Ce n’est sûrement pas ici que je fais faire l’éloge de la géographie, de son utilité, de la clarté des conclusions qui résultent des études. Je ne doute pas que les lecteurs de WUKALI sont tous convaincus que la géographie est une science permettant de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. La géographie travaille, en outre, à élaborer des Atlas pour percevoir un phénomène mondial, voire régional. Les éditions Autrement ont eu l’excellente démarche de publier une collection d’atlas. Ainsi, sont déjà édités des atlas des immigrations en France, des énergies mondiales, des frontières, mais aussi des premières colonisations, du climat, et j’en passe…
Un nouvel opus vient de paraître : l’Atlas de l’Islam. Inutile de préciser que ce petit ouvrage (moins de 100 pages avec 120 cartes ou infographies) est d’utilité publique. Il nous amène loin, très très loin des pseudo-débats de l’actuelle période électorale qui montre le degré crasse d’ignorance de certains « débatteurs » et autres personnels politiques.
Je ne vais pas rentrer dans des polémiques stériles, car je m ‘éloignerais alors du sujet de cette chronique, mais en lisant cet atlas, les détracteurs de l’islam pourraient comprendre (à condition qu’ils fassent un petit effort intellectuel), qu’ils sont complètement intoxiqués par l’idéologie wahhabiste, sous catégorie de l’école sunnite hanbalite (qui n’est déjà pas le courant, loin de là, principal du sunnisme). Ce sous-courant est pratiqué dans seulement deux pays. Mais comme ils s’agit du Qatar et de l’Arabie Saoudite, les pétro-dollars ont bien acheté leurs cerveaux et leur capacité de réflexion.
Ces polémistes ignares ne parlent jamais du soufisme qui lui connaît beaucoup plus de pratiquants dans le monde que le wahhabisme. Mais le soufisme qui concerne les trois grands courant de l’Islam (sunnite, chiite et kharidjite) est divisé en plusieurs écoles et ne se mêle pas de politique et de production d’énergie ! Je doute que les Zemour et autres médiocres candidats présidentiables, savent que le poète le plus traduit (et le plus lu) aux États-Unis-d’Amérique est Mawlâna Jalâl al-Dîn Rûmi, le fondateur au XIIIème siècle du courant mawlawiyya, autrement connu sous le titre de derviches tourneurs. Un poète musulman d’origine perse dans un pays fortement imprégné par la culture protestante, preuve s’il en est que l’Islam peut très bien s’épanouir dans les démocraties.
Après une introduction où l’autrice montre la difficulté de la démarche de cartographier un courant de pensée aussi complexe que l’Islam, cet atlas se divise en trois parties : la présence de l’islam avec une partie historique, sa diffusion, sa transplantation, des données économiques et sociales, mais aussi les langues, les différentes confessions, etc.
La seconde partie est relative aux lieux et pratiques de l’Islam : les mosquée, les madrasas, les lieux de pèlerinages (dont celui des saints qui est combattu par les walabistes), les confréries (certaines orientées vers la mission comma les taglighs (qu’il ne faut surtout pas confondre avec les salafistes qui refusent non seulement les activités politiques mais aussi prosélytes) et d’autres vers la réinscription de l’Islam dans des sociétés sécularisées comme les Frères musulmans), les organisations musulmanes dont certaines sont financées par l’Arabie Saoudite et servent à diffuser le walabisme.
La troisième partie porte sur la politique et l’idéologie : là vous trouverez les études portant sur la Turquie, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, l’Iran etc. Mais aussi, sur l’idéologie du jihâd ou la pratique de la charia.
Surtout, lisez la conclusion, courte mais brillante, où en quelque mots, l’autrice montre les tensions réelles qui parcourent tous les courants de l’Islam entre conservateurs, réformistes, entre engagements politiques et recherche spirituelle individuelle.
Loin des visions déformées par la peur et l’ignorance, cet atlas nous offre une vision juste et apaisée de la seconde religion pratiquée dans le monde.
Atlas de l’Islam
Anne-Laure Dupont
éditions Autrement. 24€
Illustration de l’entête: Leyli et Majnûn du poète Jâmi. Crédit photo : Page du Rempart d’Alexandre, du vizir et poète turc oriental Mir’Ali Shir Navâ’i, Hérat, Afghanistan, 1486, Bodleian Library, Oxford