Bon, Vercingétorix. Tous les petits Français à l’école ont appris la vie et surtout l’action de ce chef de tribu gauloise (les Arvernes) qui a défié César, et dont l’épopée s’est achevée par le désastre du siège d’Alésia. Ah, le mythe Vercingétorix, créé sous le Second Empire et bien développé sous la IIIe République, merci Lavisse et autres auteurs !
Bon, depuis cette époque, les études scientifiques sur ce chef de tribu ont fait progresser les connaissances de cette époque et détruit bien des fausses idées. Pourtant et encore aujourd’hui certains thuriféraires du mythe Vercingétorix, essentiellement des « nationalistes » d’extrême-droite défendent encore cette invention historique et politique en poussant des cris d’orfraie chaque fois que sont remis en cause les erreurs d’analyse de nos ancêtres. Il est certain que s’ils lisent Sans peur et sans moustache de Juliette Lécureuil nous assisterons à de beaux autodafés tant ce livre est « iconoclaste ».
Iconoclaste, c’est normal puisque c’est même la « philosophie » qui préside à la collection « Romans d’Histoire pop’ » que viennent de lancer les éditions Eyrolles. Il y a aussi : « Une enfance tout feu tout flamme » sur Jeanne d’Arc et « J’ai craqué au bureau » sur Louis Pasteur.
N’oublions pas le titre de la collection. Ce sont des romans, pas des essais, des biographies, des livres scientifiques. Il y a le mot Histoire, avec un grand H, c’est à dire que les derniers éléments de la recherche historique sont bien pris en compte, et peu importe s’ils sont différents de la doxa soit-disant majoritaire. Et puis, et surtout, il y a pop’ et c’est, comment dire, la signature, l’esprit de cette collection. D’où des anachronismes, des interprétations loufoques, des dialogues inventés et décalés, etc., voulus et totalement assumés. D’où un résultat parfois assez désarçonnant, voire surréaliste. On apprécie ou pas, là n’est pas le problème, on sait depuis toujours que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, et c’est vrai aussi au niveau de la littérature. Ainsi j’adore Balzac et je n’ai jamais réussi à dépasser la troisième phrase de La recherche du temps perdu de Proust. Et puis, voire surtout, cet engagement des éditions Eyrolles permet une certaine vulgarisation de faits historiques, beaucoup plus accessible qu’une docte biographie de Vercingétorix réservée à des doctorants. Un bon moyen pour que les plus jeunes entrent dans le monde merveilleux de l’Histoire. Rien ne les empêchent de lire d’autres études plus sérieuses sur le sujet abordé. N’oublions pas l’effet qu’a provoqué sur beaucoup d’entre nous la lecture des romans d’Alexandre Dumas qui a quand même dit : « on peut violer l’histoire, mais à condition de lui faire de beaux enfants ! »
Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay
Huile sur toile, 321cmx482cm
Alors, et j’en reviens au sujet initial, je ne vais pas faire un résumé de ce roman qui se passe entre la victoire de Gergovie par les Gaulois et celle d’Alésia par les Romains. Vercingétorix est présenté comme assez ego centré, grand amateur de tisane pour avoir une belle voix car c’est essentiellement grâce à la magie du verbe qu’il arrive à fédérer les tribus gauloises. Excellent tacticien, il sait adapter sa stratégie à celle de César qu’il connaît bien car il a été son otage au temps de son adolescence. C’est aussi un grand adepte du yoga, aidé en cela par son épouse Acaunissa qui fait montre de bonté et d’empathie, à l’inverse de sa sœur, aristocrate hautaine, coléreuse, violente qui trouve son frère trop « mou » et se verrait bien à la tête de la révolte gauloise. Mais elle tombe amoureuse du chef espion envoyé chez les Gaulois par César et elle finit, par amour, par trahir et à donner les plans de son frère aux Romains, ce qui aboutit au désastre d’Alésia. Et César me direz vous ? C’est un homme très fier de ce qu’il est, certain de son génie, grand amateur de raisins, ayant toutefois une certaine affection pour Vercingétorix.
Au moins Juliette Lécureuil, nous donne sa réponse à l’interrogation qui persiste et qui persistera encore : Vercingétorix a-t-il été trahi ? Il est indéniable que César, qui surtout n’en parle pas dans La Guerre des Gaules, était au courant du plan de Vercingétorix et a organisé ses légions pour le contrer.
C’est énervant à lire pour les vrais amateurs d’Histoire, mais un excellent véhicule de vulgarisation qui incitera plus d’un à approfondir ses connaissances sur celui qui a été proclamé « l’inventeur de la nation française».
Sans peur et sans moustache
Histoire ébouriffante de Vercingétorix
Juliette Lécureuil
éditions Eyrolles. Collection Romans d’Histoire pop’. 16€90
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