Les multiples Picasso, baigneuses et baigneurs, influences croisées
Le musée des Beaux-Arts de Lyon propose une relecture du thème de la baigneuse dans l’œuvre de Picasso avec, en contrepoint, des œuvres d’artistes du passé, comme Jean Auguste Dominique Ingres, Paul Cézanne ou Auguste Renoir, qui ont influencé Picasso dans le traitement de ce sujet. Des artistes modernes et contemporains seront également présentés car ils se sont intéressés aux baigneuses picassiennes et ont trouvé en elles une source d’inspiration ou le prétexte à une confrontation.
L’exposition est organisée en partenariat avec le Musée national Picasso – Paris et avec le concours de la Peggy Guggenheim Collection de Venise. Les trois institutions possèdent chacune une œuvre quasiment jumelle, exécutée en février1937, quelques semaines avant que l’artiste ne travaille à Guernica . L’exposition « Picasso. Baigneuses et baigneurs » a été conçue en grande partie à partir du fonds exceptionnel du Musée national Picasso – Paris. Elle présente près de 150 œuvres issues d’importantes collections publiques en Europe et au Canada ainsi que de collections particulières. Elle s’accompagne de la présentation de pièces d’archives relatives aux différents séjours en bord de mer effectués par Picasso et est rythmée par toute une série de photographies de l’artiste et de ses proches, dues notamment à Dora Maar et à Eileen Agar.
À l’origine de l’exposition, Femme assise sur la plage, 10 février 1937, un tableau de Picasso légué au musée des Beaux-Arts de Lyon en 1997 par l’actrice-collectionneuse Jacqueline Delubac. Ce tableau iconique est devenu un véritable emblème des collections. Les trois Baigneuses de 1937 ont été réunies en 2018 pour la première fois depuis leur création à la Fondation Peggy Guggenheim dans l’exposition « Picasso on the Beach », puis au Musée national Picasso – Paris en 2018 dans l’exposition « Picasso. Chefs-d’œuvre ! ».
L’exposition
Pablo Picasso est né en 1881 à Málaga, sur les rives de la Méditerranée. Il a grandi au bord de l’Atlantique à La Corogne, puis à Barcelone. Parisien de 1904 à 1948, il séjourne l’été à Biarritz, Cannes ou Dinard, avant de s’installer dans le Midi de la France.
Si la Baigneuse est un sujet traditionnel de la peinture et de la sculpture, Picasso l’investit d’une manière toute singulière. La classique nymphe d’eau douce devient dans ses tableaux et ses sculptures un être comme jailli de l’eau salée, qui habite les plages. L’artiste transforme la figure de la Baigneuse selon une série de métamorphoses qui ont pour raison à la fois sa propre expérience hédoniste, mondaine, ludique des loisirs balnéaires, et l’évolution de son propre travail plastique. Suivre les avatars de la Baigneuse de Picasso, c’est ainsi traverser l’ensemble de sa création et de sa vie. C’est aussi pénétrer une autre histoire, celle de l’imaginaire picassien des bains de mer, alors même que se démocratisent les séjours au bord de l’eau.
En contrepoint de cet axe principal, des artistes du passé ou d’aujourd’hui viennent offrir leur regard sur la Baigneuse de Picasso, témoignant de la fécondité de cette figure.
