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Sublime Dali, envoûtant Gaudi aux Carrières des Lumières

par Pétra Wauters

Dali, l’énigme sans fin, 
un voyage hors du temps suivi d’un concert


L’aspect gigantesque du lieu se prête à merveille à cet univers étrange et lumineux du peintre catalan. Les Carrières de Lumières, ce magnifique sanctuaire de calcaire, nous invite comme chaque année à une immersion complète dans des œuvres d’art. Mais voilà, à peine l’exposition immersive débutait-elle, que les lumières ont du s’éteindre, laissant Salvador Dali et Antonio Gaudi dans l’obscurité. Le confinement est passé par là, et ses deux mois de  vide culturel ne se rattraperont jamais.  Mais l’essentiel n’est-il pas que ces deux géants soient de nouveau réunis ? Le public est ravi. « C’était assez dramatique de fermer six jours après avoir ouvert ! Mais la reprise est très positive et va crescendo.  Nous recevons surtout des visiteurs locaux car nous avons une grosse fréquentation régionale,  mais il y a aussi des amateurs du site qui viennent de toute la France. Malheureusement, nous n’accueillons que très peu de touristes étrangers cette année, même si nous avons quand même pas mal de visiteurs allemands et belges », confie Etienne Devic, le directeur des Carrières, heureux de voir l’émotion  se créer à chaque exposition.  

© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, ADAGP 2020 © Culturespaces / E. Spiller

Côtés mesures sanitaires, on n’échappe pas au port du masque, à la prise de température à l’entrée, au respect des gestes barrières et à la mise à disposition de gel sur tout le parcours. L’équipe des Carrières est heureuse que tout cela soit bien accepté. « Les gens ont compris, et cela ne pose pas de problème. Les créneaux de réservation mis en place permettent de bien anticiper les visites ».   

Dalí, l’énigme sans fin revient sur plus de 60 années créatrices du maître catalan qui a parcouru et inventé plusieurs styles artistiques. Il y avait matière à s’amuser, car on imagine que cette nouvelle création de Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Siccardi s’est faite dans la joie et la bonne humeur ! Elle n’était sans doute pas facile à réaliser car justement, il a fallu tout reconstruire de l’itinéraire de l’artiste, de ses courts débuts impressionnistes, en passant par le cubisme, puis ses aventures mystiques aux thématiques religieuses pour arriver à sa période surréaliste auquel on l’associe le plus souvent.  Il ne fallait pas oublier de présenter ses rapports à la scène, à la photographie et au cinéma. Cette exposition immersive donne le tournis mais aussi « la bonne humeur ». 

Les œuvres du surréaliste se découvrent en musique et autant vous dire l’univers des Pink Floyd colle parfaitement à l’ambiance….. One of These Days » (1971), Another Brick in The Wall » (1979), et d’autres tubes mondiaux comme « The Dark Side of the Moon »accompagnent notre promenade  dans ces paysages surréalistes et métaphysiques. 

Olécio partenaire de Wukali

En effet,  quoi de mieux que ces légendes du rock stratosphérique pour créer quelques frissons supplémentaires. L’émotion viendra aussi des œuvres elles-mêmes, de toutes ces peintures, de ces dessins, photographies, sculptures, gravures, films et images d’archives qui nous rappellent la personnalité unique du peintre. On peut ne pas tout aimer de ce personnage à la célèbre moustache, mais on ne peut que reconnaître son génie.  Ses obsessions pour l’étrange et le surnaturel, sont au final tout aussi fascinantes, sinon plus, ainsi exposées sur les grands murs des carrières. On ne présente plus Gala, sa muse. Elle l’accompagne aussi. On aime particulièrement les tableaux où il présente sa bien-aimée. On redécouvre encore quelques œuvres emblématiques, comme « les Montres au Visage de Mae West », ou encore « la Tentation de Saint Antoine. » 

« Gaudí, architecte de l’imaginaire »

Il est tout aussi fascinant, dans un autre registre « Gaudí, architecte de l’imaginaire», un spectacle court spécialement conçu pour les Carrières de Lumières. Gaudi  fut assurément une source d’inspiration pour Dali et les deux personnalités, très fantasques, auraient sans doute aimé être associées. Nous avons adoré cet hommage à ce génial architecte, dont les œuvres ont été décriées dans un premier temps, pour devenir quelques années plus tard, des bâtiments uniques, classés au Patrimoine mondial de l’UNESCO. 

