Un peu de nostalgie ne fait pas de mal. A cette époque dans laquelle s’étalent les « déclinistes », où l’on nous rabâche qu’avant c’était mieux, pourquoi pas un roman qui nous plonge dans les années soixante dix. Est-ce vraiment mieux que notre époque pour la moyenne bourgeoisie. Car c’est d’elle dont il est question dans le dernier roman de Colin Thibert.
Cela commence bien, à cause du prix de l’immobilier qui, déjà, oblige les jeunes couples à partir de Paris pour aller s’installer en banlieue. Soit, pas dans les HLM des villes nouvelles, mais quand même au-delà du périphérique, au delà de la capitale, ce qui entraîne un changement dans le mode de vie, les joies, pour certains du RER, et j’en passe. Mais quand on est jeune, amoureux, quoi de mieux qu’un jardin pour la progéniture.
La banlieue est la commune de Nanteuil le bois. A cette époque, se vendent des maisons en meulière généralement au décès de leurs propriétaires. Et c’est là que nous trouvons quatre couples principaux. Tout d’abord Guillaume et Carole. Ils arrivent des États-Unis. Lui est un jeune astrophysicien prometteur, mais, de fait il s’étiole dans cette maison. Dans l’abri de jardin, il a aménagé son bureau, mais de fait, il passe son temps à regarder des films pornographiques et à fantasmer sur toutes les prostituées avec qui il couche. Il s’aigrit progressivement et finit par montrer son vrai visage, un manipulateur narcissique qui humilie en privé sa femme, mais qui montre un visage parfait à l’extérieur. Dans son entourage, c’est Carole qui est progressivement exclue, sans voir le calvaire qu’elle vit au quotidien.
Et puis il y a Thomas et Nathalie, lui travaille dans une agence de publicité. Mais son patron ami se suicide, sa nouvelle cheffe ne l’apprécie pas et il finit par démissionner attiré par un escroc qui lui fait miroiter monts et merveilles. Quant à Nathalie, elle a « la tête sur les épaules », gère tant bien que mal le quotidien familial et les conséquences du décès de sa mère qui a provoqué une importante transformation de son père. Werner et Florence sont des baroudeurs, ils ne pensent qu’à sillonner la planète dès qu’ils peuvent, lui est un fan de vélo, de ski, elle ne vit que pour lui. N’oublions pas Magali et ses trois fils, son mari Rodolphe, metteur en scène d’avant-garde et toujours absent. Il court le bruit, la rumeur, qu’elle le trompe autant qu’il la trompe.
Tous ces couples se fréquentent, s’invitent, ah les joies du barbecue ! Ils se jugent (par derrière), s’envient parfois. Mais ils ne connaissent pas leurs intimités, leur vrai visage, ne savent pas que pour certains c’est l’échec du couple avec le divorce à la clé. Pour certains, surtout les femmes, le divorce est leur moyen de tourner la page et de recommencer une nouvelle vie où ils pourront s’épanouir.
On va de l’amour au désir, à l’adultère assumé, des naissances aux ambitions professionnelles pas toujours couronnées de succès car le chômage n’est pas loin. En lisant La supériorité du kangourou de Colin Thibert, comment ne pas penser aux dessins et histoires de Claire Brétéché ou de Gérard Lauzier voire de Copi. Un temps passé, avec d’autres mentalités, d’autres aspirations, mais avec un constat constant : le couple peut être un enfer mais aussi un lieu d’épanouissement, et quand ça va mal en son sein, parfois la séparation est préférable au pardon.
La supériorité du kangourou
Colin Thibert
éditions Héloïse d’Ormesson. 18€
Illustration de l’entête: dessin de Claire Brétecher