Baigneuses et modernité
Paul Cézanne, Cinq baigneuses, 1877-1878. Huile sur toile, Donation en 1973, collection personnelle de Picasso. Paris, Musée national Picasso – Paris, inv. MP2017-10 Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / Mathieu Rabeau
Pablo Picasso s’inscrit dans le sillage d’une modernité en peinture qui réinvente la figure de la Baigneuse. Dans l’art ancien, la Baigneuse — Diane aux bois, Suzanne surprise par les vieillards ou nymphe sylvestre — évolue dans la forêt et illustre un récit mythologique ou biblique. Le peintre symboliste Pierre Puvis de Chavannes (1824 -1898), que Picasso étudie avec attention au tournant du siècle, commence à lui donner une dimension davantage métaphysique et mélancolique. Les artistes modernes, eux, abandonnent toute référence écrite et certains sont particulièrement regardés par Picasso. Édouard Manet (1832-1883), sur les pas d’Eugène-Louis Boudin (1824-1898), brosse les tout nouveaux plaisirs balnéaires, que l’on dit bons pour la santé, une mode venue d’Angleterre au cours du xixe siècle. Paul Cézanne (1839-1906), collectionné par Picasso, stylise des corps féminins nus sous les arbres sans les rattacher à une référence quelconque, affirrmant déjà l’autonomie de la peinture qui s’affranchit des codes traditionnels de représentation élaborés pendant la Renaissance. Paul Gauguin (1848-1903), à la recherche d’une radicale étrangeté, va chercher ses modèles en Polynésie. Auguste Renoir (1841-1919) campe une nymphe bien réelle, comme jaillie de la vie quotidienne, qui, aidée de sa femme de chambre habillée, fait sa toilette. Tous inspirent Picasso.
1908 : Baigneuses au bois
Les premières Baigneuses exécutées par Picasso surgissent au milieu des bois alors que l’artiste espagnol travaille à l’élaboration du cubisme, fruit d’une recherche sur la forme, le point de vue et l’espace. Le thème de la forêt est inspiré de la peinture de Paul Cézanne. Picasso cherche une stylisation géométrisée des corps dans la sculpture africaine. Il y puise aussi une vision magique de l’art qui donne à ses baigneuses une forme d’étrangeté. L’art selon Picasso doit avoir le pouvoir de modifier l’esprit et le monde. Les différentes études présentées dans l’exposition préparent deux grands chefs-d’œuvre de l’année 1908, les Trois femmes et la Dryade (Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage). Picasso approfondit sa représentation de la forêt à l’été 1908 lors d’un séjour dans le hameau de la Rue-des-Bois, non loin de Compiègne. Il découvrira à son retour les toiles pré-cubistes que Georges Braque (1882-1963) a peintes à l’Estaque et qui représentent également le sous-bois médi- terranéen en différents volumes simpli és. Cette même année, André Derain (1880-1954), proche des deux peintres, interroge à son tour la figure de la Baigneuse et, un œil sur Cézanne, l’autre sur le cubisme naissant, géométrise les corps et le paysage.
1918-1924 : Rivages antiques, rivages modernes
À l’été 1918, la Baigneuse de Picasso migre des forêts aux plages.
L’artiste rend compte de l’expérience nouvelle du loisir mondain des bains de mer. Il a épousé Olga Khokhlova, danseuse des Ballets Russes, et passe avec elle sa lune de miel à Biarritz. Les Baigneuses (Paris, Musée national Picasso – Paris) peintes alors portent des tenues de bain modernes. Leurs positions en torsion, la ligne fluide de leur silhouette, le visage renversé de profil, le cou cassé de l’une d’entre elles — inspirés de la Ménade, cette nymphe antique pratiquant la transe et qui faisait partie du cortège de Dionysos — traduisent aussi l’attention que Picasso porte à la peinture de Jean Auguste Dominique Ingres, qui a lui aussi développé ce motif. Le peintre espagnol ambitionne de réinventer une forme de classicisme non académique. Alors même que l’antique est à la mode, Picasso déploie les années qui suivent, été après été, une véritable rêverie personnelle du rivage à l’antique, appuyée sur son propre plaisir balnéaire. Sur la plage évoluent des personnages vêtus de drapés, comme venus des temps anciens : Ménades en pleine course, une Famille au bord de la mer, des Baigneuses (Paris, Musée national Picasso – Paris). À très peu d’années de distance, Picasso inspire enfin l’artiste anglais Henry Moore (1898-1986) qui donne à ses nus couchés selon des attitudes classiques une présence physique bien réelle.
