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Au plus près de nos académiciens Quai Conti

par Gabrielle Hirchwald

Bienvenue sous la Coupole

Si beaucoup se souviennent de la création de l’Académie française par Richelieu en 1635, on oublie souvent que le Palais de l’Institut, ancien Collège des Quatre Nations, abrite d’autres aréopages : l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1663), l’Académie des sciences (1666), l’Académie des beaux-arts (1816), héritière des Académies royales de peinture et de sculpture, de musique et d’architecture, et enfin, l’Académie des sciences morales et politiques (1832). L’existence de ces cinq cénacles à travers les âges montre à quel point les valeurs d’Ancien Régime ont continué de perdurer en France.

institut de France et académiciens

Pour n’évoquer que l’Académie française, elle est, on le sait, l’objet de critiques récurrentes eu égard à sa position vis-à-vis de l’évolution de la langue (français parlé, écriture inclusive, franglais…). Pourtant, pour faire l’analogie avec d’autres institutions similaires dans les pays hispanophones, force est de constater que même des nations à l’histoire récente souhaitent instaurer leur propre académie.

Ainsi l’Académie Royale d’Espagne a-t-elle essaimé dans de nombreuses contrées du continent américain notamment et jusqu’à la fondation en 2013 de la Academia Ecuatoguineana de la Lengua Española en Afrique.

Comme si la confrontation à la norme obligeait chacun à s’interroger sur son rapport intime à la langue et à ses valeurs.

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Au gré de la semaine, chaque Académie a son jour ainsi que pouvait l’avoir par le passé l’hôte qui recevait dans son salon : le lundi, l’Académie des sciences morales et politiques, le mardi, l’Académie des sciences, le mercredi, l’Académie des beaux-arts, le jeudi, l’Académie française, le vendredi, l’Académie des inscriptions et belles-lettres. Nous eûmes l’occasion de visiter les lieux un jeudi, juste avant les travaux des académiciens consacrés au Dictionnaire.

Devenir académicien

Pour postuler, rien de plus facile. Une candidature spontanée suffit. Prenez garde, l’institution est attachée à ses rites et à ses codes dont la fameuse lettre manuscrite qui résiste vaillamment face au courriel. Si les traditionnelles visites qui firent le malheur de nombre d’impétrants n’ont plus un poids aussi prégnant qu’aux siècles passés, elles constituent toutefois encore de nos jours le gage d’une candidature sérieuse et bienvenue.

Vous l’aurez compris, une ambition académique prend du temps.

Mais quoi l’éternité ? Certains, malgré leur persévérance, n’ont jamais réussi à revêtir l’habit à palmes vertes. En dépit de multiples candidatures, même le grand Émile Zola, romancier très populaire en son temps, s’y est toujours cassé les dents. 

Non seulement il faut attendre la disparition des Immortels mais il faut patienter souvent plusieurs années entre le temps de l’élection et la réception en grandes pompes sous la Coupole.

Bien que l’attribution d’une place ne soit pas liée à un numéro de fauteuil, la tradition veut qu’on rende hommage à ses prédécesseurs. Le 31 mars 2022 eut lieu la réception à l’Académie de Maurizio Serra, élu en 2020, prenant la succession de Simone Veil décédée en 2017. Auparavant s’étaient relayés au fauteuil 13 d’autres humanistes tels Pierre Loti ou Maurice Schumann.

Bibliothèques

La Coupole n’est cependant pas un club fermé. À défaut de fréquenter la Bibliothèque de l’Institut réservée aux membres des cinq académies suscitées, la Bibliothèque Mazarine, bibliothèque publique aux 600 000 références, vous ouvre les bras dès lors que vous respectez ses horaires d’accès et son règlement intérieur.

Académiciennes

Bien que leur entrée ne leur ait jamais été interdite, les femmes sont encore rares à l’Institut. On retient la réception sous la Coupole de Marguerite Yourcenar dans l’ère moderne, en 1980. Même l’Académie Goncourt, dont les instigateurs n’étaient pas vraiment féministes, avait accueilli, dès 1910, Judith Gautier, la fille du célèbre poète. L’Académie française est peut-être la plus visible des cinq établissements. C’est pourquoi, on a tendance à passer sous silence d’autres femmes illustres qui y jouèrent le rôle de pionnières : en 1971, Suzanne Bastid avait été choisie pour appartenir à l’Académie des sciences morales et politiques. En 1975, c’est au tour de Jacqueline de Romilly d’être élue à l’Académie des inscriptions et belles-lettres qu’elle présidera douze ans plus tard.

N’oublions pas enfin que l’Institut a une histoire royale avant d’être républicaine. Quelques années avant la Révolution, en 1783, Élisabeth Louise Vigée Le Brun, portraitiste de la reine Marie-Antoinette, avait forcé les portes de l’Académie royale de peinture et de sculpture avec pour morceau de réception un tableau à sujet allégorique, La Paix ramenant l’Abondance.

En écho avec ce passé glorieux, je ne peux m’empêcher de reprendre en guise de conclusion les dernières paroles du discours du nouvel académicien Maurizio Serra, premier Italien à être reçu sous la Coupole, dans son vibrant hommage à Simone Veil :

« Oui, sois notre inséparable guide, Simone, grande âme, anima grande, reste avec nous dans tous les idiomes de cette Europe qui se réclame si fortement de l’humanisme français : Resta con noi, Remain with us, Bleib’uns nah, Quédate con nosotros, Ostavaites s nami, salishajsja z nami… Merci, là où tu demeures, de nous accompagner encore.« 

Un immense merci à Anne-Marie Chabrolle-Cerretini, professeure à l’Université de Lorraine, Marie-Ange Gerbal, présidente de l’Association des Amis de Pierre Loti et Jean-Mathieu Pasqualini, directeur du cabinet du secrétaire perpétuel de l’Académie française, qui m’ont permis de rédiger ces quelques lignes.

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