Le programme long nous fait découvrir « Venise, la Sérénissime »
Une création artistique de Gianfranco Iannuzzi. Le réalisateur est vénitien et c’est bien l’homme qui nous fallait pour partager de belles sensations et nous offrir le cœur de la cité des Doges. C’est merveilleux de se laisser guider par un autochtone, il nous invite chez lui. On redécouvre cette ville que l’on croyait connaître. On ne pousse pas toutes les portes et on ne possède pas non plus toutes les clefs. Gianfranco Iannuzzi est le gardien du temple !
Le voyage nous promène parmi tous ces trésors artistiques et architecturaux. On déambule le long du Grand Canal et des canaux, des ruelles et des places, des bâtiments et des églises, le public est invité à une promenade entre intérieurs et extérieurs, le sacré et le profane, à la découverte d’un passé exceptionnel.
En une quarantaine de minutes, le visiteur est immergé dans l’art byzantin et les mosaïques dorées de la basilique Saint-Marc, dans les chefs-d’œuvre du Tintoret, de Bellini ou de Canaletto ou encore dans la fameuse Mostra del Cinema avec des photographies d’actrices et acteurs du néoréalisme italien.
Le programme court passe trop vite avec « Yves Klein, l’infini bleu » qui nous rappelle, si besoin était, combien le ciel bleu de la Méditerranée est à l’origine de son inspiration.
Avec Yves Klein, le niçois, la couleur prend une dimension spirituelle et métaphysique. Cette création d’une dizaine de minutes plonge le visiteur dans les œuvres de l’artiste, et au-delà de son célèbre bleu IKB (International Klein Blue) nous sommes plus que jamais étonnés par les séries sur l’empreinte du corps avec ses Anthropométries ou encore celle de la nature avec ses Cosmogonies et ses Reliefs Planétaires.
Et si on restait sur deux projections à la suite ? C’est ce que pratiquement tous les visiteurs font.
On aime ce spectacle dès les premières secondes. Il faut dire que choisir Claude Monet pour nous présenter quelques soleils couchants et façades lumineuses des majestueux palais vénitiens, cela a du sens. On s’émerveille devant ces visions mouvantes des monuments emblématiques de la ville.
Pour n’en citer que quelques-uns, la façade gothique du palais des Doges, l’église Santa Maria della Salute, la basilique néoclassique de San Giorgio Maggiore.
Les images se brouillent joliment aussi avec Paul Signac, une savante « décomposition » qui se projette sur les écrans, et reconstruit l’essentiel : les ombres colorées de la ville. Le plaisir est aussi dans l’écoute de la musique qui accompagne cette séquence magique : Arkata (Munich Session) de Carlos Cipa.
Que serait Venise encore sans Canaletto ? C’est sans doute l’artiste qui a le mieux restitué les scènes quotidiennes de la Venise du XVIIIe siècle. Les touristes s’arrachaient ses tableaux, comme des cartes postales souvenirs du voyage.
On se balance au rythme du va-et-vient incessant des gondoles, des barques et des bateaux de l’époque. Venise vivante, Venise grouillante, Venise de la fête et des cortèges, Venise et sa Place Saint Marc et sa basilique byzantine avec ses passants en costume d’époque. Encore une fois, Vivaldi revient aux Carrières. Encore une fois, les 4 saisons fait partie de la bande son, mais qui s’en plaindrait ? On est à Venise. (Musique : Vivaldi, Les 4 saisons – Printemps de Antonio Vivaldi par Max Richter)
Ceux qui sont sensibles aux ors de l’art byzantin seront comblés. Ça brille de mille feux dans cette séquence. On entre par la grande porte dans la basilique Saint Marc, Patron de Venise, et dont le Lion, symbole de la ville semble lui aussi rugir de plaisir.
Mosaïques, orfèvrerie, que l’on peut caresser du regard, et presque toucher. On nous étonne encore avec les le chef d’œuvre de l’art Byzantin, la célèbre Pala d’oro, un grand retable d’émaux qui date du XIIe siècle. De l’or de l’or et de l’eau ! (Musique : Spiritus Sanctus Vivificans de Hildegard Of Bingen)
Comment ne pas citer encore le grand peintre Carpaccio qui a réalisé un cycle de tableaux consacrés aux épisodes de la vie de sainte Ursule, destinés à une confraternité religieuse. On découvre encore le premier pont du Rialto, le Grand Canal, et les toits des palais et les vénitiens à la fête.
