Une entreprise X, travaille dans le domaine du développement durable. Le poste de directeur général vient d’être libéré (euphémisme pour dire que le précédent titulaire a été poussé vers la sortie). Giacomo, le PDG, un cynique à l’ego quelque peu démesuré, en bon cynique (mais pour réussir dans les affaires ne vaut-il pas être cynique?), met en concurrence pour ce poste deux de ses directeurs. D’un côté, Marius, rejeton d’une famille aristocratique, catholique, plutôt conservateur, quelque peu désabusé. De l’autre, Priscilla, une Anglaise très ambitieuse, ouverte vers les concepts hors « des sentiers battus », féministe convaincue. Tout les oppose, leur vision du monde, les orientations à donner à l’entreprise.
Pour faire leurs preuves, ils doivent présenter un projet à Sean, un haut dirigeant d’une multinationale, homme désabusé, critique contre les lois du capitalisme, persuadé que c’est le dernier projet qu’il va devoir mener à bien avant de se retirer dans le château perdu au milieu de nulle part au fin fond de la campagne, et qu’il veut restaurer avec sa fortune. A son contact, Marius et Priscilla vont se rapprocher et avec l’aide de Sean, vont monter un plan pour mettre à mal les projets de leur patron. Au-delà de la réussite de leur plan, les trois protagonistes finissent heureux, en rupture totale avec le milieu professionnel dans lequel ils ont évolué, et surtout vont pouvoir vivre harmonieusement en amour.
L’arche de la mésalliance est l’exemple de ces romans qui sont avant tout une satire, un pamphlet contre le monde de l’entreprise. Souvenons-nous de L’imprécateur de René-Victor Pilhes, paru il y a plus de cinquante ans. Le cynisme, la lutte sourde, voire à mort qui est sous-jacente au quotidien. Le développement durable n’y est pas perçu comme une idéologie nécessaire à l ‘épanouissement de l’humanité, mais plutôt comme un concept à la mode, porteur, permettant de faire de l’argent, beaucoup d’argent. Et de fait, cet univers de carnassiers, détruit les protagonistes qui ne peuvent se sauver qu’en cherchent en eux leur humanité et en allant vers la nature qui elle suit son rythme sans être gérée par la quête du profit. Bon, soit, c’est beaucoup plus facile quand on est millionnaire !
Marin de Viry a l’art des formules qui font mouche, sait faire preuve d’un cynisme bien plus développé que celui de ses personnages : « il faisait partie de ses HEC de bonne famille catholique frottés sur le tard à un humanisme vaguement oriental, nappé de sauce digitale. Il portait ces bonnes intentions venues d’ailleurs, parées du prestige du Nouveau Monde, comme une sorte de vernis laborieusement appliqué sur l’obsession du profit. » Le monde du capitalisme moderne actuel, parfaitement résumé en deux phrases !
Cynique, désabusé, il y a du Houellebecq dans Marin de Viry, avec toutefois le pessimisme moins marqué et beaucoup plus de clarté et d’espoir.
L’arche de la mésalliance
Marin de Viry
éditions du Rocher. 17€90
Critique littéraire et membre du comité de rédaction de la Revue des Deux Mondes, Marin de Viry est notamment l’auteur du Matin des abrutis (J.-C. Lattès, 2008) et de Mémoires d’un snobé (Pierre-Guillaume de Roux, 2012).