Encore une soirée au sommet avec le pianiste britannique Benjamin Grovesnor qui a impressionné le public par sa grande maîtrise et sa musicalité. Le jeune pianiste de 30 ans, qui multiplie les prix et les distinctions depuis son plus jeune âge – imaginez, BBC Young Musician of the Year à onze ans seulement ! – n’est pas un soliste « spectaculaire », on pourrait même dire qu’il est anti-spectaculaire. Mais il donne tellement à entendre ! Benjamin Grosvenor est calme, toujours dans la maîtrise absolue de son clavier, tout au service de sa musique.
On le voit concentré d’un bout à l’autre du concert. Légèrement replié sur son piano, il ne quitte pas ses doigts des yeux. Ce n’est pas qu’il manque d’assurance, car on peut vous le garantir, cet homme-là ne craint rien ni personne quand il est devant son clavier et son flegme britannique n’a d’égal que son panache à dire les choses. L’éloquence, voilà le terme qui lui correspond le mieux si on devait n’en choisir qu’un !
Son programme déjà séduit :
Franck : Prélude : Choral et Fugue,
Albéniz : Iberia Livre 1, évocation, El Puerto et Corpus Christi in Sevilla,
A Ginastera : Danses Argentines, 1 Danza del viejo Boyero, 2 Danza de la Moza donosa, « Danza del gaucho matrero,
Ravel : Jeux d’eau, La Valse.
Le pianiste prouve ainsi son goût pour des pièces contrastées dans lequel il se fait peintre coloriste ! Il y a du Turner en lui, l’élégance dans la passion, des touches fermes et fluides tout à la fois, comme celles du peintre anglais, qui définit les contours pour soudain les fondre et les dissoudre. Certaines pièces sont précises et floues tout à la fois, comme ce César Franck qu’on n’est pas près d’oublier, ou encore le Ravel dans ses Jeux d’eau dont le scintillement nous éblouit comme une toile impressionniste aux milles reflets étincelants. Ce pourrait être Monet, qui se « brûlait les yeux » à peindre la lumière, se rapprochant au plus près de l’eau. On aime tout dans ce programme ! Sans doute notre cœur penchera ce soir-là davantage pour les Danses Argentines –
L’Argentine, un pays que nous connaissons bien pour y avoir vécu quelques années. Ce qui nous fait dire que le plaisir peut être décuplé à l’écoute d’un thème dont on se sent proche. Ainsi les pièces d’Alberto Ginastera exigent non seulement une grande virtuosité mais aussi une mise en scène musicale brillante.
Coup de cœur encore, pour Iberia, d’Albeniz. Ici encore le musicien peint et chante dans un tempo parfait. Le Puerto nous met en joie. Pourtant, Benjamin Grosvenor, se livre aussi dans le noir le plus absolu, comprenez le côté sombre et obscur d’une partition, et dans ces climats si différents la magie opère également.
On pense à la Valse de Ravel, et lorsque l’on vous parle de contrastes, on ne peut pas en imaginer de plus frappants. Tout un monde sépare les Jeux d’eau de la Valse. Le jeune homme, fidèle à ces bijoux et à lui-même, est appliqué dans sa quête de perfection. Quasi-immobile devant son piano, il joue la tendresse et pour le premier, pour soudain nous livrer toute la puissance et multiplier des effets d’inquiétude extrême dans le second. Ses doigts se démultiplient. Combien sont-ils au bout de ces blanches mains qui sculptent chaque note ?
De peintre à sculpteur, il n’y a qu’un pas !
Pour répondre à l’enthousiasme du public, l’artiste offrait deux bis somptueux, et bien connus : le célèbre air irlandais Danny Boy (Londonderry Air) et Schumann ( Abendlied op.85 n°12).
Illustration de l’entête
Benjamin Grosvenor
Photo ©Valentine Chauvin