- On ne présente plus Café Zimmermann, en résidence à Aix-en-Provence depuis 10 ans. Nous avons la chance de les avoir à « portée de concert », si l’on peut dire, eux qui se situent aux premiers rangs de la musique baroque en France et en Europe. L’ensemble a illuminé le Théâtre du jeu de Paume, ce mardi 26 octobre.
Sous la conduite du violoniste Pablo Valetti et de l’organiste Céline Frisch, l’ensemble de musique baroque réunit des solistes qui, pour notre plus grand bonheur, font revivre l’émulation artistique portée par l’établissement de Gottfried Zimmermann dans la Leipzig du XVIIIe siècle.
Autour de l’organiste Céline Frisch, les quinze musiciens ont invité le contre-ténor Damien Guillon, fine fleur de l’art lyrique baroque, à chanter un bouquet d’airs de déploration, les lamenti.
Le lamento est révélé par Monteverdi, on songe à son superbe « Lamento d’Ariana ». Entre musique vocale et instrumentale, il s’agit d’une complainte à la mort, pas toujours funèbre, comme le prouve le concert de mardi.
Des compositeurs comme Biber, Froberger, Schmelzer et Bach, Bernhard nous ont livré, chacun à leur manière, un sentiment de mélancolie parfois très sombre et languissante qui flirte joliment avec le mystère et l’indicible.
Voilà un programme éclectique à souhait, qui convient parfaitement à Damien Guillon. Ce dernier se promène avec la même aisance de Franz Biber à Christoph Bernhard, en passant par Bach – Yohann Christoph Bach, ou Jean-Sébastien Bach, offert en rappel.
De sa belle voix, le contre-ténor nous a parlé de la mort et de la fragilité de notre existence sur terre. Malgré tout, la balade fut belle dans ces lamentos des plus envoutants du répertoire baroque. Le voyage musical est à la fois étrange, intensément secret et quasi confidentiel dans les ors et les pourpres du jeu de Paume. Un écrin magnifique s’il en est.
Rien de « féminin » car il y a une évidente masculinité dans la façon de chanter de Damien Guillon. Son timbre ne cherche pas à s’imposer ni à entrer en force, il nous offre de jolies couleurs avec naturel.
Programmer des compositeurs peu connus ou quelque peu « oubliés » comprend parfois des risques. Merci pour cela Café Zimmermann.
Froberger, Biber, Bernhard, Schmelzer ou encore Johann Christoph Bach nous sont apparus plus que jamais au firmament de la musique baroque dans ce qu’elle a de plus expressif. Ils nous charment par leur musique spirituelle et délicate. Le jeu des interprètes y est pour beaucoup, chaque musicien étant habité par ces Lamenti, la variété des climats, la beauté des timbres. S’ajoutent à cela une belle unité et une cohésion parfaite entre eux. Des sourires échangés sur scène témoignent encore de leur complicité. On aime cette façon qu’ils ont d’accompagner la voix, leurs instruments entremêlant leurs notes aux vocalises du contre-tenor notamment dans « Ach wie sehnlich wart Ich der Zeit » de Johann Michael Bach. Il s’agit dans la dynastie Bach, du cousin germain du père de Jean-Sébastien Bach. Un organiste et musicien très estimé qui lui aussi mérite d’être davantage connu.
Qui sont les musiciens de Café Zimmermann ?
Pablo Valetti, au violon. On est encore sous le charme de « O dulcis Jesu » de Biber, dont la virtuosité de l’écriture du premier violon est jubilatoire. Un chef-d’œuvre qui a fasciné l’auditoire.
Jeu d’une belle maîtrise encore pou Mauro Lopes Ferreira, violon, Bernadette Vergahen, alto, Deidre Dowling, alto, Petr Skalka, violoncelle, Davide Nava, contrebasse, et enfin, Céline Frisch, à l’orgue, impressionnante elle aussi.
Ces lamentations funèbres ont laissé entrer la lumière, beaucoup de lumière au Théâtre du Jeu de Paume, et elle résonne joliment encore à nos oreilles à l’heure où nous vous écrivons ces impressions.
Programme Café Zimmermann
avec le Contre-ténor Damien Guillon
Johann Heinrich Schmelzer (1623-1680)
Serenata con altre Arie a cinque
Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704)
O dulcis Jesu
Pars III aus Mensa Sonora
Johann Michael Bach (1648-1694)
Ach wie sehnlich wart ich der Zeit
Johann Jakob Froberger (1616-1667)
Toccata II, Livre de 1649
Ricercar I, Livre de 1656
Heinrich Ignaz Franz Biber (1644-1704)
Passacaglia, extrait des Sonates du Rosaire
Christoph Bernhard (1628-1692)
Was betrübst Du Dich
Johann Heinrich Schmelzer (1623-1680)
Lamento Sopra la morte Ferdinand II
Johann Christoph Bach (1642-1703)
Ach, dass ich wassers gnug hätte