L’estran
L’estran est l’espace intermédiaire qui se situe entre les marées les plus hautes et les plus basses. Zone interstitielle, mi-terrestre, mi-aquatique, elle charrie ces monstres en miniature que sont les crabes et les crevettes. Elle fascine le réalisateur Jean Painlevé (1902-1989) qui consacre à la fin des années 1920 une série de films documentaires à ces organismes primaires. Loués par les artistes, de Fernand Léger à Marc Chagall, et surtout par les divers groupes surréalistes, ils révèlent l’étrangeté inquiétante de ce microcosme. Picasso a-t-il vu les films de Painlevé ? L’un comme l’autre décrivent la plage comme un espace des confins du monde, peuplé d’êtres archaïques beaux et violents.Pablo Picasso, Baigneuse couchée, Juan-les-Pins, 20 août 1930. Tableau relief : sable sur revers de toile et châssis, objets, colle et carton collés et cousus sur toile. Dation en 1979. Paris, Musée national Picasso – Paris, inv. MP127 © Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / Mathieu RabeauSes tableaux au sable, un matériau que l’on retrouve chez le peintre surréaliste André Masson, exécutés à l’été 1930 à Juan-les-Pins, rassemblent, cousus et collés sur des châssis, des objets et des végétaux ramassés sur la plage et alentours, comme abandonnés après le reflux des vagues.
1927-1929 : Métamorphoses
De l’été 1926 au début de l’année 1930, Picasso s’engage dans la période des « tableaux magiques », selon une expression du critique d’art Christian Zervos qui souligne par là la grande puissance de cet ensemble de peintures et leur capacité à bou- leverser l’esprit humain. Au cours de cette période aussi fondatrice que le cubisme, l’artiste affine son vocabulaire à l’essentiel. L’été 1927, qu’il passe avec sa famille à Cannes et où il dispose d’un grand atelier, est particulièrement fécond. Les corps filaires et déformés de ces nouvelles figures sont placés sous le signe de la métamorphose : minuscule tête d’épingle sans bouche, élongation des membres, grossissement des pieds, gonflement des attributs sexuels, signification du sexe par le signe « losange ». Ce même été, le volume est réintroduit dans les carnets de dessin de l’artiste,où se déploient des séries de Baigneuses aux corps sculpturaux et comme en expansion. Les deux années suivantes, le peintre espagnol séjourne en famille à Dinard sur la côte bretonne et travaille à des séries singulières de Baigneuses subissant des déformations similaires mais à l’allure ludique et enfantine.En 1927, Francis Bacon, alors âgé de dix-huit ans, découvre l’œuvre dessiné de Picasso à la Galerie Paul Rosenberg à Paris. Il est ensuite frappé par ses tableaux magiques et ses Baigneuses de Dinard, comme en témoignent ses premières peintures. Ces baigneuses de la fin des années 1920 reviennent aujourd’hui dans les grandes toiles de l’artiste Farah Atassi(née en 1981) mais davantage comme motif que comme sujet.
1930-1933 : Plâtre, bronze et os : la troisième dimension
Pablo Picasso acquiert en 1930 le château de Boisgeloup. Les écuries, transformées en atelier, lui permettent de reprendre la pratique de la sculpture. La question du rapport entre peinture et sculpture, déjà abordée largement dans le cadre du cubisme par le modelage et l’assemblage, revient en force dans le travail de l’artiste. Il modèle alors des séries de Baigneuses gracieuses, mais aux membres comme inachevés et aux formes sinueuses.
Les dessins préparatoires de Picasso évoquent des osselets. En 1943, il déclare au photographe Brassaï : « J’ai une véritable passion pour les os… […] Avez-vous remarqué que les os sont toujours modelés et non taillés, qu’on a l’impression qu’ils sortent d’un moule après avoir été modelés dans la glaise ? Quel que soit l’os que vous regardez vous y retrouverez toujours l’empreinte des doigts… […] L’empreinte des doigts de ce dieu qui s’est amusé à les façonner […]. Et avez-vous remarqué comment, avec leurs formes convexes et concaves, les os s’emboîtent les uns dans les autres ? » Les corps sont ainsi composés comme par assemblage, à l’image des os. La peinture, telles Figures au bord de la mer (Paris, Musée national Picasso – Paris), recherche ainsi l’illusion du volume.
