Le domaine viticole Château Bonisson est situé au cœur du vignoble d’Aix-en-Provence en appellation d’origine protégée « Coteaux d’Aix-en-Provence ». Autant vous dire que l’on n’y vient pas par hasard, le cadre est superbe et le vin réputé. La bastide du XVIIIème et sa terrasse à l’italienne surplombent un vignoble cerné de bois, une partie vallonnée peuplée de chênes centenaires.
« De tout temps, c’est là que l’on venait se rencontrer et échanger dès les beaux jours venus. Bonnir (Bonnisson) signifie bavarder » nous confie le propriétaire des lieux Christian Le Dorze. La famille Le Dorze originaire de Bourgogne réalise un rêve de jeunesse : acquérir ce lieu unique au cœur de la Provence et lui redonner vie. « J’ai beaucoup de chance, c’est ma fille Victoire qui s’occupe de la partie vin, huile d’olive, miel. Elle pilote le domaine avec un sens du détail inouï, elle est précise et exigeante. »
Monsieur Le Dorze, également collectionneur passionné d’art, est « entré » dans le monde de l’art contemporain grâce au Consortium de Dijon alors qu’il était jeune étudiant en médecine. Voilà comme la vigne et l’Art se mêlent se sont étroitement liés à Bonisson, et conversent au rythme des saisons.
Rencontre avec Christian Le Dorze
Quand avez-vous ouvert le Centre d’Art Bonisson et comment se fait la programmation ?
« Nous avons ouvert le Centre d’Art en janvier 2021 dans les anciens chaix du domaine . De nouveaux chaix sont en construction. L’objet du Centre d’art est de présenter des expositions temporaires qui durent environ trois mois chacune, ce qui nous fait quatre expositions par an. Mon choix se porte sur des artistes dont j’aime le travail et que je suis depuis des années.»
Quel accueil vous a-t-on réservé dans la région à sa création ?
On a deux types de visiteurs. Une particularité de ce lieu est que l’entrée est libre et gratuite. Ce qui n’est pas fréquent. On a des visiteurs déjà très avertis et connaisseurs de l’art contemporain : des collectionneurs, des professionnels de l’art, des artistes ou encore des amis de musée. Toutes ces personnes connaissent l’art contemporain et les artistes présentés. Ce qui est intéressant par ailleurs, c’est qu’on amène aussi l’art contemporain à des gens qui ne seraient peut-être pas venus spontanément. On me dit souvent qu’on hésite à pousser la porte des galeries d’art. Ils n’osent pas. A l’occasion de la visite du domaine, le public découvre enfin et généralement, il revient !
Dans la région, il semblerait que l’on soit ouvert à l’Art contemporain. Plusieurs domaines mènent des actions en ce sens : Château la Coste, Château de Vignelaure, la Commanderie de Peyrassol, Château de la Gaude, et bien d’autres.
C’est vrai. Cependant nous sommes très complémentaires et nous avons chacun notre spécificité. Déjà les lieux sont différents. Bonisson est un petit domaine familial, qui veut rester familial, et le centre d’Art est un peu à l’image du domaine et tient à le rester.
C’est déjà une grande galerie !
Oui, bien sûr. C’est un centre qui fait 300 m2, avec 4 salles d’exposition. Ce n’est pas non plus énorme mais c’est déjà un beau lieu. Dans ces domaines si différents, les artistes que l’on présente ont également des univers particuliers. Je choisis le plus souvent l’abstraction, l’abstraction géométrique, le mouvement Supports / surfaces, l’art cinétique, l’art concret, l’art minimal…
Vous connaissez personnellement Viallat. Comment le définiriez-vous ?
Viallat est un homme formidable. Je dirais même que le couple est merveilleux. Il est marié avec Henriette depuis très longtemps et ils forment un couple unique et fusionnel. Il y a une telle proximité entre eux. Claude Viallat possède de belles qualités humaines. C’est un artiste français de premier plan, un artiste contemporain français encore vivant, et reconnu sur le plan international. Il est tout de même un peu régional, puisqu’il est né à Nîmes en 1936, y a vécu et y a fait une partie de ses études. Il habite du reste toujours la même maison dans laquelle il a son atelier. C’est une personnalité tournée vers les autres. Toute sa vie il a tenu à faire de l’enseignement. Il a travaillé à Nîmes, Limoges, Montpellier, Paris…Être professeur dans des écoles de Beaux-arts était très important pour lui et comme vous pourrez le voir, c’est un travailleur qui n’arrête jamais !
