lutteurs de sumô et des portraits en buste d’acteurs (yakusha-e). Il ne néglige pas pour autant l’univers des femmes et crée la série des «Activités féminines des douze mois de l’année» ainsi que des triptyques où les courtisanes se détachent sur des fonds de paysage qui évoquent les saisons. Son style rivalise souvent avec celui d'[**Utamaro*]. Ses peintures plus rares sont un raffinement de couleurs et de dessin très remarquable; Il travailla avec plusieurs éditeurs dont l’excellent Hayashiya et surtout, en 1776, avec Tsutaya Jûzaburô qui publia en coédition avec Yamazaki Kimbei, le merveilleux «Miroir des beautés des maisons vertes» ( Seirô birkin amasse sulfata kagame)qu’il réalisa en collaboration avec Kitao Shigemasa. Dans l’atelier de l’école Katsukawa, Sunshô accueillit plusieurs élèves dont l’un, Shunro, devint plus tard [**Hokusaï*]»
On découvre encore les belles habitantes de Yoshiwara, des natures mortes liées aux célébrations du Nouvel An, des scènes mêlant héros et légendes traditionnelles, et attention, il n’y a pas de carré blanc, des scènes érotiques sont présentées dans un cabinet séparé.
Ci contre à droite, Kitagawa Utamaro (1753 – 1806), Amusement d’un soir d’été dans le jardin (triptyque), 1788-1790. Chaque feuille : Nishiki-e, 35,7 x 25,3 cm, Collection Georges Leskowicz, Photo : © Fundacja Jerzego Leskowicza (3 images du triptyque)
En lien direct avec ces plaisirs, la section Bijin, beautés et courtisanes. Bijin, signifie belle femme. Aux représentations des courtisanes font écho des kimonos, des chapeaux insolites et d’autres accessoires féminins.
Souvent, des poèmes accompagnent les illustrations. Comme ce texte accompagnant une courtisane de [**Keisa Heisen*] :
« A la fenêtre parfumée
Par la fragrance du prunier des manches
La fauvette du quartier de plaisir,
Dissipe son ivresse légère
En soupirant « Hofu »
ci contre à droite, [**Chobunsai Eishi*] (1756-1829), La Courtisane Hanamurasaki de la maison de thé Kadotaya, Série Six Beautés des maisons vertes comparées aux six poètes immortels, 1794-1795, Nishiki-e, 37,7 × 24,9 cm, Collection Georges Leskowicz, Photo : © Christian Moutarde
Loin du monde des Bijin, on célèbre les combats « musclés » à travers des représentations gravées des légendes de guerriers et de samouraïs. Pour leur faire écho, on découvre en vitrine des casques originaux et des armures spectaculaires.
Le visiteur continue ainsi à s’immerger dans la vie du Japon ancien. Le dépaysement est total !
Illustration de l’entête: [**Utagawa Hiroshige- 歌川広重*] (1797-1858), 大はしあたけの夕立. Averse soudaine sur le pont Shin-Ohashi et Atake (58e vue) ( détail). Cent Vues célèbres d’Edo, 1857, Nishiki-e, 37,5 x 27,2 cm Collection Georges Leskowicz, Photo : © Fundacja Jerzego Leskowicza
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WUKALI Article mis en ligne le 15/11/2019
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