Le père d’Ulysse a disparu avant sa naissance. Bien sûr, il aimerait bien savoir à quoi il ressemblait, son histoire et surtout pourquoi il l »a abandonné. Garçon plutôt renfermé, très bon à l’école, il s’épanouit quand même avec sa mère et son beau-père. Mais un jour, un de ses camarades d’école le traite de fils d’assassin. Il découvre alors que ses parents se sont rencontrés alors que son père était en prison, condamné à 20 ans pour le double meurtre de ses parents, ainsi débute le roman de Romane Saint-Jean.
Parallèlement, le lecteur découvre la vie de Jean-Luc, son père : fils aîné de trois enfants, il est sous la coupe d’Albert le terrible patriarche, un homme dur pour ses enfants, à l’exception de sa fille Céline,et de Mathilde, qui préfère Charlie le gros bêta de la famille. Albert ne fait que reproduire ce qu’il a connu pour gérer la ferme familiale dans les Deux-Sèvres. Jean-Luc est renfermé, colérique, Charlie passe son temps a essayé de fuir les corvées, Céline passe vite un BEP pour devenir coiffeuse. Et puis un jour Albert est retrouvé mort dans le verger, tombé d’une échelle. Quelques mois après, c’est au tour de Mathilde de chuter dans les escaliers et de mourir. Dans cette communauté rurale, l’opinion publique trouve ces morts rapprochées particulièrement suspectes et désigne Jean-Luc à la vindicte populaire. Et il s’accuse des crimes.
Quand il sort de prison, il s’aperçoit vite que la vie avec sa femme Clarisse et son fils est quasiment impossible tant qu’il n’a pas réglé ses comptes avec sa famille. Alors il repart s’installer dans le moulin de la ferme familiale, reprise par Charlie avec Noémie qui ont quatre enfants : Lucas, Marion, Anne-Lise et Arthur. Quant à Céline, elle va d’échec sentimental en échec sentimental à Nantes. Mais voila Anne-Lise est elle aussi retrouvée morte en bas des escaliers du moulin et Jean-Luc a disparu.
Ulysse connaît la famille de son père, mais n’aime pas Charlie qui montre un penchant certain pour l’alcool et qui est toujours plein de haine contre son aîné. Heureusement qu’il y a Arthur. Les deux cousins sont très proches, font leurs études supérieures à Bordeaux, même quand Zoé, la femme d’Arthur, lasse de son absence (Ulysse est océanologue et passe son temps à parcourir le monde la laissant seule avec leurs jumelles), part vivre avec Arthur.
Charlie décède, Lucas le taciturne s’engage dans l’armée et à force d’actes de bravoure finit par se faire tuer. Il laisse une lettre à Ulysse. Après bien des péripéties, plus de dix ans après, il finit par la lire et connaît enfin le fin mot de l’histoire et ce qu’est devenu son père.
Quand Noémie décède, il vient aider Arthur à vider la ferme et tombe sur des papiers de 1917 où une partie de l’histoire familiale enfin leur apparaît, l’histoire de leur grand-père du frère de ce dernier et de leur arrière-grand père.
Ulysse repart aux Comores où il réside en homme libre.
Comment ne pas penser avec ce roman de Romane Saint-Jean à Aïe mes aïeuls d’Anne Ancelin Schutzenberger, sur les secrets de famille, les non-dits dont nous sommes les dépositaires sans même le savoir. Et on va parler du libre arbitre alors que les actes de nos aïeuls, même ceux que nous connaissons pas peuvent influencer nos actes, notre façon de parler. Ulysse en est l’exemple : il sait qu’il y a un, voire des secrets autour de son père. Soit sa mère en connaît une partie, mais qu’une partie, le reste de la famille une autre. Mais que se soit Jean-Luc, Charlie ou Céline, ils sont « victimes » du lourd secret de leur père. Progressivement, le passé se dévoile et ayant réponse à ses interrogations, le héros finit par trouver une sérénité morale qu’il n’avait jamais eu de toute sa vie.
Un petit reproche, les lettre, les cahiers, sont décrits et non écrits à la première personne du singulier comme on pouvait s’y attendre.
Mais au-delà, nul doute, Un équilibre incertain, joli roman de Romane Saint-Jean, aborde simplement mais efficacement un sujet complexe mais bien réel.
Un équilibre incertain
Romane Saint-Jean
éditions Saint Honoré. 18€90