Un court roman de Paulus Hochgatterer qui nous bouleverse et nous remplit d’émotion. Un récit magnifique, une sorte de parabole sur la lutte entre le bien et le mal, sur l’empathie, sur l’ouverture d’esprit contre le dogme.
Ce récit se passe en avril 1945, dans une ferme isolée aux fins fonds de l’Autriche, les combats se rapprochent, la grande ville, assez proche, est régulièrement bombardée. On sait qu’à l’est les Russes ne sont pas loin et qu’à l’ouest les Américains progressent. Ce petit monde est pris en tenaille, il attend. Pour autant les travaux agricoles, eux doivent continuer, car ils ne peuvent attendre la fin du conflit. Dans ce minuscule endroit, se trouvent le fermier, la fermière, leurs filles (le fils étant parti à l’armée), le frère Laurentz qui sait qu’il va mourir de la tuberculose qui le diminue. Et deux petites filles, des naufragées de la guerre, elles ont perdu leurs parents dans cette guerre et se retrouvent hébergées dans cette ferme. La petite Nelli perçoit les deux fermiers comme ses grand-parents. Du bombardement qui a tué ses parents, réfugiés souabes du Danube, elle n’en garde aucun souvenir. Mais elle a une vie intérieure intense, une grande lucidité sur ce qui se passe autour d’elle, un vrai esprit de réparti et aussi une grande capacité à mentir.
À la suite d’ un nouveau bombardement, arrive un soldat qui se prénomme Mïkhaïl et qui va s’avérer être un prisonnier russe qui a réussi à s’enfuir emportant avec lui un tableau qui, pour le moins ne correspond pas du tout aux critères artistiques nazis. Il reste à la ferme en attente du dénouement final.
Voila qu’ un jour arrivent six soldats allemands qui demandent gîte et couvert. Mais surtout exigent de la viande ! Or, le vendredi saint, il est impossible pour un catholique fervent de cuisiner et surtout de manger précisément de la viande! Cependant sous la menace, il est obligé d’obéir aux ordres. Repu, le lieutenant se penche sur le cas de ce soldat non allemand qui passe son temps à dessiner de l’art dégénéré, il finira vite par découvrir la vérité.
Alors voilà ce qui aurait du se passer. Déjà, par deux fois, l’auteur, Paulus Hochgatterer, nous a montré ce qui en des temps normaux aurait du « naturellement » se passer. Mais, nous ne sommes pas en des temps « normaux » et le récit prend une direction autre que celle que tout un chacun aurait penser qu’elle fût.
Et c’est comme ça que le fermier a été un héros aux yeux de Nelli, mais aussi de l’humanité…
Il est rare de lire des livres sur la fin de la Seconde Guerre mondiale et encore plus en Allemagne, enfin, ici en Autriche… Et pourtant, des millions de personnes étaient en attente de la fin du conflit, en attente d’avoir des nouvelles de leurs proches, en attente de pouvoir vivre librement, ou tout du moins sans peur de l’avenir.
Paulus Hochgatterer arrive magnifiquement à créer ces instants, ces vies quelque peu suspendues. Tous ses personnages sont criant de vérité, de vie, on les a tous connus, rencontrés. Et, ce qui est un vrai plus, il n’a pas le style lourd comme, hélas, bien des auteurs germaniques emploient. Non, c’est limpide, léger, voire même poétique. Une vraie découverte !
Le jour où mon grand-père a été un héros
Der Tag. An Dem Mein Grossvater Ein Held War
Paulus Hochgatterer
Traduction de l’allemand, Barbara Fontaine
éditions Mercure de France. 15€