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Anna Fedorova étoile lumineuse à La Roque d’Anthéron

par Pétra Wauters

Un peu malgré elle, la jolie jeune femme ukrainienne de 32 ans est devenue le symbole de la résistance face à l’envahisseur russe !  Et comme « la musique est plus forte que les beaux discours », c’est donc à son piano que la jeune pianiste a décidé d’agir en organisant une série de concerts au profit de l’Ukraine dans toute l’Europe. C’est comme cela que nous souhaitions vous la présenter.

Ce dimanche 24 juillet, le concert de La Roque dans le parc du Château de Florans ne fait pas partie de cette série de gala de charité, toutefois, la générosité d’Ana Fedorova se lit, s’entend, s’écoute, se voit.  Déjà elle est superbe et gracieuse, vêtue d’une longue robe rouge à bretelles.

La soirée débute et de fort belle manière.. Pas de clair de lune dans le parc du château de Florans pour illustrer la sonate n°14 de Beethoven, dite « Au clair de lune ». Elle était intitulée à l’origine « Sonata quasi une fantasia » car sa forme était « originale », quasi hors norme. 

Il fait encore jour, le soleil est présent, et les cigales n’ont pas livré toute leur partition. On connait tous ce bijou. Dès les premières mesures, on est connecté à Beethoven car la pianiste exprime admirablement les émotions du compositeur, de l’espoir au désespoir et de la joie à l’amertume. La jeune femme devient le trait d’union entre le public et le compositeur révélant les secrets les plus intimes de cette pièce inspirée par un amour déçu.  On garde à l’oreille le tempo lent du mouvement initial, si original.

Olécio partenaire de Wukali

L’« Adagio sostenuto » est aussi l’une des pages les plus connues de Beethoven.  D’aucuns parlent de marche funèbre. Dans l’Allegretto et “Attaca subito”, on s’éloigne doucement de la douleur et de la solitude, cela devient plus dansant, primesautier, et la pianiste marque brillamment tous les contrastes, nous entraine dans sa chorégraphie, se fait légère, ses doigts sont de plus en plus souples et vivants, virevoltant lors de courtes accélérations. La pianiste imprime un rythme énergique et cadencé qui nous prépare au somptueux final, sombre et puissant. 

Chopin, Nocturne opus 27 n°2,  c’est le côté fragile des moments heureux que la pianiste développe avec une incroyable sérénité dans cette pièce au caractère rêveur et mélancolique.  Ana Fedorova a cette façon de nous cueillir et on s’abandonne voluptueusement. La vie intérieure du compositeur romantique n’a presque plus de secret pour nous. Avec ses notes claires, précises, la pianiste nous livre un chant d’intimité de toute beauté. 

Autre œuvre de Chopin, sans doute l’une des plus ambitieuses la  Ballade n°4 en fa mineur opus 52 et cette dernière ballade écrite par le compositeur a tout pour séduire et ainsi interprétée, on est aux anges.  Elle est pleine de rebondissements et d’idées lumineuses. Ana Fedorova est tout aussi à l’aise dans ce répertoire qui tient davantage de la fantaisie que du romantisme. Originalité de ses motifs, richesse de son harmonie, elle souligne tout, et ensoleille cette ballade dans ses moindres recoins avec une énergie enflammée. 

On écoutera avec d’autant plus de plaisir Nelson Goerner qui, dans son hommage à Radu Lupu le 13 août à 21 heures, interprètera du Chopin et notamment cette belle Ballade n° 4. C’est tellement passionnant de découvrir deux artistes différents jouant une même pièce. On apprécie ces regards croisés que le festival nous offre tous les ans. 

Tableaux d'une exposition Modeste Moussorgski Viktor Hartmann
Peintures de Viktor Hartmann vues par Modeste Moussorgski et qui l’inspireront pour sa composition

Moussorgski : Tableaux d’une exposition. Avec quelle virtuosité la jeune femme s’attaque à cette dernière partie du programme. Nous sommes avec elle et comprenons tout de l’exposition qui, un jour, subjugua le compositeur. Toutes les subtilités, les phrasés, la liberté technique, les expressions sont exposées. Le temps s’est arrêté et l’auditorium s’est transformé en une galerie onirique ! Il s’agit d’une création très originale jamais crée pour le piano. Imaginez, on se promène d’une toile à l’autre, la musique rend un vibrant hommage à la peinture et même si le peintre ne nous est pas familier, (Viktor Hartmann Cliquer pour voir l’oeuvre), peu importe !  

Musique et peinture étroitement liées, Moussorgski peint avec de la musique, et Ana Fedorova agite les pinceaux, joue avec les pigments, sort parfois les couteaux pour travailler la matière sonore !  Nous croyons dans la capacité à entendre les couleurs dans la musique et avec Ana Fedorova, l’impression ressentie musicalement est forte, vibrante. Cela vient aussi du fait que son traitement au piano est quasi orchestral. On aime du reste la version orchestrale d’un Ravel inspiré, qui a respecté la musique originale. 

Ana Fedorova, à l’issu du concert nous confiera que c’est cette pièce qu’elle a préféré jouer ce soir-là. Elle était en parfaite communion avec Modeste Moussorgski, cela s’est vu, et entendu, bien sûr !

Au programme ce soir là :
Beethoven : Sonate n°14 en ut dièse mineur opus 27 n°2 “Clair de lune”
Chopin : Nocturne en ré bémol majeur opus 27 n°2
Chopin : Ballade n°4 en fa mineur opus 52
Moussorgski : Tableaux d’une exposition

Trois bis magnifiques généreusement offerts par la jeune pianiste : 
De Falla : Danza ritual del fuego
Chopin : Valse en do dièse mineur op.64 n°2
Rachmaninov : Prélude op.32 n°2 en sol dièse mineur

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