Voilà un premier roman, écrit durant le confinement, par un jeune écrivain franco-canadien, Benoît d’Halluin, vivant à New-York qui n’est pas sans faire penser, au delà du thème, à la finesse et l’élégance du style de Gilles Paris, l’écrivain, pas l’éditeur, dont nous avons déjà dit le plus grand bien dans les colonnes de WUKALI.
La campagne, au nord de New York, dans les Catskills, sur un pont une Mercedes classe E fonce sur un promeneur.
Carquefou, la nuit, Catherine est réveillée par une sonnerie de téléphone. Un certain Marc qui se présente comme l’ami de son fils Alexis, lui annonce que ce dernier est dans le coma dans un hôpital new-yorkais. Il se propose de passer la chercher et de partir avec lui aux États-Unis par le premier vol d’Air France, d’ailleurs, il lui a pris un billet. Qui est ce Marc dont elle n’a jamais entendu parler ? Et Catherine, en moins de 48 heures va apprendre à connaître ce fils dont elle pensait tout savoir. Pourquoi lui a-t-il caché son homosexualité et la présence à ses côtés d’un homme qui l’aime sincèrement ? Et cet accident qui s’avère être une tentative de crime, qui en est l’auteur ? Marc ? Juan, l’ancien compagnon de ce dernier qui l’aime toujours ? Ou une autre personne qui en veut à son fils ?
Ce roman est bâtit à travers le point de vue de trois personnages : d’abord Catherine qui elle, vit au présent.
Celui de Marc, le corse, abandonné par sa mère, chassé par son père quand il a appris l’homosexualité de son fils. Un battant qui a réussi à faire une belle carrière dans la finance et qui s’est éloigné de la France pour fuir son passé. Marc est un bourreau de travail grand consommateur de drogue et autres anti-dépresseurs, un consommateur effréné d’aventures d’un soir grâce aux réseaux sociaux, mais surtout un homme qui voudrait se stabiliser, donner un sens à sa vie, prendre du recul par rapport à cette société américaine, basée plus sur le paraître que sur la profondeur des sentiments humains.
Et puis il y a Alexis, victime d’attouchements de la part de son professeur de théâtre, l’adolescent qui culpabilise, mais qui finit par comprendre que, soit il est une victime, mais que s’il est attiré par les hommes, ce n’est pas à cause de ce traumatisme, mais parce que c’est sa nature profonde. A l’inverse de Marc, il ne cherche pas la consommation mais à avoir des relations durables. D’ailleurs avec son ami d’enfance Thibaud, il est prêt à s’installer avec lui, mais ce dernier est trop directif, voire violent. Il a essayé plus d’une fois de parler de son homosexualité à ses parents, mais à chaque fois, un événements inattendu l’a fait renoncer.
Quand Marc et Alex se rencontrent sur l’île de Saint Honora dans les Lerins, c’est le coup de foudre, malgré la distance entre New-York et Paris, leur amour se développe. Et puis un jour, Thibaud, après une dernière discussion violente avec Alex a un accident de voiture qui ressemble à un suicide ne pouvant imaginer que son ancien amant qu’il aime encore puisse le repousser. Alors Alex, fuit lui aussi et va rejoindre Marc dans la ville à la pomme.
Et il se fait écraser et tombe dans un coma profond.
Comme je l’ai écrit, le style de Benoit D’Halluin est plein d’élégance, de finesse et de pudeur. Roman sur l’homosexualité ? Oui, mais certainement roman sur la force rédemptrice de l’Amour, du vrai, pas de l’attirance voire de la dépendance que d’aucuns appellent amour. Il montre parfaitement les différences de vie entre la France et les États-Unis où l’apparence est reine, où les gens cherchent à tout faire, tout avoir le plus rapidement possible, tout optimiser. Mais ne cherchent-ils pas quelque chose qui les dépasse ? Ne veulent-ils pas donner un sens à leurs vies comme les natifs de la veille Europe ?
Bien sûr, l’auteur aborde des problèmes propres à la communauté homosexuelle comme l’homoparentalité, les abus sexuels, la consommation de sexe et de produits illicites, le coming out et surtout la solitude et souvent le désespoir. Et je ne parle pas , ce qui n’est pas propre à cette communauté, de l’anonymisation des relations humaines à travers les réseaux sociaux.
Un premier roman, une belle réussite.
Une nuit sans aube
Benoit D’Halluin
XO éditions. 19€90