Accueil Livres, Arts, ScènesExpositions & Histoire de l'art Un polar de Marco Malvaldi qui nous entraîne à Florence au XVIè siècle aux côtés de Galilée

Un polar de Marco Malvaldi qui nous entraîne à Florence au XVIè siècle aux côtés de Galilée

par Philippe Poivret

« Obscure et céleste », traduction de « Oscura e celeste », est le dernier polar de Marco Malvaldi, auteur italien bien connu de l’autre côté des Alpes. La série du Barlume, nom d’un café imaginaire situé sur les bords de mer en Toscane dans la petite ville toute aussi imaginaire de Pineta, l’a rendu célèbre. Là se réunissent cinq personnages aussi vieux que désopilants pour chercher et trouver la, le ou les coupables d’un meurtre qui a eu lieu quelques temps auparavant. 

Marco Malvaldi est un écrivain plein d’un humour qu’il partage avec ses personnages célèbres ou non. Cette fois-ci, c’est Galilée qui se retrouve à enquêter dans le couvent où il a placé ses deux filles illégitimes faute de pouvoir leur offrir une dote. Procédé courant à l’époque mais qui lui vaut quelques inimitiés et fâcheries avec sa progéniture à laquelle il tient tout de même et sur laquelle il veille. 

Tout se passe dans un couvent qui se trouve être le couvent de San Matteo d’Arcetri situé en dehors de cette bonne ville de Florence où tout le monde sait que les conflits, les meurtres et les disputes étaient monnaie courante. Et que tout cela fait partie de l’ADN de la ville. Dante lui-même n’a-t-il pas été banni par suite d’un conflit entre Gibelins et Guelfes, eux-mêmes divisés en Guelfes blancs et Guelfes noirs ? Il s’agissait d’un conflit entre partisans de la Papauté et partisans de l’Empereur. Ici c’est la chute et la mort d’une moniale depuis le beffroi de l’église San Matteo qui suscite bien des interrogations. Galilée, mathématicien et astronome habitué à fouiller dans les mystères de la création, va mettre son intelligence et sa malice en branle pour savoir s’il s’agissait d’un suicide ou d’un meurtre. 

Joseph et la femme de Potiphar, ca 1630. Guido Reni (1575-1642). Huile sur toile 170cm/128cm.
Google Art project. Getty Center, USA

Tout se passe en 1631, année où la peste noire se répand dans la ville. Marco Malvaldi en profite pour faire quelques comparaisons avec l’épidémie de Covid de 2020. En mélangeant sans vergogne les époques et en multipliant les anachronies, il donne un ton facétieux à son polar, ce qui ne manque pas de faire sourire tout au long des pages. La vie dans ce couvent où les moniales sont cloitrées est austère et difficile. La communication n’est pas le point fort de la mère supérieure ni de celles qu’elle dirige. Malgré tout, Galilée, aidé de Niccolo Cini chanoine mandaté par le grand-duc de Toscane va se mettre au travail. Ces deux-là vont jouer les enquêteurs dans un milieu particulièrement fermé et hostile au monde extérieur. A force de ruse, de questions bien ou mal posées et à force d’intelligence, ils vont réussir à clarifier les raisons de cette mort et à permettre à la justice d’effectuer son travail. Ce n’est quand même pas une justice comparable à celle de nos jours, les enjeux de pouvoir n’étaient pas ceux d’aujourd’hui. Et on sait bien que ce qui était admis un jour ne le sera pas quelques temps plus tard. 

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Avec ce roman, on découvre la société du XVIIe° siècle en Toscane. Le clergé s’oppose au pouvoir civil détenu alors par une noblesse repliée sur ses privilèges. On découvre aussi les travaux de Galilée et tous les obstacles qu’il a eu à vaincre ou contourner pour publier son « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde ». L’église était divisée et finalement Galilée a abjuré et concédé que le soleil tournait autour de la terre et pas l’inverse. 


Tous les personnages du roman ont réellement existé. Marco Malvaldi, dans l’avant-dernier chapitre intitulé « Ceci n’est pas un livre d’histoire » avoue que l’histoire de sœur Agnese -c’est d’elle dont il s’agit- qui meurt au couvent San Matteo d’Acetri est inventée. Mais le couvent et tous les personnages historiques ont bel et bien existé. Une courte biographie de chacun d’eux et une biographie plus longue de Galilée forment les deux derniers chapitres de ce roman.  Le couvent San Matteo d’Acetri à Florence est maintenant occupé par des Carmélites ; il existe toujours mais n’est plus au même endroit que celui du XVIIe° siècle. 

Marco Malvaldi est né en 1974 à Pise. Il a suivi des études de physique-chimie à l’Université de Pise où il a obtenu un doctorat. Sa formation scientifique lui permet d’expliquer clairement la façon dont Galilée est arrivé aux conclusions que l’on connait sans oublier de parler simplement et clairement du problème des « indivisibles », de celui de la chute des corps ou de la rotondité de la terre. Science et foi n’ont pas toujours fait bon ménage, les prières et processions ne suffisent pas à arrêter une épidémie qui terrorise tout le monde.  

Marco Malvadi se demande si les mathématiques ne seraient pas les seules à posséder une vérité indiscutable. Il n’épargne pas non plus l’église catholique ni les dogmes qu’elle professe tout en nous plongeant dans Florence et dans tous les conflits latents ou non qui sont au cœur de la ville. Les différents ordres religieux, les Jésuites et les Franciscains en tête ne sont pas les derniers à se livrer une guerre éternelle. Artemisia Gentileschi, amie de Galilée ou Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane qualifiée de grenouille de bénitier, côtoient bien des personnages historiques qu’on a plaisir à découvrir tout en suivant une enquête dont le caractère scientifique n’échappe pas au lecteur. 

Polar publié en 2023 en Italie, « Obscure et céleste » nous fait découvrir Marco Malvaldi, scientifique passé à la littérature en 2007 avec « La briscola in cinque » traduit par « La briscola à cinq » qui se déroule au café « Barlume ». Ce nom est un jeu de mot avec barlume, mot qui veut dire lueur en italien. Des lueurs dans la tête de ses cinq personnages tout comme celles dans la tête de Galilée surgiront pour nous emporter dans des histoires qui ne manquent pas de sel ni de subtilités scientifiques ou non. 

Illustration de l’entête: Suzanne et les vieillards. (1610). Artemisia Gentileschi (1593-1653). Huile sur toile : 170cm/121cm. Château Weissenstein, Allemagne. ©akg-images / MPortfolio / Electa

Obscure et céleste
Marco Malvaldi
éditions du Seuil. 22€90
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