Quand en janvier 2019 le monde entier apprit que la Chine avait réussi à envoyer un engin spatial pour photographier la face cachée de la Lune, ce fut plus qu’une surprise mais une révélation stupéfiante démontrant l’avancée spectaculaire de la Chine dans le domaine de l’espace. L’affrontement de puissance entre la Chine et les USA engagé déja dans la conquête spatiale et depuis plusieurs années pencha ce jour là du côté chinois. Un jeu alterné de Go entre les deux grandes puissances. Aux rivalités multiformes qui opposent Pékin à Washington, venait de s’ajouter une rivalité technologique et scientifique de premier plan. Une méthodologie subtilement agencée avec le concours de plusieurs satellites placés en orbite pour retransmettre vers la Terre les images prises par le rover Yutu-2 ( traduction: Lapin de jade 2 )
Déjà en janvier 2007 les services de renseignement américains avaient été stupéfaits ( et c’est le moins que l’on puisse dire) quand ils découvrirent que les Chinois avaient réussi, lors d’un essai balistique, à détruire un de leurs satellites choisi pour cible et usant d’une technologie laser à ce jour quasiment unique. Il semblerait même qu’un satellite américain fut aussi « illuminé »par un laser chinois. Cela en effet eut pour incidence directe un questionnement sur les stratégies de défense spatiale et de sécurité indispensables tant au point de vue de la détection comme du guidage des navires ou des aéronefs ainsi que des missiles notamment. D’un coup la fragilité stratégique américaine en prit un coup et l’ US Navy s’inquiéta.
À cet égard et pour l’année qui court, le programme de missions engagées par la Chine est considérable, on serait à l’étudier, tenté de dire qu’il parait effréné, une « Longue Marche » en avant en reprenant à la fois ce temps de la conquête du pouvoir par Mao et célébré par le Parti communiste chinois ainsi que celui servant de nom ipso facto aux fusées vectrices.
Il se distingue notamment en trois types de mission : des satellites géostationnaires d’observation de l’espace, l’exploration de la lune avec les missions Chang’e 5 et la mise au point de différents type de lanceurs du type des Jielong (Petit dragon), et surtout des vecteurs Longue Marche 5B , Longue Marche 7A, Longue Marche 8. Pas moins de 40 lancements sont annoncés pour 2020.
Quel est le budget alloué à la défense spatiale chinoise
Bien malin qui pourrait le dire, et les chiffres qui pourraient être avancés ne seraient que de fragiles spéculations peu fiables qu’ils proviennent des autorités de Pékin ou des services de renseignement américains. A lire la littérature spécialisée sur les questions de défense, le budget de la défense US dans ce domaine est plus du double que celui de la Chine, la Russie arrivant en troisième position suivi par l’Inde.
$19.5 billion pour les USA) Nasa, $11 billion pour la Chine (CNSA), Russie $3.3 billion (Roscosmos). Rappelons qu’un billion$ =1000 milliards de dollars.
La comparaison au demeurant ne peut avoir d’intérêt que pour ce qui concerne le monde du renseignement lui-même au plan interne inclusivement, et nullement en termes économiques, les horizons politiques et stratégiques étant totalement disjoints, voire antithétiques entre la Chine et les autres compétiteurs.
Ainsi l’objectif de la Chine en ce domaine ( comme pour d’autres il convient de le souligner notamment en économie), est de devenir la première puissance spatiale à l’horizon 2030. Observons que la recherche spatiale est aujourd’hui comme pour demain plus que jamais, l’un des vecteurs du dynamisme dans le domaine de la recherche et de l’industrie et de la politique de puissance du pays qui la met en oeuvre ( notamment dans le champ diplomatique). C’est même aujourd’hui, et cela compte, une source de fierté, une reviviscence de l’image d’un pays qui se pose comme modèle, autrement dit un outil impérial de communication et d’influence. L’industrie spatiale a du poids. Il faut savoir qu’en Chine existe à côté des centres de recherche d’état un tissu d’entreprises privées du domaine spatial même si les fluctuations des uns envers les autres sont souvent bien ténues comme il est de règle sous la férule du parti communiste chinois. Il en est de meme au demeurant aux USA avec la société privée SpaceX créée par Elon Musk
Dores et déjà l’Agence nationale chinoise de l’espace CNSA, 中国国家航天局) travaille sur une station orbitale ( Tiangong 天宫 traduction: Palais céleste, objectif 2022) et certains pays d’Europe, de l’ouest du continent comme de l’est, considèrent avec le plus grand intérêt les coopérations qui pourraient être menées.
