Une forêt, une forêt profonde, dense, noire, dangereuse pour ceux qui ne la connaissent pas. A son orée, une petite ville, qui fut prospère, mais quand la compagnie gestionnaire de la forêt est partie sur un autre site, elle a périclité. Ne restent plus alors que des bûcherons et d’autres personnes qui ne peuvent partir tant elles sont endettées, comme le patron du bar, celui de la blanchisserie ou encore de la librairie !
Cette forêt est interdite aux visiteurs. Il y a même un garde qui empêche les touristes d’y entrer. D’ailleurs l’ancien garde a disparu sans même prévenir, aussi son frère cadet Lee Ha-in, qui le hait, pour faire plaisir à leur mère se rend dans cette ville pour essayer de le retrouver. Personne ne dit l’avoir connu, voire même rencontré. Même le mystérieux Monsieur Jing qui semble être le chef invisible de cette communauté. Mais alors qu’il avait décidé de partir, Lee Han-in est victime d’un chauffard. Allait-il découvrir quelque chose d’illégal ? A force de poser des questions, certains ne se sont-ils pas sentis dérangés dans leur routine. Sa démarche n’a-t-elle pas fait ressurgir dans leurs mémoires des souvenirs qu’ils avaient consciencieusement voulu oublier ?
Reste le nouveau gardien Park In-su, un homme fuyant lui aussi son passé. Il est venu avec sa femme et leur fils. Il adore son fils, mais celui-ci le fuit depuis qu’il l’a projeté contre un mur lors d’un délire alcoolique le blessant gravement. Car In-su est un alcoolique profond. Bien sûr il essaie de lutter contre son vice, mais dés que le stress arrive, il retombe dans ce travers. Et pourquoi, connaissant son intempérance, Monsieur Jing vient lui rendre visite avec deux bouteilles d’alcool ? Et qu’est-ce donc que ce hibou dans la forêt ?
Beaucoup de questions, très peu de réponses en fait, car à dire vrai, ce n’est pas important. Il y a des hommes, essentiellement des épaves humaines qui sont dans cet endroit perdu un peu par hasard, malgré eux. Sauf un, Monsieur Jing qui est le seul être lucide de cette histoire. Mais tous sont fascinés par le personnage principal de ce roman : la forêt ! Elle a son caractère, une vraie âme et se joue des hommes et de la peur qu’elle leur inspire. Sa force est d’enfermer non en son sein mais dans sa périphérie ceux qui la côtoient. Elle distille son venin insidieusement et les enchaîne. Et ceux qui s’aventurent en son sein, risquent de disparaître comme avaler, manger, digérés par elle.
Hye-Youg Pyun, cette jeune auteure coréenne, déjà connue dans bien des pays peut-être classée parmi les émules de Stéphan King. Mais avec un vrai talent littéraire et une façon de distiller une sorte de poison bien asiatique qui fait sa signature.
La nuit du hibou
Hye-Young Pyun
éditions Rivages/Noir. 22€
Illustration de l’entête: Hye-Young Pyun.
©Photo Kim Seungbun