Les Carrières des Lumières présentent en 2023 deux nouvelles expositions immersives : « De Vermeer à Van Gogh, les maîtres hollandais » en programme long et « Mondrian, l’architecte des couleurs » en programme court.
Cette année, c’est Virginie Martin, qui a pris les commandes et conçu, avec sa fine équipe, les deux programmes. La jeune femme nous propose une véritable immersion dans une peinture sublime, une balade captivante à la rencontre des Pays-Bas qui ont vu émerger tant de peintres de talent.
Virginie Martin connait bien les lieux. Elle a déjà travaillé un spectacle court sur le site : Vassily Kandinsky, l’odyssée de l’abstrait », une réalisation à la hauteur du « Cézanne, le maître de la Provence » proposé par Gianfranco Iannuzzi en 2019. Elle a su cette fois-ci encore apporter sa touche sensible à ce nouveau spectacle, très différent des précédents. On songe à la célèbre vague d’Hokusai et la pluie d’Hiroshige qu’elle a animées dans une vidéo proposée à l’Exposition “Hokusai, Hiroshige, Utamaro… Les grands maîtres du Japon » à l’Hôtel de Caumont à Aix-en-Provence. Aux Carrières 2023, il a fallu jouer avec les clairs obscurs, nous présenter les grands maîtres qui peignent « l’ordinaire » de façon extraordinaire. Le fil rouge de parcours, c’est la lumière justement qui enveloppe toutes choses. Vermeer, le metteur en scène, la connait bien, lui qui, tel un cinéaste, sait créer grâce à elle, un véritable climat dans l’intimité d’un foyer.
Autre atmosphère mystérieuse avec Rembrandt, qui nous balade dans les cathédrales et nous invite à plus d’introspection. Avec lui on apprivoise la nuit et on se réjouit de découvrir le peintre sous toutes ses faces, à tous les âges. L’autoportrait a été, avec le portrait et les scènes bibliques, l’un de ses principaux thèmes de prédilection.
Il y a encore Bloemaert, qui nous entraine au Royaume des dieux, puis, on redescend sur terre pour retrouver Jendrick Avercamp et glisser avec des patineurs sur des étendues gelées ou encore s’installer dans la taverne, bruyante et animée, car on y fait la fête grâce à Jan Steen. Il faut avoir le pied marin avec Hendrick Cornelisz Vroom et sa mer déchainée que Virginie évoque si bien dans son animation, haut les cœurs chahutés. Heureusement, des fleurs nous ramènent dans une réalité toute colorée, un peu de sorcellerie avec des bouquets explosifs, des « silleven » tranquilles, natures calmes qui soudain quittent la table pour jaillir sur tous les murs.
Le spectacle se termine par une autre partie, un hommage à Van Gogh, l’héritier hollandais qui a tout compris de la lumière, du soleil, de la nuit. Virginie a choisi de nous montrer le peintre, mais surtout son voyage à travers la couleur. .
Peinture, musique, architecture, des univers abordés, aux Carrières, c’est toujours la même formule, mais jamais la même la chose ! Quelle partie nous a le plus séduit, le plus touché ? Difficile à dire. Il nous faudra sans doute revenir avec plaisir et revoir les rubriques : La société hollandaise, Vermeer et la scène de genre, L’art de la musique, La foi, Le portrait, La fête des dieux, Une fresque populaire, Les scènes d’hiver, La conquête des mers, Stilleven, Van Gogh, itinéraire de la couleur.
Entretien avec Etienne Devic, directeur des Carrières
Le vénitien Gianfranco Iannuzzi a présenté Venise, sa sérénissime en 2022. Il était aux commandes des spectacles depuis plus de 10 ans. Qu’est-ce qui change pour vous ?
C’est vrai qu’on avait l’habitude de travailler avec lui ; pour autant, soyez rassuré, il continue à travailler avec nous. Nous avons un développement à l’intrnational, une programmation qui s’étoffe, des créations supplémentaires à effectuer, nous avons donc recours à d’autres talents. Une personne seule ne peut pas assurer dans le même temps, trois ou quatre expositions, d’autant plus que nous avons ouvert d’autres sites.
À la direction artistique Virginie Martin, qui n’est pas une inconnue
Oui, elle a déjà travaillé à de nombreuses créations dont Kandinsky le spectacle court 2019. C’est une première, nous avons décidé de lui confier cette année ces deux expositions du programme long et court.
Quelle sont les décisions que vous prenez par rapport aux spectacles ?
Il y a un comité de programmation qui se réunit régulièrement sur Paris. On est associé à la direction artistique, au studio de réalisation, au sein de l’équipe culture et espace digitale. Il y a des gens dont c’est le métier et qui sont à même de décider, d’arbitrer sur des choix, sur des œuvres ou des effets. De mon côté, je suis là pour valider des tests en situation. Quand on travaille sur informatique, on pense avoir réalisé un bel effet, qui finalement, peut s’avérer raté sur un grand mur. Tout cela nécessite des ajustements, et nous, nous apportons notre plus-value à ce moment-là. On a la connaissance du site et on recommence si les choses ne conviennent pas. On avance avec un jeu de va-et-vient entre la direction artistique, les studios de production et Culture Espace. Ce sont souvent des réajustements. Une mer trop importante par rapport au ciel, ou encore tel tableau qui fonctionnera mieux sur tel mur, plutôt que celui-ci, des portraits exposés ici plutôt que là.