En 2014, l’artiste Elsa Sahal (née en 1975), fascinée par les corps morcelés de Picasso, exécute une série de sculptures en céramique évoquant des moignons.En 1933, pour les séries de dessins des Accouplements et des Anatomies, figurant des associations de corps et de parties de corps, Picasso renoue avec la veine ludique et enfantine de Dinard. La fragmentation du corps devient extrême dans la grisaille de la Nageuse (Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía), rare figure de ce type dans l’œuvre de Picasso, dont les seins et les bras semblent se détacher du corps.La représentation de corps en morceaux se retrouve dans la sculpture de deux artistes contemporains de Picasso. Son ami le sculpteur espagnol Julio González (1876-1942), qui lui apprend à réaliser des sculptures soudées en 1928, construit des corps quasi abstraits réduits à quelques signes essentiels. Très attentif au travail de Picasso, l’Américain David Smith crée ses premières sculptures dans cette même veine.
1937 : Baigneuses de pierre
Jean Auguste Dominique Ingres, Femme aux trois bras, étude pour Le Bain turc, vers 1859. Huile sur papier. Legs Ingres, 1867. Montauban, musée Ingres, inv. 867.1220 Image © Montauban, musée Ingres Cliché Marc JeanneteauFévrier 1937 : la guerre d’Espagne fait rage depuis plus de dix-huit mois. Picasso a reçu en janvier la commande d’une peinture monumentale pour le Pavillon espagnol de l’Exposition internationale des arts et techniques appliqués à la vie moderne de Paris.Si Madrid a pu résister à une offensive franquiste, la ville natale de l’artiste, Málaga, tombe le 8 février face à un corps expéditionnaire envoyé par l’Italie de Mussolini. Est-ce cette défaite qui fait revenir Picasso sur le rivage de son enfance ? Au lieu de travailler au tableau qui deviendra Guernica (1er mai-4 juin 1937, Madrid, Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía), il crée les 10, 12 et 18 février une série de trois Baigneuses sur la plage, aux attitudes enfantines. La première (Lyon, musée des Beaux-Arts), qui reprend le type de la sculpture gréco-romaine du petit « tireur d’épine », est assise, les jambes étendues devant elle. Sur le second tableau, Venise, Peggy Guggenheim Collection), deux Baigneuses jouent avec des bateaux pendant qu’une troisième, dont seule la tête émerge de l’eau, les observe. La troisième (Paris, Musée national Picasso – Paris), assise en tailleur, lit un livre, la tête sur ses poings.Pablo Picasso, Grande Baigneuse au livre, Paris, 18 février 1937. Huile, pastel et fusain sur toile. Dation en 1979. Paris, Musée national Picasso – Paris, inv. MP160 © Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / Mathieu RabeauPablo Picasso, Baigneuses à la cabine, 20 juin 1938. Plume, encre de Chine, crayons de couleur et crayon graphite sur papier vélin. Dation en 1979. Paris, Musée national Picasso – Paris, inv. MP1206
© Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / image RMN-GPPour autant, ces Baigneuses ont des formes rebondies évoquant la fécondité féminine, celles des Vénus préhistoriques, telle la Vénus de Lespugue (Gravettien, Paléolithique supérieur) dont Picasso possédait un fac-similé. Leur volume dense et les reflets miroitants tracés au pastel suggèrent une sculpture de pierre recouverte de sable.
