Le nouveau roman de Lorraine Fouchet vient de paraître, son titre: Jamais là par hasard. Et l’action ne se passe pas sur l’île de Groix, mais au fin fond de la Laponie, en Finlande à Rovaniemi. Mais quand même, l’île est toutefois présente, en retrait, mais présente, tant elle est importante pour l’un des protagonistes.
Trois personnages principaux : Flore, divorcée, deux enfants, traductrice ; Ambroise, la cinquantaine, journaliste spécialiste de la culture, mais qui se retrouve au chômage tant son domaine devient accessoire dans la presse et Arwen, la vingtaine, étudiante en médecine qui sort d’un traitement contre une maladie qui a failli la tuer. Ils ont tous reçu une invitation pour passer trois jours dans ce village finnois afin de voir des aurores boréales. Chacun, se trompant totalement sur l’émetteur de cette invitation, partent. Sur place, ils trouvent Emma, la soixantaine, journaliste à France Télévisions, célibataire avec un chien, se posant des questions sur son avenir qu’elle prévoit très sombre et Marceau, jeune stagiaire à la télévision par piston paternel qui souhaite le sortir de l’île de Groix dont il est totalement addict, et qui ne pense qu’à repartir sur l’île.
C’est en arrivant en Finlande qu’ils apprennent qu’ils sont réunis à cause de Niels.
Niels cameraman à France Télévisions a marqué la vie de nos trois personnages : c’est le petit frère d’Ambroise et ce dernier refuse d lui parler depuis qu’il est persuadé qu’il est la cause de la mort de leur mère. Niels, le premier amour de Flore. Quand ses parents les ont surpris, ils ont envoyé Flore aux États-Unis et les ponts ont été coupés laissant une plaie ouverte en l’âme de Flore qui pleure encore cet amour absolu. Quand elle était malade, devant suivre un protocole lourd, dans la salle d’attente, Arwen a rencontré Niels, une vraie complicité, basée au début sur leur passion pour les baskets originales, s’est instaurée entre eux, même après la guérison de la jeune femme qui le considère comme son « plus que frère ».
Deux mois avant, Emma, Marceau et Niels avaient fait un reportage à Rovaniemi durant lequel Niels avait montré sa volonté de sortir de l’impasse dans lequel il était plongé : dire à son frère les vraies circonstances de la mort de leur mère, dire à Flore qu’il l’aime toujours et qu’il n’a jamais cesser de l’attendre et surtout à Arwen que le hasard n’y est pour rien dans leur rencontre, qu’à l’appel de la mère de la jeune fille, il avait tout laissé pour pouvoir s’occuper de celle qui est sa fille. Et une nuit, tous réunis devant une aurore boréale, Emma et Marceau leur apprend pourquoi ils sont tous en ce lieu : suivant ses dernières volontés ils vont disperser les cendres de Niels.
En effet, deux mois avant, par négligence il a été victime d’un accident de scooter des neiges. Plongé dans un coma irréversible, il a fait don de ses organes à sept personnes qui grâce à lui vont pouvoir vivre. Emma et Marceau ont réussi (merci les réseaux sociaux) à les retrouver et à achever la démarche entreprise par Niels.
Et les trois comprennent : Flore apprend ce qu’elle représentait pour Niels qui allait partir la chercher aux États-Unis quand sa mère est décédée, Ambroise comprend qu’il n’est en rien responsable dans l’accident mortel et Flore découvre un père qui l’a aimée, adulée. Et en plus, comme d’habitude chez Lorraine Fouchet, l’amour triomphe. Ce qui est certain, c’est que les trois, ou plus exactement les cinq personnages reviennent en France totalement transformés et alors prêts à affronter l’avenir avec la force et la vigueur qu’ils avaient perdues avant leur voyage. Niels est en quelque sorte le deus ex machina qui, au-delà de la mort embellit leurs vies.
Lorraine Fouchet continue ses variations autour de thèmes qui lui sont chers : cet instant où les certitudes tombent, souvent au moment où l’on s’y attend le moins, et qui nous fait emprunter un nouveau chemin, différent du précédent, maintenant que nous savons la vérité. Il y a toujours, à ce niveau la fausseté des apparences qui nous éloignent de la vérité, qui peuvent être un moteur pour continuer à survivre après une épreuve, mais qui ne sont que des mensonges qui, de fait, nous empêchent de vivre pleinement.
Et puis toujours la mort, la mort qui efface tout, la mort rédemptrice, la mort qui sauve ceux qui restent : physiquement (et nous ne pouvons qu’être émus sur le destin de ceux qui ont été sauvés par le don des organes de Niels) et moralement car elle fait tomber les masques, balaie les mensonges et nous incite à continuer à vivre.
Vous l’avez compris, je suis enthousiaste après la lecture de Jamais là par hasard qui est aussi une excellent porte d’entrée pour découvrir l’œuvre de Lorraine Fouchet pour ceux qui ne la connaissent pas encore.
Jamais là par hasard
Lorraine Fouchet
éditions Héloïse d’Ormesson. 21€
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