Après ce déconfinement, l’Hôtel de Caumont à Aix en Provence nous invite à la lumière avec une exposition consacrée au peintre impressionniste espagnol Joaquin Sorolla (1863-1923), et ce du 10 juillet au 1er novembre.
Découvrir la peinture de Joaquin Sorolla, s’imerger dans ses oeuvres, un choix esthétique, une émotion. Il s’agit d’une exposition coup de cœur. Un évènement jubilatoire de celui que l’on considèrera comme le plus grand « Impressionniste espagnol », un terme que l’artiste rejettera, du reste. Et pourtant, Monet lui même le décrira comme le « Maitre de la lumière », nous confie María López Fernández, commissaire de l’exposition.
De toute évidence, l’artiste de Valence travaille à la manière des Impressionnistes : les sujets en plein air, les thèmes de la famille, la quête de la lumière dans des « instantanés », des toiles au cadrage très novateur aussi, elles même influencées par les techniques de la photographie dont il se sentira proche. N’a t- il pas épousé la fille de son ami Antonio Garcia, photographe de renom ? La photographie fait partie de sa vie.
Indubitablement, il y a également du Goya et du Velázquez chez Sorolla, des influences manifestes notamment dans les portraits qu’il réalise. « Chez nous, en Espagne, il est connu comme le grand peintre de la Méditerranée, un peintre bien ancré dans la tradition espagnole, qui a su adapter son art à la modernité, » dira encore María López Fernández.
La première exposition de Sorolla en France a été organisée à la galerie Georges Petit à Paris en 1906. Un bel hommage lui fut rendu à Giverny en 2016, au musée des Impressionnistes tout près de la maison et des jardins de Monet qu’il admirait.
Et cette exposition de Caumont manquait en cet été de disette culturelle. C’est une chance qu’elle ait pu être maintenue.
Un conte de fée…!
On s’attache à son histoire, celle d’un jeune orphelin pauvre qui fera fortune. Une fortune et une réussite méritées. « Le caractère infatigable, quasi obsessionnel de son travail, nous permet d’analyser la manière dont Sorolla a élaboré son style le plus personnel qui l’a conduit à la célébrité, nous confiera encore María López Fernández.
En Espagne il est aussi célèbre que Beyoncé ! Sorolla voulait devenir un peintre international. Bon début à Paris pour l’artiste. Une œuvre sera acquise par l’état et exposée au musée du Luxembourg , précise l’historienne d’art. Il gagnera plusieurs prix, dont le grand prix de l’exposition universelle de 1900. Il sera millionnaire, mais dépensera tout son argent pour la famille, pour l’éducation des siens, pour offrir des voyages… et il construira aussi une superbe maison à Madrid, son atelier, et rêvera déjà à l’époque, d’y installer son futur musée.
Un lieu pour ceux qui ont eu la chance de le visiter la maison du peintre. Tout l’univers du peintre se trouve rassemblé là et on entre littéralement dans l’intimité de cet artiste infatigable. Une maison qui lui ressemble, surprenante, tellement chaleureuse. Il faut traverser un joli jardin pour y accéder.
Et les jardins de Sorolla, la commissaire de l’exposition María López Fernández les connaît bien. Elle qui a rédigé de nombreux catalogues de l’œuvre de Sorolla et a assuré le commissariat de plusieurs expositions « Sorolla jardin de lumière, Sorolla un jardin à peindre, et bien d’autres encore…
Des thèmes à rêver qui s’éloignent peu à peu du naturalisme : marines, bateaux, barques de pêcheurs, enfants qui jouent dans l’eau, bain sur la plage, lumière et reflets, famille, à travers d’incroyables perspectives qui mettent en relief l’ombre et la lumière.
On s’attarde « Sur le sable, plage de Zarautz » : à vrai dire la famille est au complet, il n’y a pas de place pour nous tant le cadrage est serré. Et pourtant, on entre dans l’intimité de cette scène paisible. Des femmes cousent ou lisent, des enfants sont sagement assis près d’elles. Certains portent un chapeau de paille pour se protéger du soleil que l’on sent chaud et aveuglant. Il y a beaucoup de femmes dans l’œuvre de l’artiste, car la femme est le personnage principal qu’il sublime avec bonheur. Il les a toutes croquées. En pole position Clotilde, son épouse, qu’il adorait. « Des lettres témoignent de cet amour sans faille », confirme María López Fernández, qui ajoute avec humour, qu’il peindra sa famille et notamment sa femme, bien plus belle qu’elle n’était. Il a aimé sa femme toute sa vie.
