Les fouilles récentes de Thônis-Héracléion dans la baie d’Aboukir, près d’Alexandrie en Egypte ont permis d’éclaircir la description donnée par Hérodote du bateau de charge nilotique appelé baris par les Égyptiens et dont plusieurs aspects de la construction restaient énigmatiques jusqu’à présent.
Rappelons que cette prospection archéologique et sous-marine a été initiée dès 1992. Elle est ainsi menée par une mission égypto-française sous la houlette de l’IEAEM ( Institut européen d’archéologie sous-marine). Les nouvelles fouilles sous-marines ont ainsi permis de mettre à jour les restes d’un bateau militaire ainsi qu’un complexe funéraire.
Franck Goddio, l’archéologue sous-marin français qui a découvert le site de Thônis-Heracleion en 2000, a déclaré que trouver un tel navire de cette antiquité reste extrêmement rare, et qu’il n’en existe que peu d’ exemplaires.
Le navire a coulé alors qu’il chargeait d’énormes blocs provenant du célèbre temple d’Amon lorsqu’il a été complètement détruit lors d’un cataclysme au IIe siècle avant Jésus-Christ. Le navire était amarré à un débarcadère dans le canal qui longe la face sud du temple lorsque la catastrophe s’est produite. Les blocs tombés au sol ont maintenu les précieux vestiges navals cloués au fond du profond canal, désormais rempli des débris du sanctuaire.
Le navire a été détecté sous près de cinq mètres d’argile dure mêlée à des restes du temple. Sa découverte a été permise grâce à l’utilisation d’un prototype d’équipement électronique de pointe, l’imagerie par profilage sous-marin (SBP) et par sonar à balayage latéral (SSS).
Les études préliminaires montrent que la coque du navire a été construite dans la tradition classique. Elle présente toutefois certaines techniques de construction navale typiques de l’Égypte ancienne, ce qui indique une influence locale sur la construction.
Le navire s’appuyait également sur de longs assemblages à tenon et mortaise et une structure interne bien développée, et il existe des preuves de réutilisation du bois, ce qui indique que le navire de 25 mètres a été construit en Égypte.
Le bateau long était un navire à rames qui possédait également une grande voile, comme en témoigne son pied de mât aux dimensions considérables. Il était doté d’un fond plat et d’une quille plate, ce qui est particulièrement adapté pour la navigation sur le Nil et dans le delta.
Dans une autre partie de la ville, un tumulus s’étendant le long du canal d’entrée nord-est a également révélé les vestiges d’une vaste zone funéraire grecque couverte de riches dons datant des toutes premières années du IVe siècle avant notre ère.
Il illustre aussi magnifiquement la présence de marchands grecs qui vivaient dans la ville et contrôlaient l’entrée de l’Egypte à l’embouchure de la branche canopique du Nil.
Les Grecs se sont installés à Thônis-Heracleion à la fin des dynasties pharaoniques, et ils ont construit leurs propres sanctuaires près de l’immense temple d’Amon. Le temple et les sanctuaires ont cependant été détruits, et leurs vestiges ont été retrouvés mélangés à ceux du temple égyptien.
D’importants vestiges du temple d’Amon, découverts dans un état de conservation irréprochable, ont glissé dans le canal profond lors d’un glissement de terrain provoqué par un phénomène de liquéfaction des terres. La liquéfaction du sol est un phénomène sismique géologique, généralement brutal et temporaire, par lequel un sol saturé en eau perd une partie ou la totalité de sa portance, causant ainsi l’enfoncement et l’effondrement des constructions (phénomène analogue à ce que l’on a pu voir récemment en Allemagne lors des inondations)
Ces vestiges témoignent de la richesse des sanctuaires de la ville, aujourd’hui située sous la mer à 7 km des côtes actuelles de l’Égypte.
Thônis-Heracleion a été pendant des siècles le plus grand port d’Égypte sur la mer Méditerranée avant la fondation d’Alexandrie par Alexandre le Grand en 331 avant notre ère.
Plusieurs tremblements de terre suivis de raz-de-marée qui ont déclenché des liquéfactions terrestres ont provoqué l’effondrement dans la mer d’une portion de 110 kilomètres carrés du delta du Nil, ainsi que des villes de Thônis-Heracleion et Canope.
Les deux villes ont été redécouvertes par l’IEASM, en collaboration avec le département d’archéologie sous-marine du ministère égyptien du tourisme et des antiquités, en 2001 et 1999, respectivement.