Picasso a passé l’été précédent en compagnie de Dora Maar et de plusieurs surréalistes à Mougins. Parmi eux, Paul Éluard, dont il est très proche, ainsi que Roland Penrose fréquentent la photographe anglaise Eileen Agar (1899-1991). Il est possible que Picasso ait vu les clichés que celle-ci a pris à Ploumanac’h (Bretagne) en juillet, représentant d’impressionnants blocs de granit aux formes singulières.En novembre 2018, l’artiste Guillaume Bruère(né en 1976) est invité à dessiner pendant l’installation de l’exposition « Picasso. Chefs-d’œuvre ! » au Musée national Picasso – Paris. Dans une technique de dessin automatique, il réalise en quelques heures quarante-huit dessins d’après les trois Baigneuses réunies pour la seconde fois depuis leur création, après Veniseen 2017 et avant Lyon en 2020.1938-1942
Baigneuses de guerreAlors que la guerre d’Espagne voit le camp franquiste gagner des positions et menacer Barcelone, Picasso vit le conflit depuis la France. Il ne quittera pas Paris pendant toute la durée de l’Occupation, s’installant dans son atelier de la rue des Grands- Augustins. Dans un style qui pourrait être qualifié d’agressif, marqué par l’utilisation de stries, il exécute une série de Baigneuses à l’été 1938, à Paris, puis à Mougins. Leurs corps particulièrement déformés, comme torturés, témoignent de la violence des temps.L’artiste métamorphose en scènes de cauchemar des thèmes traités depuis Cannes (1927) et Dinard (1928), tel celui de la cabine de bain que l’on ouvre avec une clef comme pour un rendez-vous secret. Échappatoire à la guerre ? En 1942, Picasso dessine au crayon « magique » à trois couleurs d’autres baigneuses, les replaçant dans des saynètes et des attitudes inventées depuis les années 1920.Peu de temps avant la guerre, le sculpteur Henri Laurens (1885-1954), ami de Picasso, découvre la mer. S’ensuit l’invention du motif de la sirène, récurrent dans son œuvre. Ses représentations du corps féminin, tout en sinuosités, conservent des formes douces malgré l’exagération de certains membres.
1955-1957 : Les Baigneurs
Pablo Picasso s’installe en 1948 dans le Midi de la France. Il vit à Vallauris avec Françoise Gilot et leurs enfants, puis à la villa La Californie à Cannes et enfin au mas Notre-Dame-de-Vie à Mougins avec Jacqueline Roque. Comme en témoignent de nombreuses photographies personnelles ou de presse, Picasso, à la belle saison, passe de nombreux moments à la plage en famille et avec ses amis français et espagnols. Il fréquente ainsi la plage de la Garoupe à Antibes. L’artiste, âgé de plus de soixante-dix ans, semble jouir d’une éternelle jeunesse, et se plaît à apparaître en espadrilles et maillot de bain. Paradoxalement, la figure de la Baigneuse se raréfie au profit de scènes plus vastes qui rendent compte de la nouvelle popularité des plaisirs de la plage.Cliquer sur l’image pour voir le filmÀ l’été 1955, pour le tournage du Mystère Picasso d’Henri-Georges Clouzot, Picasso peint sur de très fins papiers journaux placés sur un chevalet – dispositif permettant de voir le dessin se faire en transparence – des scènes balnéaires évoquantPablo Picasso. Les Baigneurs, la femme aux bras écartés, été 1956. Dation en 1979, Paris, Musée national Picasso – Paris
© Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / Adrien Didierjeantantôt les jeux de plage modernes, tantôt une vie bucolique faisant référence à la poésie antique.Ce même été, Picasso s’engage dans le cycle des Baigneurs. Il assemble avec ce qu’il trouve six silhouettes en bois reprenant les différentes attitudes des baigneurs. Ces figures seront ensuite fondues en bronze. Trois sont présentées dans l’exposition. À l’été 1957, sous l’œil du photographe David Douglas Duncan(1916-2018) qui en documente les étapes, il peint les Baigneurs à la Garoupe (Genève, Musée d’art et d’histoire) où l’on retrouve les silhouettes de bois.Derniers jeux de plageL’atmosphère d’étrangeté qui baignait les scènes de plage de la peinture de Pablo Picasso de l’Entre-deux-guerres se retrouve dans les derniers tableaux sur ce thème. Alors que sa production picturale s’intensifie du début des années 1960 jusqu’au début des années 1970, quelques Baigneuses réapparaissent, croisant, comme pour cette Femme nue étendue sur la plage (Berlin, Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen), la thématique qui deviendra dominante au cœur des années 1960 du « Peintre et son modèle » avec ses séries de nus couchés et des bains de mer.L’artiste franco-américaine Niki de Saint Phalle (1930-2000) a toujours dit combien elle estimait l’œuvre de Picasso. Puisant aux mêmes sources, celles des silhouettes féminines préhistoriques, elle donne à ses Nanasà partir du milieu des années 1960 des formes rebondies. Bien souvent en maillot de bain, contemporaines des dernières œuvres de Picasso et témoignant elles aussi du caractère populaire des plaisirs de la plage, leurs acrobaties ludiques font irrésistiblement penser aux attitudes des Baigneuses de Dinard (1928) de Picasso.Picasso et LyonÀ l’été 1949, Picasso prête personnellement une de ses toiles au musée de Lyon : La tête de bœuf devant la fenêtre (1942) à l’occasion d’une rétrospective consacrée aux « grands courants de la peinture contemporaine (de Manet à nos jours) ». Cet événement inaugure les échanges entre Picasso et l’institution lyonnaise, puisqu’en 1953 et 1962 auront lieu deux expositions personnelles rendues possibles par l’investissement d’un groupe d’amateurs fervents défenseurs de l’art contemporain.Autour de René Jullian, conservateur au musée de Lyon depuis 1933, un groupe de personnalités marquera la vie artistique lyonnaise par leur engagement auprès des artistes, locaux ou internationaux. Parmi eux, Marcel Michaud, galeriste, René Deroudille et Jean-Jacques Lerrant, critiques, ont particulièrement œuvré pour la venue et la reconnaissance de l’œuvre de Picasso à Lyon. En 1953, l’appui du marchand Daniel-Henry Kahnweiler permet au musée de réunir cent soixante-dix-neuf œuvres, venues de prestigieuses institutions françaises et internationales.L’événement fait date dans l’histoire des expositions de l’artiste espagnol car si d’autres rétrospectives ont déjà eu lieu, elles l’ont surtout été à l’étranger ou à Paris, mais il s’agit d’une première pour une ville française en région. Il faudra ensuite attendre deux ans pour que soit présentée, en 1955, la première rétrospective parisienne de l’artiste dans une institution publique et près de vingt ans plus tard, en 1966, pour une rétrospective dans un musée national français, au Grand et au Petit Palais. Picasso, très satisfait de la rétrospective de 1953, accepte de faire don d’une toile au musée ; Le Buffet du Catalan (30 mai 1943) entre alors dans les collections. Les archives réunies dans le catalogue permettent de mesurer l’ampleur de cet événement mais également d’envisager plus largement l’enjeu de la réception de l’œuvre de Picasso à Lyon.Communiqué Musée des Beaux-Arts de LyonPicasso.