Vittore Carpaccio, Retour des Ambassadeurs, vers 1490/1495, huile sur toile, 297 x 527 cm, Galleria dell’Accademia, Venise, photo: akg-images / Cameraphoto
Quand on parle de fêtes on pense Palais, la Fenice, l’Opéra. Le peintre Pietro Longhi les a décrites, et encore Francesco Guardi, pour qui nous avons un faible tant son travail était remarquable. Savez-vous que la Traviata fut composée à la Fenice par Giussepe Verdi en 1853. Tout naturellement, cette séquence musicale résonne magistralement dans les carrières. (Musique : La Traviata Acte 1 – Prélude de Giuseppe Verdi par Chef d’orchestre Carlo Rizzi Orchestre Philharmonique de Vienne)
Arrive le Tintoret, peintre du mouvement et de la couleur, dont on découvre les plafonds, le cou tourné vers le paradis, et les personnages qu’il a peints, suspendus entre ciel et terre. Assurément, il s’agit là d’un chef d’œuvre. (Et Vivaldi revient avec Bajazet: Allegro par Christopher Hogwood, L’Arte dell’ Arco)
Autres merveilles, les visages doux des madones de Giovanni Bellini, les œuvres du Titien, qui sont « les peintures emblématiques du cinquecento, dont on retient ici cet art sacré qui s’approche avec douceur du profane, avec sa merveilleuse « Madone à l’enfant » dans un ambiance toute bucolique
On change de décor. Honneur à la Photographie. De belles vénitiennes des temps « modernes », des actrices, des stars du cinéma. Un petit tour à la Mostra du cinéma que l’on ne présente plus, mais ainsi projetée sur les murs, Venise se fait davantage glamour, dans un format XXL (Musique : Nessuno de Capotosti par Mina (Mazzini)
Le palais des Doges, les tapisseries orientales de fils d’or et d’argent, des portraits, les murs du palais parlent de toute une époque, et les murs des carrières s’animent pour célébrer Venise et son histoire. (Musique : Concerto pour hautbois D Minor Op. 9 No. 2 – 2. Adagio de Tomaso Giovanni- Albinoni par Anthony Camden, London Virtuosi, John Georgiadis)
Parmi tous ces tableaux, comment oublier la Bataille de Lépante par Andréa Vicentino qui célèbre le triomphe de Venise.
(Musique : Les 4 saisons, Violin Concerto No. 2 in G Minor,RV 315 ‘Summer’ – III.Presto de Antonio Vivaldi par Dmitry Sinkovsky, La Voce Strumentale)
Autre tableau légendaire, les Noces de Cana de Véronèse que l’on peut voir aujourd’hui au Louvre. Un festin où l’on peut découvrir 130 personnages dans un décor impressionnant, et puis encore Turner pour quitter Venise en douceur !
Yves Klein, l’infini bleu
Autre voyage d’une dizaine de minutes à savourer dans l’antre des carrières, Yves Klein l’Infini bleu (cliquer) (1928-1962). Cette création met à l’honneur l’artiste niçois, grande figure de la peinture du XXe siècle qui souhaitait faire de sa vie une œuvre d’art. C’est un tout autre voyage dans son bleu « international Klein Blue) qui est aussi sa signature. On réalise à quel point la couleur prend une dimension métaphysique et spirituelle.
Mais ce serait réducteur de résumer Klein à une seule couleur. L’artiste niçois surprend et séduit et livre d’autres facettes de sa personnalité. 90 oeuvres et 60 images d’archives. On s’étonne toujours de voir ou revoir ses collaboratrices qui, dans son atelier sont autant de pinceaux vivants qui impriment leurs formes féminines sur le support. L’anthropométrie existait déjà, mais Klein la révèle à sa manière. Le corps, et aussi la nature à l’honneur, avec ses Cosmogonies et ses Reliefs Planétaires. « Pour moi les couleurs sont des êtres vivants, les véritables habitants l’espace » disait-il. Il est un de ceux qui a pensé autrement l’art dont il révèle une conception toute nouvelle. Il dit, non sans une certaine modestie, que la beauté existe déjà, mais à l’état invisible. Sa tâche d’artiste consiste à la saisir partout où elle est, dans l’air et dans la matière. « L’art est partout où l’artiste arrive ». Sa couleur notamment, n’engage pas seulement le regard du spectateur, c’est l’esprit qui voit avec ses yeux. L’or aussi est utilisé par Yves Klein. Pour lui, c’est le passage vers l’absolu.
On est dans l’art conceptuel, corporel, et aussi dans le happening.
Pour résumer, le spectacle court est également très riche, mais il manque ce je ne sais quoi pour nous convaincre tout à fait. Il y a des « ruptures » entre les séquences, laissant apparaitre trop longtemps la pierre nue des carrières. On est dans l’attente. Un blanc. C’était du reste déjà le cas dans le spectacle long. On se souvient de davantage de transitions entre les tableaux et les séquences dans les précédents spectacles. Mais rassurez-vous, c’est toujours extraordinaire ! A découvrir jusqu’au 2 janvier 2023. Il est préférable de réserver, car il y a beaucoup de monde.