On parle bien sûr du Parc Güell mais aussi de la Casa Batlló sans oublier la  Casa Milà et enfin, l’incroyable Sagrada Família.

Gaudi. Carrière des Lumières. ADAGP 2020 © Culturespaces / E. Spiller

Comment rendre sur les murs droits des carrières les formes de ces voûtes hyperboliques, de ces façades ondulées, de ces structures qui émergent du sol comme des arbres, de ces ornements dentelés et ces décorations en mosaïques…toutes ces courbes sinueuses qui font de lui le plus expressif des architectes de l’époque moderne ? Pari réussi, les carrières ont absorbé l’architecture de Gaudi. Elles sont architecturées Gaudi. Sur la musique de Gershwin, là encore, quel choix pertinent, soudain, une ville se forme. Ce n’est pas tout à fait Barcelone, mais cela y ressemble, forcément. La lumière, les mosaïques, mettent en relief, la création du génial architecte catalan. 

Un autre événement, Dali et la musique

Il s’agit d’un spectacle musical d’1h20, donné par l’Ensemble Calliopée. Ce concert est  ponctué de commentaires et d’anecdotes. Un moment musical inédit et original conçu sous la direction artistique de la charismatique Karine Lethiec et que l’on doitaussi à Etienne Devic : « Nous nous sommes rencontrés l’année dernière à une « intégrale » des Carrières. Nous parlions de la programmation à venir avec l’ensemble Calliopée et l’association entre Dali et la musique nous a semblé évidente, d’autant plus que Karine Lethiec connaissaitCaroline Barbier de Reulle, une  musicienne et chercheuse spécialisée dans les liens entre Dalí et la musique. On voit, au fil de la conférence, qu’il a été inspiré par la musique et qu’il y a de nombreux liens qui se sont créés entre les artistes. » 

© Salvador Dalí, Fundació Gala-Salvador Dalí, ADAGP 2020 Photos by Philippe Halsman/Magnum © Halsman Archive © Culturespaces / E. Spiller

Une belle soirée découverte, autour d’un répertoire original, qui a  permis d’apporter quelques clés de lecture à la visite. « Le public qui a écouté la conférence concert pose un regard plus averti sur l’énigme Dali.  Je ne suis pas un expert du son, mais tous les musiciens ont trouvé que l’acoustique est exceptionnelle ». Ont joué ce soir là : Marina Chiche : violon ; Karine Lethiec : alto ; Florent Audibert : violoncelle ; Dana Ciocarlie : piano. 

Caroline Barbier de Reulle, musicienne, musicologue, spécialisée dans les liens entre Dali et la musique. 
Dans ce programme musical, le public part en voyage.

Première halte en Catalogne avec Gaspar Cassado,
avec son Requiebros pour violoncelle et piano, et on le sent bien, dès les premières notes, nous sommes en bonne compagnie, les musiciens nous enchantent dans ce répertoire qu’ils connaissent très bien. De plus, les commentaires très judicieux et pertinents de Caroline Barbier de Reullenous permettent de mieux saisir la richesse de ce Requiebros qui figure sans doute dans les plus beaux morceaux du répertoire pour violoncelle.  

On file ensuite pour Madrid – Amitié avec García Lorca.  
Amour impossible… où est la vérité Francis Poulenc avec Sonate pour violon et piano (dédiée à Federico García Lorca) / Allegro con fuocoUne œuvre hommage, puisqu’il est question de la mort du poète, exécuté par les franquistes. On peut ne pas être convaincu par ce Poulenc taciturne, mais l’interprétation est ce soir là de  tout premier ordre. On comprend l’intérêt de proposer cette œuvre pour continuer le voyage. Et puis le grand Yehudi Menuhin a joué cette sonate, excusez du peu ! 