Baigneuses et baigneurs
Musée des Beaux-Arts de Lyon
18 mars – 13 juillet 2020- Compte-tenu des circonstances, la jauge maximale est de 100 personnes simultanément pour les visites y compris le personnel d’accueil et surveillance.Picasso sur la plage de l’Hotel Gonnet et de la Reine à Cannes. 21 août 1965. Photo Lucien ClerguePetite biographie balnéaire, foncière et artistique, sentimentale et passionnée 1881 Naissance de Pablo Picasso à Málaga (Espagne)1892 – 1894 Il étudie aux Beaux-Arts de La Corogne et de Barcelone.1897 Passage à l’Académie San Fernando à Madrid, visites au musée du Prado, où il copie les grands maîtres. À Barcelone, fréquente le cabaret El 4 Gats où il présente sa première exposition en 1900.Pablo Picasso et Fernande Olivier à Montmartre- 1900 Premier séjour à Paris avec son ami peintre Carlos Casagemas.1901 Suicide de Casagemas en février. Au cours de l’été, début de la « période bleue ».1902 Il rencontre l’artiste Julio González.1904 Installation définitive àParis, sur la butte Montmartre. Il rencontre le modèle Fernande Olivier, qui devient sa compagne.1905 Au Salon d’Automne (Paris), il est impressionné par la rétrospective Manet et le Bain turc d’Ingres, et admire les peintres Fauves.1906 Picasso découvre la sculpture ibérique au Louvre et visite la rétrospective Gauguin.1907 Il peint Les Demoiselles d’Avignon.Son intérêt pour l’art extra-occidental se poursuit. L’importance pour Georges Braque
et Picasso de l’œuvre de Cézanne marque le début de leurs réflexions sur le cubisme. Picasso peint à l’automne la série des Baigneuses dites « dans la forêt ».1910 À l’été, Picasso et Fernande Olivier voyagent avec le peintre André Derain et sa femme à Barceloneet Cadaquès (Espagne).1911–1912 Il passe ses étés à Céret (Pyrénées- Orientales) avec Fernande Olivier puis, après leur séparation, avec Eva Gouel, sa compagne jusqu’à son décès en 1915. Braque se joint à eux.1915 Il rencontre le poète Jean Cocteau, qui devient un ami proche et avec qui il collabore pour les Ballets Russes jusqu’en 1924.Pablo Picasso et Olga Khokhlova- 1917 Il rencontre à Rome Olga Khokhlova, danseuse pour les Ballets Russes.1918 Picasso et Olga Khokhlova se marient le 12 juillet 1918. Ils séjournent à Biarritz, à la villa La Mimoseraie. Il y peint une série de Baigneuses et un décor mural inspiré par Puvis de Chavannes et Ingres.1920 Il passe l’été à Saint-Raphaël. Le thème de la Baigneuse occupe une grande partie de sa production.1921 Le 4 février naît Paul, son ls aîné.1922 La famille Picasso passe l’été à Dinard (Bretagne). Il peint Deux femmes courant sur la plage (La Course).1923 À l’été, la famille retourne dans le Midi, au Cap d’Antibes. La plage de la Garoupe est au centre des activités, entre jeux de plage et fêtes auxquelles se joignent des amis de passage.1924 à 1926 Les étés se déroulent à Juan-les-Pins. Il investit les dépendances ou les garages des maisons où il loge pour peindre. Il réalise de nombreux carnets.Pablo Picasso et Marie-Thérèse Walter- 1927 En janvier, il rencontre Marie-Thérèse Walter, alors âgée de 17 ans, qui devient son amante. Il passe l’été avec Olga et leur fils à Cannes.Étés 1928 et 1929 Nouvelles vacances familiales à Dinard. Marie-Thérèse Walter est présente, en secret, logée dans une pension de jeunes lles.1930 Il achète le château de Boisgeloup près de Gisors, où il installe un atelier de sculpture.