Amande est à la veille de ses trente ans ce 21 juin, jour de la fête de la musique. On sonne, elle va ouvrir et l’enfer entre dans son monde : Benjamin, son mari, l’homme de sa vie vient de se tuer dans un accident de moto. Sous le choc, elle a des contractions et elle accouche, à six mois, avec un tel stress que sa petite fille Manon ne peut être réanimée.
C’est pourquoi, passé le premier choc, elle fuit Lyon pour se réfugier dans une petite maison isolée au fin fond de l’Auvergne, au milieu de nulle part. Elle ne bouge pas, vit totalement close, volets fermés. Or un peu par hasard, elle tombe sur les calendriers de l’ancienne propriétaire, madame Hugues. Ils sont remplis d’annotations manuscrites allant de recettes de cuisine à l’art d’entretenir le jardin.
Petit à petit, elle, l’urbaine qui n’a jamais eu un carré de verdure dans son univers, va redonner vie au jardin d’agrément et au potager, abandonnés. D’abord ce vrai retour à la terre va lui permettre lentement, progressivement, de retrouver foi dans l’avenir, comprenant que le cycle de la vie ne s’arrête jamais, que la nature est là pour lui offrir ses richesses si on sait correctement s’occuper d’elle. L’arrivée du premier chou est un vrai triomphe, un rare moment de joie et de fierté.
Or dés le début de son deuil elle a été aidée, soutenue par ses beau-parents et leur fils. En fait en recommençant à sortir, elle ouvre son cœur, son univers aux autres. Cela commence par accepter qu’un chat (alors qu’elle en avait la phobie) décide de l’adopter et de s’installer dans la maison. C’est aussi accepter que Mika, un jeune dont son mari s’occupait dans la MJC où il était animateur, vienne lui rendre visite, c’est Julie, la fille de l’ancien propriétaire avec qui elle lie de vrais liens d’amitié.
Aussi se crée-t-elle, pour sortir de sa prison morale, des rites, en rapport avec la nature. Ainsi en s’intégrant dans cet univers qui lui est totalement inconnu, elle se crée un monde qui lui est propre et qu’elle arrive à faire partager avec son entourage. D’ailleurs, elle s’étonne, s’émerveille, que ses proches non seulement adhèrent à sa démarche, mais en plus la font évoluer. De même comme ses rites évoluent, elle aussi évolue et une nouvelle vie, qui trouve ses racines dans son passé, s’ouvre à elle.
Pour ce qui me concerne, le dernier livre que j’ai lu pour Wukali, Accidents, portait sur le deuil d’une jeune femme et sur le processus de résilience qui lui permet de retrouver goût à la vie. Par le plus grand des hasards, celui-ci porte exactement sur la même problématique. Variations sur un même thème, avec une constante : l’Amour. À bien considérer les choses c’est la mort de l’être aimé qui est le début de ces histoires.
Mais si dans Accidents, c’est un nouvel Amour, portant sur une personne physique, dans Les lendemains, il n’en est pas de même. La résilience passe par une acceptation totale de la disparition de l’autre sans essayer de trouver une personne de substitution. Partant de là la résilience, dans ce cas de figure, passe par l’acceptation du départ de l’autre et par la découverte d’un autre univers, d’une autre partie de sa personnalité profonde qui ne s’était jamais exprimée. Effectivement, la résilience passe non par une sorte de reproduction du passé, mais par la création d’un nouvel univers. Ici, cet univers passe par une compréhension, une harmonie avec la nature, la nature qui suit son cycle fait de mort et de renaissance : l’une étant la conséquence de l’autre. En conséquence, ce cycle est parfaitement intemporel et, semble nous dire Mélissa Da Costa, l’avenir de l’homme est d’accepter de suivre son rythme.
Somme toute, voici un livre porteur d’un grand optimiste tout en étant d’un parfait réalisme. On est loin d’une certaine idéologie écolo-naïve, et ça fait du bien en ces jours de crise.
Les lendemains
Mélissa Da Costa
éditions Albin Michel. 17€90. Kindle 11€99
