Le Grand Tour : une vieille et grande idée qu’Olivier Guez a réactualisée et mis au goût du jour de notre tragique année 2022. Si les jeunes garçons qui avaient la chance de naître dans une famille fortunée du XVIIIème siècle pouvaient visiter les bords d’une Méditerranée en paix pour parfaire leur culture, les jeunes garçons et filles du XXIème siècle et tous les habitants de l’Europe peuvent rêver d’une chose : partir visiter tous les pays de l’Europe une fois la paix assurée. Et c’est bien ce que propose cet ouvrage intitulé « Le Grand Tour » dans lequel vingt-sept écrivains issus des vingt-sept pays de l’Europe présentent leur pays. Qui de mieux qu’un artiste ou un auteur pour capter l’esprit d’un pays. Et en lisant ces vingt-sept auteurs, on se rend vite compte que c’est la culture qui cimente l’Europe, qui en donne les racines.
Si visiter tous les pays de l’Europe est actuellement difficile, la lecture des vingt-sept chapitres est un véritable voyage dans toutes les capitales ou dans tous les plus petits bourgs perdus dans les campagnes. Il y a bien une sensibilité commune à tous ces pays. Les habitants, l’histoire, les coutumes ou les façons de penser ont toutes et tous un rapport immédiat avec les hommes et les femmes qui y vivent, jeunes et vieux, riches ou pauvres, intellectuels ou manuels ou les deux à la fois. Et ce sont bien des personnes dont il s’agit, c’est bien la personne qui est au centre des vingt-sept chapitres de cet étonnant recueil d’articles si différents les uns des autres.
Notre Europe, dont on dit qu’elle est vieille, ce qui n’est guère flatteur mais suppose une longue et solide existence, ressort unie à la lecture de toutes celles et de tous ceux qui racontent leur pays. Il y a eu tant de guerres et de conflits, les langues parlées sont d’origines si diverses, qu’on se demande comment un tel assemblage peut tenir. Et pourtant, les pays de l’Est et notamment les pays Baltes regardent vers l’ouest depuis toujours. Les pays du Nord sont attachés et parfois sceptiques face à leur appartenance à l’Europe mais se sentent finalement européens. Que dire des pays du sud, ceux de la Méditerranée, qui sont européens depuis toujours et qui nous ont donné une grande partie des bases de notre culture commune. Les titres des sept parties en disent long sur les cicatrices, errances, sur la chair, sur les lieux de villégiatures, les blessures et une certaine nostalgie qui balaient les vingt-sept pays qui forment aujourd’hui l’Europe.
Olivier Guez, journaliste et écrivain a demandé et recueilli tous ces textes. Il serait fastidieux de les passer tous en revue. Mais, après avoir refermé ce livre, on ne peut qu’être troublé, ému à la lecture de ce qui fait l’originalité des vingt-sept pays qui composent l’Europe. Et finalement, c’est peut-être Tomas Venclova, écrivain lituanien, qui résume le mieux ce que nous sommes « Les pays de l’Europe ne sont jamais à l’unisson, mais dans l’ensemble, ils sont en harmonie les uns avec les autres ». A lire donc à un moment où la guerre est à nos portes et où l’Europe est une réalité qui attire bien des peuples, bien des pays.
Le Grand Tour
Ouvrage collectif sous la direction d’Olivier Guez
éditions Grasset. 24€
Les contributeurs de l’anthologie sont : Daniel Kehlmann (Allemagne), Eva Menasse (Autriche), Lize Spitz (Belgique), Kapka Kassabova (Bulgarie), Stavros Christodoulou (Chypre), Olja Savicevic (Croatie), Jens Christian Grondahl (Danemark), Fernando Aramburu (Espagne), Tiit Aleksjev (Estonie), Sofi Oksanen (Finlande), Maylis de Kerangal (France), Ersi Sotiropoulos (Grèce), Laszlo Krasznahorkai (Hongrie), Colm Toibin (Irlande), Rosella Postorino (Italie), Janis Jonevs (Lettonie), Tomas Venclova (Lituanie), Jean Portante (Luxembourg), Imannuel Mifsud (Malte), Jan Brokken (Pays-Bas), Agata Tuczynska (Pologne), Lidia Jorge (Portugal), Norman Manea (Roumanie), Michal Hvorecky (Slovaquie), Brina Svit (Slovénie), Björn Larsson (Suède), et Katerina Tuckova (République tchèque).