Un petit tour par Paris – Surréalisme  Erik Satie
 Morceaux en forme de poire pour piano 4 mains / N°1 Manière de commencement, voyez comme le titre déjà est baroque ! C’est un choix pertinent que d’offrir au public cette figure de proue de l’Avant-Garde. On n’oublie pas son attachement au «  Groupe des Six » ou encore à  l’ École d’Arcueil. Satie aussi a pris des itinéraires surprenants, imprévus dans sa musique, une musique bien sentie par l’ensemble des musiciens. Le titre est drôle, une « pique » lancée à Debussy qui lui demandait de s’intéresser à la forme de ces œuvres. Ainsi donc, le morceau est moins comique qu’il n’y paraît.. Il y a une invitation à la rêverie dans cette interprétation mystérieuse. On peut lui préférer les Gymnopédies, d’une pureté et d’une beauté intemporelle, mais ainsi jouée, cette « Manière de commencement », nous donne envie d’écouter… les sept autres morceaux qui composent cette œuvre.

Bohuslav Martinů
Madrigaux pour violon et alto / Poco allegro ; encore une superbe musique, d’une belle évidence pour les musiciens de Calliopée. Merci à eux de nous la faire re-découvrir  car effectivement cette œuvre est trop peu connue du public et pourtant malgré sa complexité elle offre de magnifiques sonorités. Les madrigaux vocaux de cet auteur sont tout aussi sublimes et mériteraient également une place de choix dans les concerts. 

Influence de Richard Wagner
L’art total  avec Richard Wagner, La mort d’Isolde, arr. Alfred Pringsheim pour trio avec piano. C’est le Wagner que l’on aime, on retrouve toute la force et l’intensité de ce drame musical  dans cette interprétation.                                                      

Un petit saut à New York avec des rencontres artistiques, qui elles aussi surprennent et séduisent.                                                                                                                            Leonardo BaladaDiary of dreams pour violon, violoncelle et piano (1995) – extrait.

L’Ensemble Calliopée en répétition. @Pétra Wauters-Wukali


Rêves et inconscient
Robert Schumann, Quatuoravec piano op. 47 / Andante Cantabile. Encore une interprétation qui coule de source. On ne peut qu’admirer cette virtuosité paisible, et on craque littéralement pour ce contre-chant  au piano, dans cette Andante mélodiquement enchanteur, et surprenant parfois dans sa structure. 

Et pour finir, un hommage à Dali
Benoît Menut¡MúsicăDalĭ! Une décomposition paroxysticométaphysicoanamorphique, en hommage respectueux au génie Salvador Dali, mélodrame pittoresque pour récitante, chantante et dansante, trio à cordes et piano (2020)

Voilà une proposition là encore surprenante, mais le public a suivi cette « décomposition » sans se décomposer, bien au contraire. L’énigme Dali et ce concert l’ont encouragé à emprunter des chemins quelque peu aventureux !  Il s’agit d’une Création mondiale / Commande de l’Ensemble Calliopée, 

« Calliopée qui vient de Calliope » explique Karine Lethiecla muse de la poésiequi aime raconter des histoires. C’est merveilleux d’emmener le public ailleurs. J’aime bien m’associer aux gens, il est rare que je « navigue » seule, confie la directrice artistique du groupe. et avec Caroline, on a beaucoup de chance ; C’est une femme musicologue doublée d’une artiste qui sait partager avec les autres avec passion,  et la forme du concert s’enrichit ainsi. De plus, dans ce cadre, c’est extraordinaire. Quand on pense qu’au départ, c’est un lieu que la nature a fabriqué, Des hommes sont « partis » d’en haut des Carrières pour creuser la pierre ;  ils sont descendus progressivement sans idée préconçue de ce que cela allait donner… et il en sort quelque chose d’extraordinaire. 

En résonance avec l’exposition immersive, le Château des Baux-de-Provence présente pour la première fois en France et à travers une trentaine de photographies en grand format, la vie trépidante de Gala, figure majeure de l’art moderne

Dali, l’énigme sans fin
aux Carrières des Lumières
Jusqu’au 3 janvier 2021 :
Route de Maillane, 13520 Les Baux-de-Provence Téléphone :04 90 49 20 02

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