Le peintre éprouve une profonde ferveur envers celui qu’il étudiera tout au long de sa vie : Velázquez. Ci-dessus un hommage au Maître, à travers « Les Ménines ».On découvre aussi une photo du beau-père de Sorolla, Antonio Garcia, réalisée à la même époque.
Au fonde des choses, y a-t-il de l’insouciance ou du bien-être dans le regard de Sorolla, dans sa peinture de la fin du 19ème et du début du 20ème siècle ? Pas toujours. Même si l’on découvre ici une exposition joyeuse et positive, un hymne à la vie, où lumière et couleurs, essentielles à sont travail, se propagent dans toutes les salles. Cette quête de la lumière, tous les peintres la recherchent. Beaucoup la trouvent. A chacun la sienne dirons-nous.
Et celle de Sorolla nous ensorcelle. La lumière seule est-elle à l’origine de notre éblouissement ? Non, il y a autre chose derrière. Des sensations quasi-physiques, intenses, car derrière le « luministe », il y a l’émotion du peintre devant les sujets qu’il chérit. Des états d’esprits, des sentiments profonds, du mari aimant, du papa, de l’amoureux de la nature qu’il nous offre en partage. L’artiste n’a pas son pareil pour s’attarder sur des reflets dans l’eau et nous donner envie de nous plonger tout entier dedans. Il nous prend une soudaine une envie de plage, de bains, de contemplation. « Rien n’est immobile dans ce qui nous entoure » , écrit-il. La mer se crispe à chaque moment, les nuages se déforment en se déplaçant(…). Mais même si tout était pétrifié et fixe, il suffirait que le soleil bouge, comme il fait sans cesse, pour donner un effet différent aux choses »… il faut peindre vite, pour ne rein perdre de ce qu’il y a de fugace, qu’on ne retrouvera plus ! »
Qui plus est, ce que l’on aime encore dans cette exposition, c’est découvrir les dessins de l’artiste, des œuvres rarement exposées. Des œuvres totales, indépendantes, et en aucun cas préparatoires aux grands formats. « Elles sont bien sûr en relation avec les toiles majeures, mais c’est surtout une façon de s’approprier les couleurs et le paysage, le sujet », précise la commissaire de l’exposition. On découvre encore de formidables esquisses d’enfants. Tout paraît facile et spontané. « Des milliers de feuilles témoignent du travail de ces études d’enfants de tout âge courant et sautant sur la plage. » Etudes anatomique, études de mouvement, tout est passé au crible de son regard expert et curieux. Il commentait lui même : Je viens d’arriver, je suis en train de faire mes vocalises »
Il devait se « chauffer » en quelque sorte avec réalisant les esquisses. Ses croquis et études lui permettent d’appréhender ses toiles avec la fraicheur d’une esquisse, dira la commissaire de l’exposition.
Quoiqu’il en soit, l’artiste se confiait : « Mes études en plein air ne supportent pas une longue exécution. Je sens bien que si je devais peindre lentement, je ne pourrais pas peindre du tout ».
Une étude d’une maman et de son bébé parfaite. « C’est maintenant que ma main obéit complétement à ma rétine et à mes émotions »
Ces vues de plage en témoignent.
« Chaque fois que cela est possible, je peins les choses là où elles sont et les gens dans leur milieu, dans leur environnement ; c’est la seule façon de les faire apparaître tels qu’ils sont vraiment dans un tableau, de façon naturelle et intime plutôt que comme s’ils se trouvaient dans un cadre artificiel. »
Exposition Joaquin Sorolla
Lumières espagnoles
Hôtel de Caumont – Centre d’Art
3 rue Joseph Cabassol. 13100 Aix-en-Provence
Le Café Caumont vous accueille depuis le 10 juin.
Afin de garantir votre sécurité, des modalités spéciales de visites sont prévues. En savoir plus