Selon la China Manned Space Agency, « la station spatiale initiale pèsera environ 66 tonnes, soit environ un septième de la masse de l’ISS, et il aura un certain nombre de supports de charge utile disponibles pour une utilisation par des partenaires étrangers. La station spatiale, qui devait initialement comprendre un module principal et deux modules expérimentaux, accueillera de trois à six taikonautes pour des intervalles allant jusqu’à trois à six mois et aura une durée de vie d’au moins dix ans. Tianhe-1, le module de base de 20 tonnes métriques de la station spatiale devrait actuellement être lancé en 2020 sur un LM-5B.69 Deux modules scientifiques devraient être lancés d’ici la fin de 2022, ce qui achèvera la station, et la station spatiale aura le potentiel d’expansion. Yang Hong, concepteur en chef de l’installation en orbite, a déclaré en octobre 2018 que la station pouvait accueillir jusqu’à trois modules supplémentaires, augmentant finalement sa masse totale à 160-180 tonnes métriques. »
Mars la nouvelle frontière
Par ailleurs la Chine prévoit de lancer un vaisseau spatial vers Mars entre le 25 juillet et le 13 août de cette année 2020. Rappelons pour avoir bien en tête l’exploit, que la distance entre Mars et la Terre fluctue selon les positionnements sur des orbites différents de la Terre et de Mars soit entre 54.6 millions de kilomètres au moins et 401 millions de kilomètres au plus. Il ne faudra pas moins de 7 mois de voyage!
Si la pandémie liée au Coronavirus covid 19 ne perturbe pas trop les travaux de recherches internationaux, ce devrait même être une bousculade entre pays pour arriver sur la « planète rouge ». En d’autres termes il y aura du monde au postillon car les fenêtres de tir optimum vers Mars ( Moindre distance due au positionnement en ellipse sur des orbites différentes) ne revient que tous les 26 mois.
A ce jour seuls, les États-Unis, la Russie, l’Agence spatiale Européenne, l’Inde et Israël s’inscrivent dans cette démarche.
Au fil de ces lignes nous avons pu appréhender sur le sujet du spatial l’importance de la recherche scientifique dans le concert des nations. Gageons en lucidité que l’intelligence partagée saura prévaloir et que les ambitions de puissance avec ce qu’elles portent ici ou là de menaces sauront s’apaiser.
Confions à une chercheuse américaine, Jessica L. Martin, Assistante de recherche à l’Institut des Études Chine -Amérique à Washington (DC), le soin de conclure cet article :
« ll n’y a pas de solutions parfaites dans les relations internationales. Quel que soit le statut des relations, les protocoles de défense nationale limités à l’isolement et à la punition sont des bombes à retardement destinées à semer le trouble dans le futur. Ces conséquences peuvent encore être atténuées en appliquant une perspective holistique et coopérative dans la politique spatiale. Par conséquent, l’objectif des relations américano-chinoises dans le domaine spatial doit être de trouver une solution qui fonctionne vers l’objectif à long terme en vue d’établir des accords à l’amiable entre la Chine et les États-Unis. Des changements tactiques, incrémentiels et des mains tendues peuvent s’avérer constituer un point de départ et des compromis qui devront être faits des deux côtés. Appliquées parallèlement à des mesures de sécurité délibérées, ces mesures tactiques pourraient atténuer la menace posée par le programme spatial chinois tout en maintenant le récit des progrès de la coopération dans le domaine spatial. Des vagues de changement se profilent à l’horizon et la position de domination spatiale américaine dépendra de la manière dont la politique spatiale américaine sera gérée au cours des 4 à 10 prochaines années. »
Illustration de l’entête: vue d‘artiste représentant la station orbitale Tiangong