Rencontre avec Virginie Martin la réalisatrice
Comment appréhendez-vous le site des Carrières pour ce première spectacle long ?
Je connaissais déjà bien l’espace, car j’y ai travaillé sur le spectacle court, Kandinsky en 2021. Le sujet figuratif des peintres hollandais était différent et nouveau pour moi. Le choix se fait chez Culture Espace qui m’a proposé ce thème sur lequel j’ai beaucoup aimé travailler.
Comment avez-vous abordé ce spectacle ?
J’ai créé le spectacle de la manière dont je le souhaitais. Sans ligne directrice. L’un des plus grands challenges étaient de choisir les peintres. Et ils sont nombreux les peintres hollandais dignes d’être présentés.
Il a fallu trouver un fil conducteur. J’ai souhaité travailler sur des scènes du quotidien, mettre l’accent sur des styles picturaux particuliers dans la peinture hollandaise, mais dans l’ensemble, les chapitres se sont faits assez facilement même s’il y a derrière un long travail justement des choix des œuvres et de la manière de les mettre en scène.
Que pouvez-vous nous dire sur la bande son qui illustre les œuvres ?
La musique est travaillée en rapport avec les œuvres. Il ne faut pas dénaturer ce que l’on voit. Pour exemple, dans les séquences consacrées à Vermeer, on a privilégié une musique calme qui traduit ce climat « suspendu » dans le temps. On peut, sur d’autres périodes plus « turbulentes », illustrer avec des musiques plus poignantes, pour exemple, la conquête des mers. La bande son s’écrit chapitre par chapitre.
Il manque quelques grands peintres : Franz Hals, Van Dongen…
C’est vrai que ce sont des peintres majeurs. Mais comme je vous le disais, il a fallu faire des choix. Nous présentons des œuvres emblématiques, pour la plupart connues du grand public. Il serait déçu de ne pas découvrir, dans ce format géant et mis en scène,
Le célèbre tableau de Johannes Vermeer La Jeune Fille à la perle ou encore La laitière. Impossible de faire l’impasse sur La Ronde de nuit de Rembrandt et tant d’autres tableaux incontournables.
Il a fallu se nourrir, lire beaucoup, observer
C’est ce qui est passionnant. Je travaille avec des iconographies, et j’ai la chance d’avoir accès à des images et des médias qui m’offrent déjà de beaux ressentis par rapport aux œuvres. Très vite, je savais ce que j’avais envie de voir et raconter. Pour exemple Rembrandt, si vous zoomez dans les œuvres, c’est déjà spectaculaire et fabuleux. C’est pour cela aussi que j’ai souhaité mettre l’accent sur ses autoportraits.
Dans les animations, on pouvait s’attendre à des patineurs qui… patinent
Ils bougeaient beaucoup à la base, et on les a un peu calmés ! On essaie aussi de ne pas dénaturer les œuvres . Il y a déjà une présence forte de la neige qui tombe…
Et la neige tombe souvent aux Carrières
C’est exact. Il faut dire que les évènements climatiques font partie des animations. En Hollande, les nuages, la pluie, le vent, la neige, la mer. Les tableaux eux-mêmes racontent tout cela. Les ciels sont omniprésents, ils sont chargés, il y a une lumière particulière chez les Hollandais.
Cela contraste par exemple avec les scènes d’intérieur de Vermeer même si on trouve toujours cette fenêtre, élément récurrent dans ses tableaux, cette ouverture sur l’extérieur qui éclaire joliment ces scènes intimistes. Elle symbolise une ouverture au monde, une ouverture vers ses pensées.
On a encore aimé votre présentation de Van Gogh
Il a été raconté tellement de fois que j’étais heureuse de ce résultat, ce travail sur la touche et la couleur. J’ai retracé en quelque sorte l’itinéraire de la couleur, lorsque le peintre quitte la Hollande, avec dans sa palette des teintes plus naturalistes, et quand il arrive à Paris, avec tout un travail sur la couleur complémentaire jusqu’à son arrivée en Provence. J’étais heureuse de raconter beaucoup de choses en si peu de temps.
Dans le spectacle court, vous montrez l’artiste Mondrian sous différentes facettes peu connues du grand public
J’ai essayé de raconter combien ce côté presque binaire des pleins et des vides existe déjà dans les œuvres de jeunesse de Mondrian. Il y a plusieurs lectures dans sa période figurative .On commence à lire son œuvre future, ce pas vers l’abstraction, cette façon d’appréhender le néoplasticisme.
Il n’a pas vraiment opposé la figuration à l’abstraction
En effet, et la troisième partie montre comment à partir de l’arbre, figuratif, le trait organique se fait de plus en plus rigide, commence à se résumer, s’alléger, pour aller vers cette simplification extrême, faite de verticales, d’horizontales, et basculer vers le néoplasticisme. J’avais lu que l’on comparait souvent ses toiles à des partitions musicales, on a essayé de rendre son œuvre « musicale », très vivante et très dynamique.
Carrières des Lumières. Les Baux-de-Provence
Vermeer, Van Gogh, Mondrian
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