En cette période électorale où au niveau des principes constitutionnels se dit tout et n’importe quoi, il fait bon de se replonger dans l’histoire. Beaucoup ont oublié que le seul président de la République qui a été élu au premier tour au suffrage universel (à cette époque que masculin), fut Louis Napoléon Bonaparte, le 10 décembre 1848. Et on sait comment a fini la seconde République !
Et, comme le démontre brillamment Maxime Michelet (il y a des noms de famille vraiment prédestinés), il y a bien des leçons à tirer entre cette République et celle que nous connaissons. Et plus d’un ont fait le rapprochement entre notre premier président et le général de Gaulle, dont François Mitterrand dans Le coup d »état permanent.
De fait, en apparence, rien ne prédisposait Louis Napoléon a cette fonction. Cet héritier avait bien tenté par deux fois de faire un coup d’état mais, à chaque fois cela avait tourné au désastre et l’avait ridiculisé. Il suffit de lire ce que pensaient de lui les ténors politiques de l’époque comme Thiers, Rémusat ou encore Hugo pour penser que c’est un introverti, assez gauche, limité intellectuellement, et j’en passe. Et de fait, ils se sont tous arrêtés à l’image qu’il voulait donner et non à ce qu’il était vraiment, un homme politique avec des convictions bien ancrées surtout au niveau du social et qui, si on avait pris la peine de lire tous ses discours durant sa présidence, avait clairement annoncé son programme . Et en plus comment penser qu’un homme qui a passé la très grande majorité de sa vie en exil pouvait être élu à la présidence de cette nouvelle République. Et de fait il fut élu que trois mois après son retour d’exil !
Quand on lit la constitution de 1848, en sort une impression : le président de la République n’a que très très très peu de pouvoirs, à part « inaugurer les chrysanthèmes », il est pieds et mains liés au gouvernement et à l’assemblée. Il n’a même pas le droit de grâce ! Mais il est chef de l’armée, titre honorifique pour un homme qui ne connaissait rien des affaires militaires. Ce n’était pas son oncle !
Et pourtant, les trois ans que dura son mandat montra que malgré tous les obstacles, il sut parfaitement manœuvrer. Tout d’abord il améliora son image, il la créa pourrait-on dire. Ainsi les inaugurations des lignes de chemins de fer lui permirent de voyager dans cette France qu’il ne connaissait pas au contact de ces Français qui ne le connaissaient pas davantage. N’oublions pas le train de vie fastueux, loin de l’austérité attendue, qui est symbolisé par les bals à l’Élysée. Il a aussi réussi à s’imposer à ses différents gouvernements et surtout à jouer sur les divisions de l’Assemblée qui passait son temps à se déchirer entre les différents courants et sous-courants qui la traversaient : orléanistes, légitimistes, sociaux démocrates et même quelques bonapartistes.
Et de fait, nous sommes loin de la caricature que durant plus d’un siècle les républicains ont essayé de donner du prince-président et qui est bien remis en cause à l’heure actuelle. Et de fait toutes les réflexions que nous avons autour de la fonction présidentielle lui doivent tout : qu’est-ce que l’incarnation du peuple ? Quel pouvoir donner à l ‘exécutif ? Au gouvernement ? Quels liens avec le pouvoir législatif ? Etc.
Mais le prince-président est aussi l’héritier de Napoléon Ier, le fils d’Hortense de Beauharnais et de Louis et donc, bien malgré lui le réceptacle de l’imaginaire du Premier empire. Et de fait, la présidence de la République lui suffisait. Pas à son entourage en général et à Persigny en particulier dont l’unique but depuis qu’il avait rencontré Louis-Napoléon dans les années 1830 était de restaurer l’Empire.
Comprendre l’histoire, comprendre le cheminement intellectuel et matériel de l’action de Louis-Napoléon nous invite à une lecture de notre présent qui montre que l’histoire est toujours une source inépuisable pour la compréhension de notre quotidien.
L’invention de la présidence de la République
Maxime Michelet
éditions Passés Composés. 24€