Étés 1930 et 1931 À Juan-les-Pins, il réalise une série de tableaux de sable. Il reçoit la visite de Braque et González, du marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler et du critique d’art Christian Zervos.1935 En juin, Picasso et Olga se séparent, sans divorcer. Le 5 septembre, Marie-Thérèse Walter donne naissance à Maria de la Conception, surnommée Maya.Pablo Picasso avec Dora Maar- 1936 Rencontre avec la photographe Dora Maar, proche du cercle surréaliste. Au printemps,la famille Picasso est à Juan-les-Pins. En août, les amants Picasso et Dora Maar se retrouvent sur la côte d’Azur, dans la pension Vaste horizon à Mougins. Ils accueillent des amis de passage : Yvonne et Christian Zervos, Valentine et Roland Penrose, Man Ray et Ady Fidelin, Paul Rosenberg, René Char, Cécile, Nusch et Paul Éluard.1937 Reprise du motif de la Baigneuse avec une série de trois toiles monumentales réalisées entre le 10 et le 18 février.De mai à juin, il réalise Guernica.Été 1937 Dora Maar et Picasso retournent à Mougins, où ils retrouvent leurs amis artistes : Man Ray, Roland Penrose, Lee Miller, Nusch et Paul Éluard (qui reviendront l’été suivant).1939 Dernier séjour sur la Côte d’Azur de Picasso et Dora Maar jusqu’à la fin de la guerre, dans l’atelier deMan Ray au Palace Albert Ier.1940 En janvier, il aménage un atelier dans la villa Les Voiliers, à Royan (Charente-Maritime). Puis il reste à Paris jusqu’à la fin de l’Occupation.Pablo Picasso et Françoise Gilot- 1943 Il rencontre l’artiste Françoise Gilot, âgée de 21 ans, qui devient sa compagne. Il continue à voir Dora Maar jusqu’en 1946.1945 En juillet, retour au Cap d’Antibes avec Dora Maar. Françoise Gilot est en Bretagne.1946 En juillet, Picasso et Françoise Gilot se rendent à Ménerbes puis au Cap d’Antibes. À partir d’août, ils vivent dans la villa Pour Toi, sur le port de Golfe-Juan. D’août à novembre, ils répondent à l’invitation dumusée d’Antibes, faisant d’une de ses salles leur atelier.1947 Naissance du premier enfant de Françoise Gilot et Picasso, Claude, le 15 mai. La famille s’installe à Golfe-Juan en juin. Dès août, il entame sa collaboration avec les céramistes de Vallauris.1948 À l’été, la famille Picasso s’installe à Vallauris dans la villa La Galloise.1949 Le 19 avril, naissance de Paloma, deuxième enfant de Françoise Gilot et Picasso. Au printemps, il achète les ateliers du Fournas à Vallauris.1951 Après plusieurs séjours à Paris et à l’étranger, retour à Vallauris pour l’été. Geneviève Laporte le photographie sur la plage à Saint-Tropez.1953 Du 1er juillet au 27 septembre, grande rétrospective de son œuvre au musée des Beaux-Arts de Lyon. Été à Vallauris avec Françoise Gilot et séjour à Perpignan avec ses enfants en août. Françoise Gilot le quitte à l’hiver.Pablo Picasso et Jacqueline Roque- 1954 En juin, à Vallauris, il se lie à Jacqueline Roque.1955 Décès d’Olga Picasso le 11 février. Il achète à Cannes la villa La Californie, où il s’installe avec Jacqueline Roque.1956 Au mois de mai, le film de Clouzot, Le Mystère Picasso, remporte un vif succès au Festival de Cannes. À l’été, il réalise l’ensemble sculpté des Baigneurs. David Douglas Duncan signe un reportage photographique sur l’activité créative et familiale à l’atelier de La Californie.1958 Il acquiert le château de Vauvenargues, au pied de la montagne Sainte-Victoire, à proximité d’Aix-en-Provence.1959 Il passe l’été à La Californie. Au mois d’août, il commence un projet de grande ampleur autour du Déjeuner sur l’herbe de Manet.1961 Le 2 mars, Picasso et Jacqueline Roque se marient à Vallauris. En juin, il inaugure une nouvelle résidence à Mougins, le mas Notre-Dame-de-Vie. Le 25 octobre, il célèbre ses 80 ans.1966 En novembre, exposition Hommage à Picasso, au Grand et au Petit Palais (Paris), première rétrospective en France dans un musée national, inaugurée par André Malraux.Après 1966 Picasso continue à créer activement jusqu’à sa mort, le 8 avril 1973 à Mougins.