Le travail de traduction est loin d’être facile. C’est sûrement ce qu’a du se dire Diniz Galhos quand on lui confia la lourde charge de traduire au plus près du texte le dernier livre d’Irvine Welsh, Le Coup du siècle.
En effet comment passer de l’argot écossais au français sans dénaturer tout ce qui fait le sel de ce texte. Rien à dire, même si parfois ce livre n’est pas toujours facile, limpide à lire, le défi est parfaitement relevé. Oui l’abus d’argot, les lettres manquantes pour montrer la façon de parler de tel ou tel personnage ne permettent guère une lecture fluide, c’est certain. Mais dans ce fil de pensée, Céline non plus n’est pas d’un abord évident voire certains San-Antonio. Et alors, qui a dit que la lecture est toujours facile ! Il n’y a pas que les romans à l’eau de rose. Loin de là ! Et vu les lieux où se déroulent la majorité de ce roman, on ne s’attend pas à entendre parler comme dans un salon de thé du XVIème arrondissement !
Le héros, enfin le personnage principal, est Terry Lawson, ancien cambrioleur reconverti comme taxi mais aussi comme livreur de drogue de tout genre, gardien par amitié d’un bordel, acteur pornographique aux attributs très très avantageux et total obsédé sexuel. Il ne peut voir une femme (peu importe le physique, l’âge ou tout autre critère) sans qu’un besoin plus que visible au niveau de son bas-ventre ne se fasse sentir. Il a fait tant et tant de galipettes qu’il a une tripotée d’enfants (au moins quatre, mais il a conscience qu’il peut y en avoir d’autres) et une de ses angoisses, comme son père, détesté, avait la même vie sexuelle que lui, c’est de commettre un inceste avec une de ses demi-sœurs (une seule fois en vacances a suffi).
Tandis que l’ouragan Bawbag va commencer à sévir sur Édimbourg, il fait une série de connaissances qui va changer quelque peu sa vie. D’abord Ronnie Checker, un milliardaire américain dans l’immobilier, amateur de golf, ayant une émission où il vire en direct les candidats collaborateurs. En plus il a une coiffure… originale. Toute vraisemblance avec un ancien président des États Unis d’Amérique est sûrement voulu. Il est en Écosse pour acheter une bouteille de whisky rarissime. Il va prendre Terry comme chauffeur particulier et cicerone. Puis arrive Sara Ann Larmont qu’il sauve du suicide car, dramaturge, sa dernière pièce est un échec. Pour essayer de la consoler, comme elle n’avait rien à perdre, il lui propose une dernière partie de jambes en l’air. Non seulement la jeune femme est totalement guérie mais en plus montre un tempérament sexuel nettement supérieur à celui de Terry. Le dernier est Jonty MacKay, un simple d’esprit, lui aussi porté sur le sexe, un gentil, une sorte de Candide. Et il s’avère être son demi-frère et en plus il est dépositaire d’un terrible secret.
Vous prenez tout cela, vous remuez, vous agitez et vous ajoutez le dernier rebondissement : Terry apprend qu’il est un homme en sursis, qu’il ne lui faut aucune contrariété et n’avoir strictement aucune relation sexuelle sous peine de voir son cœur lâcher d’un seul coup. Alors vous allez être pris dans une tornade de sexe, de drogue, de mort, d’alcool, de misère sociale, de personnes sans aucun repère moral (dans tous les sens), d’argent, mais aussi d’empathie, de leçons de vie. A la fin Terry sera champion de golf (lui qui n’avait pas tenu un club avant l’ouragan) et connaîtra ses véritables origines.
Terry qui tient par bien des côtés du Berru de Frédéric Dard est une sorte d’érotomane arnaqueur sans scrupule, mais sachant faire preuve d’une grande humanité (quand cela l’arrange, cela va sans dire), qui vit à toute vitesse, toujours à l’affût de la « bonne affaire » (aussi bien comme dealer, au niveau du sexe, de la course de taxi, etc…).
Roman noir, soit, mais surtout à l’humour noir, car en lisant Le coup du siècle d’Irvine Welsh vous vous surprendrez à sourire, et même à rire plus d’une fois ! Oui vraiment, une grande, une très grande réussite.
Le coup du siècle
Irvine Welsh
éditions Au Diable Vauvert. 22€