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Les Pussy Riots réduisent Poutine en cendres

par Pierre-Alain Lévy

Pussy Riots, cela vous dit quelque chose ? Rappelez-vous oui ce groupe de femmes qui défiaient Poutine et la chape de plomb bigote qu’il faisait régner sur son pays, en se dévêtissant et montrant leurs seins nus en plein milieu d’un office dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, cela se passait en 2012 .

Alors, scandaleuse les Pussy Riots, il était pourtant un temps ou Véronique nettoyait le visage du christ martyr et où Marie Madeleine était agenouillée au pied de la croix.

C’est toujours la même chose, des artistes innovent, protestent à leur manière contre ce qu’ils considèrent être des entraves à la liberté, à la liberté d’expression c’est certain, au ronronnement du paraître, à l’affaiblissement de l’esprit critique. Nul doute ils choquent et tel est bien leur but. En effet, ils attendent une réaction du public, des critiques, cependant le bon peuple en rit puis passe à autre chose ! Voici la conclusion terrible de notre société de l’information sous toutes les latitudes ( mais là j’avoue, j’exagère) l’indifférence, le haussement d’épaules, l’éphémère comme une mémoire volatile. Paris vaut bien une messe n’est-ce pas !

Raymond Barre, ancien Premier Ministre français (1976-1981), disait sur un tout autre sujet, je cite: « on ne déjeune pas avec le diable même avec une très longue cuillère »; sentence bien sentie quand il s’agit de traiter avec les despotes.

Olécio partenaire de Wukali

Des prémices cependant existent, des alertes apparaissent pour mettre en garde et prévenir du danger quand un chef d’état menace la liberté dans son pays ou la paix du monde ! Ne me faites pas l’injure de vous donner des exemples, vous en connaissez plein.

Ma mémoire historique, ma mémoire familiale est ancrée dans ce XXème siècle qui en a vu de ces avanies quand tant de gens informés, diplomates, intellectuels, journalistes, certains politiques aussi, prévenaient des dangers du communisme russe ou d’Hitler («même combat», comme ne diraient pas les syndicalistes de la CGT qui défilent, à deux pas des black blocs ou des crânes rasés de l’extrême-droite aujourd’hui en France !)

On a beau prévenir, rien n’y fait, «Ah, les Cons ! », autre citation bien connue.

Nadya Tolokonnikova
Photo Santiago Pagnotta. 2021

Les Pussy Riots qui eurent le courage de protester, ne furent pas les seules au demeurant à défier le pouvoir russe de Moscou. Piotr Pavlenski, un artiste, avait fait de même et avait quant à lui donner de sa personne (si j’ose dire), en clouant ses testicules ( vous avez bien lu) sur la place du Kremlin et en se cousant les lèvres, c’était en 2013. On ne dira jamais assez le mysticisme de l’âme russe ! (ce dernier fut expulsé de Russie et vint s’installer en France où il fit parler de lui).

Constante russe, on relègue dans un camp en Sibérie, de préférence dans l’extrême-Orient où rien n’existe à des centaines de kilomètres à la ronde sauf quelques hordes de loups dans la forêt glacée à perte de vue. Méthode toujours en usage. Ainsi on y envoie croupir et parfois mourir quelques opposants. Décrire les camps de déportation russes, c’est entrer dans les cercles de l’Enfer. Lire Dostoievski, Alexandre Soljenitsyne sur le Goulag, ou Vassili Grossman et autres bons auteurs russes et ils sont nombreux !

Eh puis bien sûr l’expulsion manu militari ! Cela fait penser à l’Inquisition naguère, le choix entre le bûcher et le bannissement hors du pays. C’est qui arriva à Soljenitsine et dont fut menacé en 1958 Boris Pasternak s’il allait chercher son Prix Nobel de littérature à Stockholm.

Ah cher Vladimir, vous êtes impayable( façon de parler), vous êtes bien un fils de GRU ! La culture totalitaire et criminelle de l’ancienne URSS vous colle à la peau. Et dire qu’en France certains comme à Moscou regrettent cette période du communisme triomphant, il est vrai qu’au Sénat du Luxembourg à Paris les fauteuils sont confortables!

Opération « Les cendres de Poutine »

Qu’il est facile de se moquer ou de tourner en dérision, ces Pussy Riots qui osent. Oui qui osent, et qui ont le courage de défier l’autorité de Poutine, de se mettre en travers du conformisme ambiant et correct, en exhibant comme acte suprême de révolte, leurs seins nus. C’est Gavroche qui s’expose à la mitraille, c’est la Liberté de Delacroix qui avance sur les barricades, c’est le Zéro et l’infini. C’est tout simplement beau, c’est une émotion du don de soi, le don paisible, comme l’aurait écrit Mikhaïl Cholokhov, l’offrande de son corps.

Pour l’action menée dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en 2012, deux de ces jeunes femmes activistes, Nadya Tolokonnikova et Maria Alyokhina écopèrent de deux ans de prison dans le camp de travail IK 50 (autrement dit le bagne) en Sibérie orientale dans la région de Krasnoïarsk, non loin d’Irkoutsk et du lac Baïkal.

