Concert du dimanche 26 juillet 2021
Que voulez-vous, Renaud Capuçon au violon et Béatrice Rana au piano, on ne résiste pas ! D’autant plus que le programme a tout pour plaire.
Prokofiev : sonate pour violon et piano numéro 1 en fa mineur opus 80,
Schumann : sonate pour violon et piano n° 1 en la mineur opus 105
et de nouveau Prokofiev: sonate pour violon et piano n°2 en ré majeur opus 94a.
Prokofiev a beaucoup écrit pour le piano et il a été bien inspiré d’écrire ces sonates pour violon. Les deux sont admirables même si on a un faible pour la seconde initialement écrite pour flûte et transcrite pour violon avec la collaboration de David Oistrakh. C’est sans doute que la sonate n°1 pourtant tellement représentative de la musique de chambre soviétique dans ce qu’elle a de meilleur, est très grave, rude parfois, amère souvent. Pas forcément très accessible pour beaucoup, même si on peut apprécier sa grande expressivité et son lyrisme.
Que de jolis contrastes dans l’allegro brusco notamment. Les tempéraments artistiques de Capuçon et Rana rivalisent de fougue. On aime encore le lyrisme frémissant de l’andante. Certainement pas évident, même si cela paraît couler de source de traduire toute cette palette d’ambiances mystérieuses. Prokofiev semble toujours plus profond. Il peut être tragique aussi, on le disait. L’italienne Beatrice Rana est impressionnante aux côtés de Renaud Capuçon. Ces deux-là commencent à bien se connaître et c’est une chance de les voir réunis, eux qui font désormais partie de l’élite mondiale des violonistes et des pianistes. Les deux musiciens nous entraînent dans un tourbillon de virtuosité. Sans esbroufe !
Ils savent s’écouter, et ils nous offrent une prestation de grande tenue. Sans doute dans cette sonate n°1, le duo a su trouver un terrain d’expression plus vaste que dans la n° 2 qui termine le récital.
Mais avant, il y a R. Schumann qui « entre en scène », avec la sonate pour violon et piano n° 1 en la mineur opus 105.
Là encore, s’installe dès les premiers mouvements une impression mélancolique, parfois même très sombre. Il n’y a pas de passage en duo significatif, chacun prenant sa place, sans peser sur l’autre. Il s’agit d’un « vrai » duo, du début jusqu’à la fin. On se love dans le premier mouvement « Mit leidenschaftlichem Ausdruck : traduire «Avec une expression fervente» – un titre tout schumanien, comme le musicien les aime. Ce qui est étonnant, c’est que sous les doigts et l’archet de Renaud Capuçon, et le jeu de Béatrice Rana, la ferveur annoncée dans le titre semble se préparer ; modérément, délicatement, elle couve sans vraiment se répandre.
L’allegretto est plein de poésie fantasque, débridée, et on se nourrit de ces pauses fréquentes dans cette mélodie par moment alanguie. De jolis contrastes encore et des silences magnifiques, oui, même les silences sont maîtrisés et en disent long, et on adore particulièrement cette façon qu’ont les deux virtuoses de « se passer et repasser » des fragments de ces pièces. Démonstration de brio du maître et de la jeune italienne.
Renaud Capuçon, et ce n’est pas un secret, aime jouer auprès des légendes de la musique, et réciproquement. On reconnaît également cette qualité de donner sa chance aux plus jeunes. Il sait détecter des étoiles montantes. Feeling, clairvoyance ou sagacité ? Un peu tout cela à la fois. Assurément, il a bien compris que dans la vie, ce qui compte c’est la transmission ! Il a envie de donner, d’enseigner, de partager et c’est pour cette générosité que Renaud Capuçon est bien aimé… décrié aussi parfois, mais qu’importe, ceux qui l’aiment répondent toujours présents, et parmi eux, les plus grands musiciens de la planète. Bien sûr, nous sommes là aussi, nous, public fidèle.
Si la première sonate de Prokofiev était sans doute un terrain d’expression beaucoup plus large que la n°2, la seconde était parfaite en fin de programme. Plus que jamais les deux artistes ont fait preuve d’un style en parfaite adéquation avec la musique. Formidable dans le climat du moderato, ou encore dans le presto, ou l’audace et l’impertinence de la musique de Prokofiev dictent leur loi. Mais il y a aussi beaucoup de pudeur et de la retenue dans le jeu des interprètes dans un andante mémorable. Et que dire du finale ? On est invité dans un tourbillon, qui à lui seul résume la soirée faite de prouesses techniques certes, mais surtout d’une entente magique entre ces deux artistes. Nul doute, les deux solistes se comprennent du bout de l’archet jusqu’au bout du clavier, et leur prestation est un vrai moment d’anthologie. Vivement qu’une programmation les réunisse à nouveau !