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Lukas Geniušas avec Schubert et Liszt, hypnotique et charmeur à La Roque d’Anthéron

par Pétra Wauters

Parc du Château de Florans 

On connaissait le jeune pianiste Lukas Geniušas que l’on compte depuis des années déjà parmi les plus grands, mais nous n’avions pas encore eu l’occasion de le voir sur scène. La presse, le public louent son génie et sa grande maturité. Et pourtant, lepianiste russo-lituanien n’a que 32 ans ! Et déjà une quantité impressionnante de prix et récompenses parmi les plus prestigieux – Une chemise très « stylisée » à motifs, sur un pantalon noir, cheveux hirsutes et barbe noire, il fait « sérieux » d’autant plus qu’après un bref salut, il regagne sa banquette de piano et passe directement aux choses… sérieuses. Il faut dire que ce vendredi 29 juillet, le programme ambitieux en diable demandait une concentration extrême. Sa façon de jouer, entre engagement absolu et jardin secret, nous en dit long sur les différentes facettes de sa personnalité. A l’issue de la soirée, on a très envie de prendre date pour l’écouter de nouveau.  

Mais commençons par le début ! 

Schubert : Quatre Impromptus opus 90 D. 899

Ces Impromptus rassemblent tout l’esprit de Schubert dans le domaine pianistique, dans ce qu’il a de plus libre. Ils comptent parmi les plus belles pages romantiques du compositeur. On savoure tout, même si notre préférence va au troisième mouvement, andante en sol bémol majeur.  Lukas Geniušas nous livre une sublime mélodie, presque irréelle, fluide, enchantée. En son milieu, quelques accents plus ténébreux que le pianiste distille avec élégance et subtilité. Le n° 4 aussi est admirable. Une merveille de poésie

Le toucher du pianiste est précis, doux, léger, puis soudain l’orage se fait sentir, ses mains s’agitent dans une dynamique et une frénésie telles que l’on sent naître son plaisir de jouer dans ces belles prises de risques.  Jusqu’alors, et suivant les œuvres bien évidemment, le jeune homme semble introverti, davantage replié sur son clavier, dans sa bulle.  Ses doigts sont près du clavier, ses gestes le plus souvent courts. Le pianiste ne nous perd jamais dans le démonstratif. Il n’y a que son jeu de pédales doublé de celui des jambes, qui parfois nous surprennent.  

Olécio partenaire de Wukali


Franz Liszt :
la Sonate en si mineur 

Elle sied à merveille au jeune pianiste par son originalité, sa construction, son audace. Il la joue avec beaucoup de brio, laisse glisser l’œuvre, grande fresque épique et pleine de ferveur, d’engagement. Le pianiste s’y projette, sans trop en faire, là encore, sans excès, soucieux de maintenir le bel équilibre de ce monument. Liszt prend corps, il n’est pas juste douloureux, il est chargé d’humeurs ondoyantes, changeantes et de poésie. Le pianiste ne cherche pas prouver qu’il sait jouer fortissimo, ne confond pas violence et passion comme on peut le voir parfois. D’ailleurs, il bouge peu, l’énergie concentrée tout entière dans ses doigts, et parfois ses jambes, on vous le disait !

Les bis nous feraient presque mentir. D’une inspiration quasi minimalisme,  Leonid Desyatnikov Леони́д Арка́дьевич Деся́тников  avec sa  Berceuse. Et toujours Leonid Desyatnikov avec son étonnant Prélude en sol mineur.

Voilà des musiques qui semblent avoir été écrites pour le bon interprète. On est embarqué complètement ailleurs, avec un pianiste quelque peu différent, qui livre quelques excentricités délectables !  

Superbe Schubert pour terminer la soirée, avec Minuet en do dièse mineur D600.

Illustrations de l’entête et de l’article: Lukas Geniušas
Photo©Valentine Chauvin

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