Le groupe Pussy Riot ne se structure pas selon une hiérarchie déterminée, loin de là, il s’adapte aux circonstances.

En août dernier, pour réagir contre «l’opération militaire spéciale » contre l’Ukraine décidée par Poutine, 12 Pussy Riots habillées de combinaisons, nuisettes et soutien-gorges noirs et portant des bas résilles à large filet, leurs visages dissimulés sous une cagoule rouge comme le bourreau de Béthune, décidèrent d’un happening où le portrait du cher Vladimir serait brûlé. Elles étaient russes, bielorusses ou ukrainiennes. Elles lancèrent ainsi l’opération «Les Cendres de Poutine ». Une mise en scène impeccable, symbolique, très médiatique, utilisant un second degré de communication (quand d’autres naguère et sous d’autres latitudes s’exprimaient au premier). Avec une touche d’érotisme original, un activisme féminin militant et une pincée de magie, c’est ainsi que la photographie de grande dimension de ce cher Vladimir fut consumée par les flammes.

Los Angeles

Une exposition dédiée aux Pussy Riots, vient de s’ouvrir à Los Angeles à la galerie Jeffrey Deitch sur Santa Monica Boulevard. Ainsi de nombreux objets récupérés des cendres recueillies lors de l’opération Les Cendres de Poutine, sont exposés.

Nadya Tolokonnikova (cagoule blanche) interprétant Putin’s Ashes.
Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de Jeffrey Deitch, Los Angeles.

Voici la présentation qu’en fait la galerie Jeffrey Deitch

Les Pussy Riot présentent leurs performances radicales dans la galerie Jeffrey Deitch à Los Angeles et invitent tout le monde à se joindre à leur protestation contre le dictateur russe qui a déclenché la plus grande guerre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Pour la première fois, les Pussy Riot présentent leurs performances politiques dans une galerie de Los Angeles.

Putin’s Ashes (Les cendres de Poutine) a vu le jour en août 2022, lorsque les Pussy Riot ont brûlé un portrait de 10 x 10 pieds du président russe, procédé à des rituels et jeté des sorts visant à chasser Poutine. Douze femmes ont participé à la performance. Pour y participer, les femmes devaient éprouver une haine et un ressentiment aigus envers le président russe. La plupart des participantes étaient soit ukrainiennes, biélorusses ou russes.
Lors de cette opération, Nadya Tolokonnikova, membre fondatrice de Pussy Riot, a mis en bouteille les cendres du portrait brûlé et les a incorporées dans ses objets qui sont présentés en même temps que son court-métrage d’art, Putin’s Ashes, réalisé, monté et mis en musique par Tolokonnikova.

«En travaillant avec des artefacts, en mettant les cendres en bouteille et en fabriquant les cadres en fausse fourrure pour les bouteilles, j’ai utilisé les compétences que j’ai acquises dans les ateliers clandestins de ma colonie pénitentiaire. En effet, j’ai été forcée de coudre des uniformes de la police et de l’armée dans une prison russe. J’ai retourné ce que j’ai appris dans mon camp de travail contre ceux qui m’ont enfermée. Poutine est un danger pour le monde entier et il faut l’arrêter immédiatement», a-t-elle déclaré.
L’artiste de performance conceptuelle et militante Nadya Tolokonnikova est la membre fondatrice des Pussy Riot, un mouvement artistique féministe mondial de protestation. Aujourd’hui, des centaines de personnes s’identifient comme faisant partie de la communauté Pussy Riot.

En 2012, Nadya Tolokonnikova a été condamnée à deux ans d’emprisonnement suite à une performance anti-Poutine. Tolokonnikova a fait une grève de la faim pour protester contre les conditions de détention sauvages et a fini par être envoyée loin, dans une colonie pénitentiaire de Sibérie, où elle a réussi à maintenir son activité artistique et, avec son groupe punk de prison, a fait une tournée des camps de travail sibériens. Tolokonnikova a publié un livre intitulé Read and riot : Le guide de l’activisme des Pussy Riot en 2018.


Tolokonnikova est cofondatrice du service d’information indépendant et du média Mediazona. Elle s’est exprimée devant le Congrès américain, le Parlement britannique, le Parlement européen et est apparue en tant qu’elle-même dans la saison 3 de House of Cards.

L’œuvre Punk-prayer des Pussy Riot a été classée par The Guardian parmi les meilleures œuvres d’art du 21e siècle (« féministe, explicitement anti-Poutine, protestant contre l’interdiction de la gay pride et le soutien de l’église orthodoxe au président« ). Le mouvement a collaboré avec Bansky pour son exposition Dismaland, a été soutenu par Marina Abramovic et Ai Weiwei et a créé une expérience immersive à la Saatchi Art Gallery de Londres.

Les Pussy Riot défendent la fluidité des genres, l’inclusivité, le matriarcat, l’amour, le rire, la décentralisation, l’anti-autoritarisme, la liberté décontractée.

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