On y va ?
La porte en verre coulisse à notre approche. Devant nous, de grandes baies vitrées subliment l’espace et le baignent de lumière. La première salle donne sur une petite cour terrasse, un coin intimiste qui nous parle du passé. Des murs anciens de pierres et des vieilles portes côtoient le style contemporain de la galerie. Et ce sont les œuvres de Claude Viallat qui accueillent le public jusqu’au 12 juin 2022.
Ses œuvres se placent en telle harmonie sur ces murs et au sol, que l’on dirait que cela a été pensé pour lui. Il est du reste venu en repérage, a étudié les lieux, mesuré, imaginé ses œuvres et la scénographie tirée au cordeau est particulièrement réussie.
L’exposition se vit comme un cheminement à travers les couleurs et les formes.
Pour rappel, Claude Viallat a fait partie du mouvement « Supports / Surfaces » dans les années 70. Les artistes de ce groupe redéfinissent la pratique de la peinture à partir de ses données matérielles, châssis-toile, bois-tissu, matériau souple-matériau dur, le tableau ne délivre plus de message, il ne représente plus que sa propre réalité matérielle. « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même » disait-il. Il nous semble que l’artiste est aujourd’hui encore un peu dans cette démarche même s’il est vrai que son œuvre s’est toujours renouvelée.
En désaccord avec les orientations de Supports / Surfaces il quitte le mouvement en 1971. Chacun choisit sa voie, sa propre stratégie artistique, et celle de Viallat ne lui laisse pas de repos. A 86 ans, il poursuit le même chemin : « Déconstruire le tableau, repenser la peinture à partir de la notion de la fin de l’art, requestionner la peinture depuis ses origines. J’ai toujours eu un travail en spirale, qui est resté dans la même rotation« , disait-il.
Des liens l’unissent au courant de l’abstraction lyrique, et là encore, c’est le processus qui est important. Au fil des salles, les œuvres prouvent, si besoin était, que Claude Viallat est également un immense coloriste. Les néophytes pourraient s’étonner de ses « éponges », cette forme répétée à l’infini dans des configurations différentes, sur des toiles, des tentes, des parapluies, des bâches industrielles, des parasols… Avec ce pattern unique de « l’éponge », un logo est né. Claude Viallat est identifiable partout dans le monde. Mais c’était sans compter sur le reste de son œuvre car l’artiste fourmille toujours d’idées et travaille, du soir au matin, sur la peinture, mais aussi sur l’objet. Ce sont des parties parallèles de son travail, et chacune interagit sur l’autre et lui permet d’avancer. C’est une évidence à la vue des œuvres accrochées : jamais trop haut, pour mieux les apprécier. Ne l’oublions pas, il ne s’agit pas de tableaux. Par ailleurs, on ne s’étonne guère quand l’on apprend que l’homme n’est pas intéressé par la notoriété ou la gloire. Il avance, chaque pas en entraînant un autre, il essaie, avec humilité, d’aller toujours plus loin, de trouver de nouvelles formes de représentations, entre constructions et de déconstructions, un véritable défi car souvent, c’est le support étrange et insolite, avec un « vécu », qui guide le travail de l’artiste, et impose à la technique de s’adapter.
Le libre accès et la gratuité de ce lieu permettent à un large public de profiter de ce foisonnement artistique en donnant ainsi accès à une culture ‘extra-sensorielle’, ouvrant une perspective nouvelle aux esprits qui sauront s’y égarer.
Les catalogues des expositions sont disponibles en vente par correspondance. Merci de nous contacter par email sur contact@bonisson.com si vous souhaitez passer commande. Les visites ont lieu les samedis et dimanches à 16h.